Banderille n°321 : Les limites de l’inacceptable

Publié le 01 décembre 2009 par Toreador

L’Iran a décidé de braver la communauté internationale en démultipliant son potentiel nucléaire. La région est au bord du gouffre : Israël ne laissera pas, quelque soit le pouvoir en place, l’Iran se doter de la bombe.

L’Holocauste était inimaginable et l’inimaginable est pourtant arrivé : depuis, aucun argument rationnel ne parviendra à tempérer l’instinct de survie du peuple juif.

De son coté, les Etats-Unis ont réagi en disant que l’attitude iranienne était « inacceptable ». Un court moment, j’ai repensé à Georges Bush Sr qui avait lâché, au moment de l’invasion iraquienne du Koweït, « It shall not stand » (Cette situation ne peut perdurer), prélude à une contre-attaque internationale que Saddam n’avait pas su sentir arriver.

Ici, il n’en est rien, car le mot a perdu de sa respectabilité.

Et les shadocks pompaient, pompaient…

Revoyons le film au ralenti, même si c’est laborieux et indigeste. Le 28 Février 2007, le candidat Sarkozy avait jugé que la perspective d’un Iran doté de l’arme atomique était inacceptable. Il en était de même un an plus tard pour le candidat Obama: « Le danger de l’Iran est grave, il est réel et mon but sera d’éliminer cette menace. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour empêcher l’Iran d’obtenir une arme nucléaire, tout. » ( 4 juin 2008).

L’Iran, elle, apprenait à enrichir l’uranium.

Le 25 septembre 2007, pour son premier grand discours devant la communauté internationale, le chef de l’Etat français avait martelé son envie d’action, réaffirmant qu’un Iran en possession de l’arme nucléaire serait un « risque inacceptable à la stabilité de la région et du monde« . Le 23 septembre 2009, le président Sarkozy, lors de son allocution à l’Assemblée générale des Nations Unies avait déclaré « L’Iran a le droit à l’énergie nucléaire mais imaginons l’arme nucléaire dans les mains des dirigeants actuels. C’est inacceptable. »

L’Iran, elle, préparait tranquillement l’ouverture d’un deuxième site d’enrichissement.

Le 8 novembre 2008, lors de sa première conférence de presse,  Obama, désormais président américain élu avait estimé que la fabrication d’armes nucléaires en Iran était « inacceptable » et exhorté la République islamique à ne plus soutenir les organisations terroristes.  Le 13 juin 2008, le président Sarkozy avait qualifié de « menace inacceptable pour la stabilité du monde » une obtention par Téhéran de l’arme nucléaire, et appelé les dirigeants iraniens à montrer « leur bonne foi« , au cours d’une conférence de presse commune avec George W. Bush à l’Elysée.

L’Iran, pendant ce temps, menaçait l’AIEA.

Le 23 Juin 2008, à Jérusalem, le président Français qu’un Iran doté de l’arme nucléaire était pour son pays « inacceptable » et que la France serait là pour « barrer la route » à ceux qui appellent à la destruction de l’Etat d’Israël. Le 8 décembre 2008, lors de sa première conférence de presse dédiée au problème libanais, Barack Obama avait estimé que le soutien de Téhéran aux groupes terroristes comme le Hezbollah était inacceptable.

Le 3 novembre 2009, la chancelière allemande Angela Merkel lors d’un discours solennel devant le Congrès américain, avait expliqué « Une bombe nucléaire dans les mains d’un président iranien qui nie l’existence de l’Holocauste, menace Israël et nie le droit à l’existence d’Israël n’est pas acceptable« .

Ah oui ?

Il est minuit moins cinq sur l’horloge de la fin du monde

On le voit, la liste est longue, et plus on retrouve le terme dans des déclarations, moins on peut tester la résolution. L’inacceptable, c’est ceux qui en parlent le moins qui en font le plus.

Israël n’a jamais prononcé ce terme : il lui suffit de se préparer. De son coté, Vladimir Poutine a aussi utilisé ce terme. C’était en septembre : le Premier ministre russe avait rejeté toute option militaire vendredi contre l’Iran, un scénario inacceptable et “dangereux”.

Ce qui est certain, c’est que cette crise va faire au moins un mort : le Traité de Non-Prolifération nucléaire, le Conseil de Sécurité des Nations-Unies, Israël, l’Iran, la paix régionale, et peut-être les cinq en même temps.

Nous sommes à la veille donc d’un second Munich. Soit le Conseil de Sécurité parvient à prendre ses responsabilités, ce qui signifierait une abstention chinoise ou russe, et le droit international pourra être appliqué pour punir l’Iran ; soit les dissensions entre les Grands paralysent une fois de plus le Conseil et les pays occidentaux devront montrer la mesure de leur « inacceptabilité ».

Si tout cela n’a été que vain mot, alors il sera trop tard et nous rentrerons dans une zone d’incertitude totale. Bref, comme autrefois Kennedy et de Gaulle, Barack Obama et Nicolas Sarkozy sont au pied d’un mur-miroir qui les renvoie à leur propre image. Si le miroir se brise, cela fera 7 victimes et non 5. Et sept ans de malheur.