Un document que la délégation russe fait circuler au siège de l'OSCE à Vienne depuis septembre et que le New York Times a été le premier à se procurer propose de plafonner à cinquante le nombre d'observateurs par scrutin - ils étaient quatre cents en Russie lors des législatives de 2003 -, d'interdire la publication de leur rapport dès le lendemain des élections pour attendre le verdict des commissions officielles et de s'abstenir de juger le comportement des gouvernements.
Ces propositions, soutenues par l'Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan, devraient être discutées fin novembre lors de la réunion ministérielle de l'OSCE à Madrid.
La première explication du geste russe est la proximité du renouvellement de la Douma (la Chambre basse du Parlement). M. Poutine vient seulement d'accepter le principe d'une mission de l'OSCE, alors qu'il y a quatre ans les observateurs s'étaient mis au travail trois mois à l'avance. Mais n'est-il pas étrange que le Kremlin puisse envisager de bourrer les urnes et craigne donc le jugement de l'OSCE, bien que le président Poutine, tête de liste du parti Russie unie - dont il n'est pas membre -, soit crédité d'une popularité de 80 % et qu'il ait déjà écarté du scrutin toute opposition sérieuse ? Il est vrai que deux précautions valent mieux qu'une.
Ce n'est pas la première fois que la Russie tente de rogner les ailes de l'Office pour les institutions démocratiques et les droits de l'homme de l'OSCE. En 2005, Moscou avait réclamé une "meilleure répartition" des observateurs afin d'augmenter le contingent venant des pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI) et en particulier des Russes au-delà du contingent réservé à chaque pays.
Malgré un chantage au budget - la Russie menaçait de ne pas payer sa quote-part à l'OSCE -, la proposition avait été rejetée. Elle devrait l'être encore cette année à Madrid, les décisions devant être prises par consensus. La Russie pourrait toutefois obtenir quelques concessions pour éviter un blocage de l'institution. En réalité, le fonctionnement même de l'OSCE agace les Russes. Ils reprochent à l'organisation issue de la Conférence sur la sécurité et la coopération (CSCE) en Europe que l'URSS avait lancée au début des années 1970 de donner la priorité au respect des droits de l'homme "à l'est de Vienne", alors qu'elle devrait se concentrer, selon eux, sur le maintien de la stabilité et la coopération économique.
En 2005, les Russes avaient obtenu le retrait des observateurs qui surveillaient la frontière entre la Tchétchénie et la Géorgie pour enregistrer les incursions de leurs forces à la chasse aux rebelles dans la petite République indépendante.
Après la polémique sur le contrôle des élections, le prochain conflit est déjà programmé. L'OSCE maintient mille personnes au Kosovo, trois cents internationaux et sept cents locaux. Il est plus que probable que Moscou demande la fin de cette mission, si le Kosovo devient indépendant avec le soutien des Occidentaux. La CSCE avait pour objet de détendre l'atmosphère de la guerre froide. L'OSCE devient victime de la nouvelle tension Est-Ouest.
Daniel Vernet