La première fois que j'ai entendu parler de la famille Levieux, c'était en 1995. J'étais stagiaire au château Laroque, un domaine en biodynamie. Hélène Levieux était alors venue pour prendre des conseils sur ce mode de culture. Son domaine est effectivement passé en bio quelques années. Puis elle est tombée malade. Son fils lui a succédé, passant au raisonné, préférant consacrer ses efforts aux travaux viticoles (ébourgeonnage, vendange en vert...) et aux vinifications.
Et puis voilà que Vincent intervient depuis quelques mois sur mon forum favori, racontant ses vendanges 2009 avec une honnêteté, une transparence rarement lue : vendanges à la machine, enzymage, turbo-pigeage, thermovinification, copeaux... tout y passe, et pourrait décourager nombre d'amateurs de vins.
Je ne me décourage pas pour si peu ;o) Aussi, lorsque Vincent m'a proposé de passer à l'un de ses domaines (le château Lagnet), j'ai accepté presque de suite. J'ai profité en fait d'une dégustation à Bordeaux pour faire un détour de quelques kilomètres.
A Lagnet sont également vinifiés les vins de Roques Mauriac. Seul Labatut a des chais spécifiques. Vous voyez ici les cuves destinées à la fermentation alcoolique. La fermentation malolactique et l'élevage se font dans d'autres cuves (béton), dans un autre bâtiment.
Il y a également un chai à barriques pour une partie de la production (envahi ici par des palox de bouteilles prêts à être expédiés). Le but principal de ma visite était de découvrir les 2009. J'ai eu droit à une dégustation exhaustive.
Je n'ai pas pris de notes. J'en resterai donc à des impressions générales. Je n'ai pas été surpris de trouver en 2009 des vins puissants, très expressifs, mais où l'on ne sent jamais d'excès d'alcool (malgré des 14-15°). J'ai pu apprécier en quoi la thermovinification pouvait apporter un fruité sensuel et des tannins très doux, encore accentués dans la version "copeaux" qui peut sembler "too much".
J'ai pu apprécier les fines extractions sur les cabernet franc, le cépage roi du domaine. Certaines cuves présentaient une superbe minéralité.
J'ai pu voir les différences de boisé entre les staves (barres de chêne toastées placées dans les cuves) et les copeaux. Les premières sont en général plus subtiles. Tellement qu'il faut être à mon avis sacrément bon dégustateur pour dire que le vin dégusté n'a pas été élevé en barrique. Certain boisés m'ont beaucoup plu. D'autres m'ont paru plus vulgaires, avec une sucrosité dérangeante. Mais bon, quand tout sera mélangé, ça devrait être mieux.
J'ai ensuite dégusté toute la gamme des vins rouges sur les millésimes actuellement à la vente. Les vins ont tous leur charme. Lagnet et Labatut sont des Bordeaux fruités et épicés, facile d'accès : le consommateur en aura pour ses 4€. Roques Mauriac est plus puissant, plus complexe. Le 2005 demande encore à être attendu. Le 2004 permet de patienter. A signaler aussi la cuvée Damnation (85% cabernet franc, 15% merlot), d'une grande richesse, à l'élevage généreux, également à attendre.
Si je vous ai donné envie de goûter ses vins, vous allez pour une fois me bénir : ils sont très faciles à trouver, excepté le dernier. Ils sont en vente dans tous les Leclerc de France, voire de Navarre (et pour cause, Hélène Levieux est la fille d'Edouard Leclerc). Les cuvées de Roques Mauriac qui ne sont pas en vente en GD sont disponibles en ligne.