J'ai lu récemment un genevois écrire: "Ce soir j'ai honte d'être Suisse et je suis triste de ce vote". Sans doute se sentait il proche de ses amis français et souhaitait-il ainsi manifester sa solidarité pour leurs cris d'orfraie.
Pourtant, il ne faut point se sentir obligé de partager la stupeur de vos voisins mangeurs de baguettes de pain, aux cranes frileux (que nous savons habilement recouvrir d'un béret). Certes, nous pouvons nous vanter d'avoir laissé bâtir quelques minarets ça et là en France, mais le courage que vous avez démontré en organisant cette votation nationale, nous serions bien mal placés pour en faire preuve dans notre Gaule natale.
Et pour cause, la décentralisation aidant, la loi du 7 janvier 1983 a transféré la responsabilité d'un document d'urbanisme (d'abord les Plan d'Occupation des Sols, P.O.S., progressivement remplacés par les Plan Locaux d'Urbanisation, P.L.U.) aux services et aux élus des communes, qui doivent cependant recueillir les avis des services de l'État, des organismes publics et des collectivités intéressées avant de les approuver. Notons au passage que l'État a conservé sous sa compétence l'aménagement des secteurs sauvegardés au sens de la loi Malraux (centres historiques des villes) qui doivent être couverts par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (P.S.M.V.).
Revenons au P.L.U., ce document d'urbanisme est établi sur l'intégralité du territoire d'une commune, et définit notamment "en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées" (Art. L123-1 du Code de l'Urbanisme). Ite missa est, si je puis me permettre. C'est ainsi que certaines communes ne se privent pas pour repousser les limites de la normalisation au détriment, parfois, d'essentielles libertés individuelles, et de respect de la propriété privée.
J'ai un exemple assez amusant, dans ma commune, où l'ancien maire s'est permis quelques audaces rédactionnelles, notamment dans le choix de la marque de la tuile que l'on doit trouver sur les constructions nouvelles, les rénovations, les extensions (il me semble évident, sans être juriste, qu'attaquée au tribunal administratif, cette réglementation forçant à l'achat d'un modèle précis d'une enseigne particulière puisse apparaître illégale). Cependant, il existe d'autres règles, tout à fait cohérentes et qui interdisent par principe les minarets: c'est le cas de la hauteur maximale des constructions (art. L123-1-1 qui vient justement d'être assoupli par la loi du 25 mars 2009 qui autorise par secteur des dépassements jusqu'à 20% des hauteurs maximales fixées par le P.L.U.).
Ces modalités permirent récemment à une journaliste du quotidien gratuit de Bordeaux DirectBordeaux7 d'écrire "Enfin, en matière architecturale, le projet de mosquée devra respecter le plan local d’urbanisme et s’intégrer au patrimoine environnant, ce qui exclut par définition, la réalisation d’un minaret.".
Circulez donc, chers amis helvètes, et plutôt que de vous soucier de nos cris, mettez donc à l'abri nos quelques kilos d'or frais.