Climat : d'où vient le consensus ?

Publié le 02 décembre 2009 par Unmondelibre

Emmanuel Martin - le 2 décembre 2009. Il est politiquement incorrect de dire que le réchauffement climatique de la fin du vingtième siècle pourrait être dû sans doute essentiellement à des causes naturelles. Les sceptiques, scientifiques ou non, sont ostracisés. Voilà qui est très problématique : c’est la fin de l’esprit critique.

Depuis plus de vingt ans, soit une génération, nous sommes exposés à cette répétition dans les médias que la majorité des scientifiques attestent que nous sommes coupables du réchauffement. Même le scandale du ClimateGate n’a pas ému l’opinion : « portée limitée » tranche Le Point. Alors que des climatologues partisans de l’alarmisme ont été pris la main dans le sac à frauder pour tenter de prouver leur théorie contredite par les observations de températures depuis le début de la décennie, et que parmi eux on trouve le célèbre Michael Mann auteur de la courbe –trafiquée- en forme de crosse de hockey qui effraie la planète depuis dix ans, l’opinion ne bouge pas. Les croyances sont établies. Toute preuve contraire ne compte plus : la température est stable depuis une décennie ? « Ca doit être temporaire, que faites-vous du consensus ? »

Parallèle intéressant : il y a trois ans le consensus parmi les économistes était qu’il ne pouvait pas y avoir de crise économique majeure. Dans un débat télévisé en 2006, Peter Schiff expliquait que l’encouragement politique de l’endettement des Américains constituait un château de cartes qui allait s’écrouler avec la remontée des taux d’intérêt : la prospérité américaine des années 2000 était en grande partie une illusion fondée sur une hausse des prix bullaires. Face à lui, l’économiste de renom Arthur Laffer ridiculisait son contradicteur, hérétique et minoritaire. Et pourtant Peter Schiff, comme quelques autres tels Nouriel Roubini, avait raison contre l’immense majorité.

Voilà une leçon que nous devrions retenir pour la question de l’origine du réchauffement autour de laquelle il y a un véritable débat, mais que la majorité veut là aussi, étouffer. Thomas Stocker du GIEC a qualifié les sceptiques de « négateurs ». Les critiques minoritaires au sein du GIEC ne sont pas incorporées au sein des rapports. Or, une science fonctionne par le processus critique : l’arrêt de ce processus signifie la mort de la science, et l’avènement d’une religion avec l’étiquette de la science. C’est exactement ce qui se passe en climatologie. L’idée même d’un consensus qui détient la vérité, dans une science encore jeune et dont l’objet est complexe, va à l’encontre de l’éthique scientifique.

Il est possible d’expliquer le « consensus » par des raisons autres que purement scientifiques. L’économie et la sociologie de la science ont en effet permis de dévoiler des mécanismes de formation de croyances scientifiques au sein de la communauté scientifique elle-même comme au sein de l’opinion. L’information ou la connaissance sont coûteuses car elles nécessitent un investissement. L’ère de l’internet nous a fait croire que l’information n’est plus coûteuse, mais en fait elle l’est toujours ; il y a même davantage d’information disponible, nécessitant un processus de tri plus long.

Pour forger leurs croyances, surtout dans un monde surinformé, les individus ont donc rationnellement recours à certains procédés pour « économiser ». Premièrement, ils se fient à ce que pensent les autres pour forger leurs propres croyances. On parle alors de « cascade d’information ». Ce phénomène d’imitation est bien connu en bourse : les investisseurs suivent les autres investisseurs, mais quand tout le monde se trompe, c’est le krach… Deuxièmement, les individus adhèrent à l’opinion des autres aussi par désir de conformité (surtout si l’information vient de scientifiques) : on parle alors de « cascade de réputation ».

Il est aisé pour certains groupes de jouer sur ces deux éléments. Pour le premier en « noyant » la société d’informations à leur profit, de telle sorte que, par le biais des médias, très rapidement « répétition devient vérité », et en faisant usage d’images fortes que l’on met en parallèle en laissant croire à une causalité réelle. Pour le deuxième, la stratégie est connue : un zeste de peur (ouragans), un zeste de culpabilisation (ours polaires), et la cascade de réputation verrouille la cascade d’information : « Quoi ? Tu nies le réchauffement climatique d’origine humaine ? Mais tu veux nous conduire à la catastrophe ? » Et le tour est joué : il est alors extrêmement difficile pour les intellectuels concurrents de faire revenir la machine en arrière. Mais cette construction sociale de « la vérité » ne s’arrête pas là.

En effet lorsqu’une génération de scientifiques est formée avec une idée, il est difficile pour eux de la remettre en question, et c’est humain : la puissance des réseaux fait son œuvre. Surtout quand des scientifiques de renom font de l’excommunication des sceptiques comme aujourd’hui. Ironie de l’histoire : la science est fondée sur le doute, voilà qu’elle ne le permet plus.

Ensuite, la modélisation numérique est sans conteste un progrès immense pour la science, mais elle peut s’avérer parfois un frein, en ce sens si les scientifiques travaillent sur les mêmes modèles ils aboutissent aux mêmes conclusions. C’est exactement ce qui s’est passé en économie financière avant la crise. N’est-ce pas la même chose en climatologie aujourd’hui ? Certains scientifiques le pensent.

Par ailleurs lorsque des chercheurs travaillent sur les mêmes données et que ces données sont biaisées, il y a de fortes chances qu’ils arrivent aux mêmes résultats. Or, qu’a dévoilé le Climategate ? Que les scientifiques fraudeurs du Climatic Research Unit contrôlaient les données brutes et les homogénéisaient à leur manière pour qu’elles soient ensuite utilisées par les scientifiques du monde...

Enfin, il faut rappeler que la recherche sur le réchauffement climatique a vu ses subventions multipliées par 30 en 20 ans. Ainsi, de nombreux scientifiques travaillent sur l’impact du réchauffement sur tel animal ou telle plante : ils ne sont pas spécialistes du réchauffement, ils le prennent juste pour point de départ en se fondant sur les idées du GIEC. Ils ne peuvent les critiquer mais en deviennent des adeptes de par leur travail.

Voilà comment se crée un « consensus » de manière non scientifique.

Emmanuel Martin est analyste sur www.UnMondeLibre.org.