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Noter les notants

Publié le 02 décembre 2009 par Argoul

Après le site not2b.com, mis en veilleuse après une cabale de profs syndicalistes, un nouveau site notetonprof.com vient de naître sous la loi californienne (Le Monde du 29 novembre). Le net permet d’échapper aux lois trop étroitement corporatistes des pays ; il est donc un espace de liberté. Nul doute que les syndicats enseignants vont sonner une fois de plus la grosse caisse pour faire cesser ces pratiques déplorables. Ils vont en appeler au « respect » de leur fonction, à leur « droit identitaire » de notant diplômé et à l’insupportable marchandisation de l’enseignement où les élèves se comportent comme des « clients ».

Tous les mots entre guillemets sont des mots à la mode, réversibles comme les doigts d’un gant. Profs élèves, même combat ! Le respect est revendiqué par les ados des banlieues comme par les adeptes du genre ; le droit identitaire est le bon vieux communautarisme ; les clients sont les rois pour les entreprises. Les profs s’aperçoivent qu’ils ne sont pas différents et que le droit commun s’applique.

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Mais leur ego est-il à leur image ? Regardez la dernière pub Casden, filiale des Banques Populaires dédiée aux enseignants. Ne reconnaissez-vous pas là un « copain » ? Tronche pas rasée, chemise bleu de chauffe ouverte en ado, sourire séducteur et main convaincante, n’est-ce pas l’image actuelle que les enseignants donnent d’eux-mêmes ? Des grands-frères 68 qui comprennent la jeunesse et se contentent de l’accompagner vers l’âge adulte ? Pourquoi s’étonner des pratiques 68 qu’une telle image renvoie ?

  • Ils font copains, on les traite en copains ;
  • ils se revendiquent démocrates de gauche, on exige d’eux la démocratie participative ;
  • ils déclarent préparer l’avenir, on attend d’eux qu’ils fassent avec les nouvelles technologies.

Ils ne peuvent à la fois revendiquer la modernité et réagir comme au bon vieux temps. Les profs 2009 ne sont pourtant pas dans la situation des profs 1969.

  • A cette époque post-68, les élèves refusaient la notation « flic » de zéro à vingt au profit des évanescents A à E, moins humiliants.
  • A l’époque, des « tribunaux du peuple » naissaient spontanément dans les cours de lycée pour juger les profs coincés, autoritaires et hiérarchiques.
  •  A l’époque, le chahut au bahut était de règle dès qu’un adulte se mêlait de dicter ce qu’il fallait faire ou – pire ! – penser.

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L’usage d’aujourd’hui des SMS en cours, la notation des notants par net interposé, ne sont que manifestations bénignes de l’éternelle rébellion adolescente. Pourquoi les notants ne seraient-ils pas notés ? Cela se pratique couramment en Grandes écoles. Pourquoi les lycées échapperaient-ils à cette pratique de bon sens où les élèves sont déjà mûrs, voire majeurs ? L’enseignement serait-il considéré comme une bastille imprenable de l’emploi protégé ? Comme un refuge du fonctionnariat devant échapper à toute évaluation ?

On dira : évaluation oui, mais pas comme ça. Alors comment ? Cela ne fait-il pas 15 ans que les syndicats en refusent toute forme ? Si l’administration démissionne de sa fonction d’évaluer l’enseignement, pourquoi les « usagers » (comme on dit dans les services publics) ne prendraient-ils pas eux-même la question en main ? Ils font entendre leur voix de façon brouillonne et provocatrice – mais c’est ce qui arrive quand nulle règle démocratique n’est admise. Or tout citoyen a le droit de contrôler ses mandants et les fonctionnaires de l’Etat : c’est inscrit dans la Constitution*.

A bloquer dialogue et évaluation, on encourage anarchie et révolution – du pur Louis XVI. N’est-ce pas très 68 que cette façon d’échanger les expériences ? Tu m’apprends, je t’apprends ; tu me notes, je te note ; si t’es bon, on est bon. Au fond, meilleur tu es, meilleurs nous serons tous. Voilà qui est sain, non ? Tu m’élèves, je t’élève.

Quoi, non ? Te verrais-tu d’une essence supérieure ?

* Préambule de la Constitution de 1958, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, article XV : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. »


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