Alors que Mr Frédéric Mitterand inaugurait en grande pompe Le salon du livre et de la jeunesse de Montreuil, je découvrais, en lisant l'excellent Tiers-Livre de François Bon, avec stupeur la liquidation de la Direction du Livre et de la Lecture au Ministère de la Culture.
Déjà, François Bon nous avez prévenu en avril 2008 sous le règne de Mme Albanel, mais désormais c'est effectif depuis le décret du 15 Novembre 2009... Moi qui pensait qu'une nouvelle ère heureuse s'ouvrait pour le Livre et la Culture en général, avec l'arrivée de Frederic Mitterrand!
A la place, on a une "Direction générale des médias et des industries culturelles qui définit, met en œuvre et évalue la politique de l'Etat en faveur du développement et du pluralisme des médias, de l'industrie publicitaire, de l'ensemble des services de communication au public par voie électronique, de l'industrie phonographique, du livre et de la lecture et de l'économie culturelle. Elle suit les activités du Centre national de la cinématographie."
Pourquoi s'inquiéter me diriez-vous?
Lisez Lalie Walker pour qui la signature de ce décret s'apparente à un pur autodafé.
"Cela signifie la mort des petits libraires, des soutiens aux nouvelles revues et autres publications, des bourses pour auteurs inconnus, des résidences et ateliers d’écriture, de tout ce qui n’entrera pas dans la "nouvelle industrie du livre"… en bref, il en va de la liberté d’expression, soi-disant si chère à l’esprit français."
"Tous. Retrouvons-nous tous, Place de la république, pour brûler ce décret et, pourquoi pas même les livres écrits par ceux qui restreignent nos libertés, eux qui incendient symboliquement et, conséquemment, nos bibliothèques et nos imaginaires, d’une façon "plus policée" (de police ?) qu’un autodafé, mais qui symboliquement - donc concrètement - agissent en cela comme leurs illustres prédécesseurs. Dont acte, de l’autodafé revisité."
Une info relayée par Francis Mizio (et ici) qui milite aussi pour ce "Contrautodafé", mais tout le monde s'en fiche, c'est bien le problème!
Bizarrement, nulle trace de cette info dans les grands journaux d'information. Je trouve quelques coups de gueule par ci, par là: Mouloud Akkouche dénonce la casse annoncée du Livre en France, Yannick Serrano annonce la création d'un ministère de la Propagande, le Post un nettoyage au Karcher...
Après mon enquête sur le Web, je découvre au 6 Octobre 2009 ce rapport parlementaire sur "l’optimisation des dépenses publiques et la suppression des structures publiques inutiles" qui explique cette fâcheuse restructuration:
"Dans une période marquée par une crise économique gravissime qui se traduit par une crise budgétaire sans précédent (déficit de 140 milliards d’euros en 2009), laquelle requiert un haut sens des responsabilités dans l’allocation de ressources fiscales amoindries par la récession, la mission a cependant décidé, dans un souci d’efficacité, de ne retenir qu’un seul champ d’investigation : la réforme des structures du ministère de la culture et de la communication et son influence sur la gestion du patrimoine.
(...)
La mission n’a voulu en aucune façon stigmatiser une quelconque structure administrative ou ne proposer a priori que des mesures « négatives », de suppression de structures d’un ministère dont on célèbre cette année le cinquantenaire (3) : « optimiser » ne signifie aucunement « réduire » les moyens. Il a simplement semblé à la mission qu’il lui appartenait de tracer de nouvelles pistes de rationalisation en vue d’une meilleure efficience de la dépense publique.
Sur ce point, les Français exigent, en cette période critique, des efforts redoublés et l’action de l’État en matière culturelle ne doit pas faire l’objet d’exceptions. Si les moyens du ministère de la culture et de la communication sont limités (2,8 milliards d’euros de crédits de paiements et 11 731 personnes équivalent temps plein (4)), si les marges d’économies ne sont pas, du coup, considérables (sauf à réduire l’offre culturelle), la gestion des moyens ne doit pas être pour autant synonyme de flou… artistique.
(...)Et je trouve ce dialogue sans réponse:
"Mme Monique Boulestin. À mon tour, je regrette de n’avoir pu participer, en raison du calendrier retenu, aux réunions de la mission. À la lecture du rapport, je constate certes qu’est évoquée la réduction du nombre des directions d’administration centrale du ministère mais que le devenir de la direction du livre n’y est pas précisé. Elle semble avoir disparu en tant que telle. Est-elle noyée dans un vaste ensemble ? Ce serait très regrettable. Elle avait un caractère emblématique et jouait un rôle très important, notamment dans le développement des bibliothèques municipales à vocation régionale.
M. le rapporteur Gilles d’Ettore. La direction du livre a été intégrée dans la direction des industries culturelles.
Mme Monique Boulestin. Mais le livre ne relève pas des industries ! La lecture n’est pas une activité de consommation courante. La suppression de la direction peut même donner l’impression que l’on se désintéresse du sujet et que l’on privilégie le « tout marchand ».
(Silence et non réponse de Mr Le Rapporteur)
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Je ne sais pas qu'elle répercussions ce décret aura au niveau local et associatif, sur les budgets, subventions, aides aux auteurs, libraires et éditeurs et tous les petits du livre... Je voulais seulement souligner le changement "symbolique" qu'inaugure ce décret: le primat de l'image et de la publicité, la revolution du livre numerique, la fin annoncée du livre papier, et tout un mauvais mélange des genres néfaste au livre...