Après la rétrospective de son travail montrée à la Bibliothèque Nationale au printemps dernier, John Batho expose des photographies plus récentes à la galerie Nicolas Silin (jusqu’au 19 décembre). Il poursuit la tendance affichée à la BNF : de la couleur vive, il passe à des teintes plus grises, tendant vers le noir et blanc; et la figure humaine apparaît maintenant à grande échelle dans ses photographies. Mais c’est une figure fantomatique, à peine aperçue à travers des vitres recouvertes de vapeur d’eau ou des fenêtres d’autobus embuées, non identifiable, tout juste l’ébauche d’un corps anonyme, une trace de l’espèce humaine plutôt qu’une personne (Présents absents)
La plupart des photographies présentées ici découlent de sa visite à Vilnius et de l’histoire de la déportation des habitants du ghetto par les nazis :
travail plus littéral, plus historique dans son incipit, même si l’artiste ne conte pas, ne témoigne pas, mais s’empreint simplement d’une réalité absente. Pour photographier les humains, lointains descendants des déportés ou des complices, il passe par la déformation, la diffraction, la dissimulation des identités, l’enfumage. Pour photographier les endroits, les rues du ghetto, il passe par le négatif, ne voulant montrer que la trace, que l’envers des choses et se gardant bien de capturer quelque présence humaine en ces lieux : une rangée horizontale de ces photos du ghetto, en négatif, occupe le fond de la galerie. On y discerne parfois une bicyclette abandonnée, une vieille balançoire, ou, ci-contre,des boîtes à lettres sur un mur lépreux, qui nous disent que ces lieux furent autrefois habités, que des gens sont nés là, ont vécu là, s’y sont aimés, puis en sont partis pour un ailleurs sans retour (Ghetto Vilnius). Comme je le soulignais à la BNF, c’est ici une dimension nouvelle du travail de John Batho, toujours avec la même exigence formelle, mais avec, cette fois, un ancrage dans le réel plus affirmé. L’exposition montre aussi des oeuvres plus ‘pures’, dont ces deux petits bijoux, socles de bois portant une plaque de verre inclinée avec l’image photographique d’une vitre embuée à travers laquelle on discerne à peine un arbre ou une maison (Instants).Photos courtoisie Galerie Nicolas Silin (6 rue Chapon, 75003) © John Batho.