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Les conséquences humanitaires des changements climatiques au Mali

Publié le 01 décembre 2009 par Cmasson
Les conséquences humanitaires des changements climatiques au Mali

Comme 80% des Maliens, les Tamashek -ethnie nomade vivant dans le Sahel, tirent majoritairement leurs revenus de l’élevage et de l’agriculture et sont de ce fait extrêmement dépendants du climat. Cette année, la saison des pluies a commencé avec un mois et demi de retard, provoquant une véritable urgence humanitaire.

Dans la région de Gao, au Nord du Mali, les pluies arrivent chaque année aux environs du mois de juin. Cette année, elles sont arrivées en août. Pour les scientifiques, ce retard de la saison des pluies serait un effet des changements climatiques. De plus, la durée de la saison humide diminue et l’on constate un dérèglement météorologique en Afrique de l’Ouest. Ainsi, cette année, alors que Ouagadougou –capitale du Burkina Faso- subissait des inondations record, la région du Sahel subissait d’importantes sécheresses.

 Le Sahel est une zone semi-aride qui s’étend entre le désert du Sahara et les zones tropicales humides plus au Sud. Les zones sahéliennes ont toujours été habitées ; ce sont des régions sèches et difficiles mais viables grâce aux pluies qui y tombent une fois par an. Les éleveurs et les agriculteurs du Sahel ont adapté leurs modes de vie depuis des millénaires à ce calendrier et cet environnement. Aux dires des éleveurs de la région de Gao, la sécheresse d’aujourd’hui est pire que celles des années 70 et 80 car elle décime l’ensemble du cheptel. C’est ce qu’explique Mohammed Al Karim, nomade tamashek vivant dans un campement à 80km de Gao : « depuis 5 ans, les pluies sont de plus en plus tardives. Du coup, les animaux meurent de faim et de soif. Le soleil s’est rapproché de nos têtes : il fait plus chaud et en plus, beaucoup de maladies se développent : le bétail est tellement faible quand arrivent enfin les pluies, qu’il tombe malade et meurt. Toutes les espèces sont mortes cette année, même les chameaux et les ânes, extrêmement résistants ! On est très fatigué de chercher du grain, des pâturages et de l’eau tout le temps et on n’arrive plus à vivre de l’élevage. » Les pertes moyennes d’animaux sont d’environ 50% mais certains ont perdu jusqu’à 90% de leur troupeaux !

La perturbation des prix du marché

Pour compenser le manque de pâturages, les éleveurs ont voulu acheter des aliments pour leurs animaux mais une bulle spéculative s’est enclenchée : le prix de la nourriture pour le bétail a été multiplié par 4, appauvrissant d’autant les éleveurs contraints à acheter à ce prix la nourriture pour sauver leurs bêtes. Au vu de cette situation, beaucoup d’éleveurs ont voulu les vendre. Cela a provoqué une forte spéculation, le prix du bétail étant parfois divisé par 5, ce que confirme Mohammed « Lors des grandes sécheresses des années 70, ce qu’il me restait comme animaux, j’arrivais à le vendre. Aujourd’hui, les prix se sont effondrés : je ne peux plus rien vendre ou alors pour rien ! Cet été, pour un sac de mil, il fallait vendre 5 chèvres, contre 1 habituellement. »

A cela s’est ajoutée une augmentation des prix de la nourriture pour les familles : cet été, le sac de riz coûtait plus de 30€, ce qui est totalement inaccessible dans un pays où plus de 60% de la population vit avec moins de 2€ par jour. Les éleveurs sont donc sortis durablement affaiblis et appauvris par ce retard de pluie. Le bétail est leur seule source de revenus et constitue par ailleurs la base de leur alimentation. Habituellement, la malnutrition est quasi absente chez les populations nomado-pastorales : les enfants bénéficient toujours du lait très nutritif des animaux. Mais, cette année, ce retard des pluies a provoqué une détérioration rapide de l’état nutritionnel des populations les plus vulnérables.

Des effets dévastateurs…

Par ailleurs, il s’agit aussi d’endiguer les conséquences désastreuses de ce retard de pluies pour les agriculteurs : seules 25% des rizières ont été semées. La récolte de l’année à venir s’annonce donc extrêmement faible, compromettant ainsi les réserves alimentaires. La malnutrition aiguë touche actuellement 16% des enfants de moins de 5 ans : c’est la deuxième cause de mortalité infantile. C’est la situation d’Alhousna. Cette petite fille de 7 mois ne pèse que 4 kg pour 61 cm. Elle est en état de malnutrition aiguë sévère. Ses parents et ses deux frères et sœurs ont parcouru 27 km à pied pour rejoindre l’un des sites de distribution mis en place par Action contre la Faim. En effet, face à cette situation de crise, les équipes d’ACF ont lancé des opérations d’urgence dans toute la région de Gao, en plus de leurs interventions habituelles. Ainsi, « 21 sites de distribution à travers la région ont ouvert pour près de 3000 familles. Depuis septembre et jusqu’en décembre, 2 distributions de nourriture auront lieu chaque mois pour tenter d’endiguer la crise et prévenir l’émergence de davantage de malnutrition. Chaque famille ayant un enfant de moins de 3 ans –les plus vulnérables– reçoit 30 kg de mil et 3 litres d’huile, ainsi que de la nourriture thérapeutique adaptée à l’état de l’enfant » explique Samantha, experte en aide alimentaire du pool urgence d’ACF, venue aider les équipes sur place à mettre en place cette vaste opération. Dans la bourgade d’Intahaka, ce jour-là, avec Alhousna, ce sont plus de 200 personnes venant d’un peu partout (certains ont fait jusqu’à 65 km à pied) qui sont venues chercher une ration alimentaire qui leur permettra de mieux faire face à cette difficile période de soudure. Les enfants y sont auscultés afin de détecter ceux atteints de malnutrition.

S’adapter : une urgence vitale

Présente dans cette région depuis une décennie, ACF vient en appui aux structures de santé locales pour détecter, traiter et prévenir la malnutrition, problème structurel au Mali. Des activités de sécurité alimentaire sont également mises en place pour essayer de redonner une autonomie alimentaire aux personnes les plus vulnérables. Il s’agit en effet bien souvent pour eux de devoir s’adapter aux dérèglements du climat en changeant leurs techniques agricoles ou leurs cultures: « Ce sont souvent des groupements de femmes vulnérables que nous soutenons : nous leur apportons un soutien technique, des conseils… Nous leur donnons des semences et les aidons à se constituer un stock qui pourra être utilisé pendant la période de soudure. En fait, nous formons de petites coopératives. Un système d’irrigation par goutte à goutte est installé afin de rationnaliser au maximum l’eau utilisée. Ce sont ainsi près de 2000 personnes et leurs familles qui bénéficient de ce soutien », explique Ali Oumar Maïga, en charge de ce programme pour ACF. Face à l’impact grandissant des changements climatiques, il est en effet fondamental d’intervenir en urgence pour faire face aux crises issues de ces changements mais également de seconder les personnes touchées à plus long terme, en atténuant les conséquences des changements climatiques et en les aidant à s’adapter. Sinon, comme le dit Mohammed Al Karim : « De plus en plus de personnes abandonnent l’élevage et partent rejoindre les villes. Le problème, c’est que beaucoup ne s’adaptent pas à la vie en ville : ils ne savent rien faire d’autre qu’élever du bétail… et sont donc souvent au chômage. Si cela continue comme ça, le nomadisme va finir à cause de la sécheresse : on n’arrive plus à en vivre. »

Le témoignage de la mère de Souleymane

Souleymane a un an. Il est arrivé avec sa mère Aïssa 5 jours auparavant. Il ne pesait que 5 kg pour 66 cm au lieu de 7,5 kg normalement pour un enfant de sa taille. Il était donc en situation de malnutrition aiguë sévère, la forme la plus grave. Atteint également de très fortes diarrhées, il a été admis dans l’unité nutritionnelle thérapeutique du service pédiatrique de l’hôpital régional de Gao, structure que soutient ACF. Elle vient d’un petit village à plusieurs jours de marche. Son mari est cultivateur. Ils ont semé mais les pluies sont venues tellement tard, qu‘au moment où la crue du fleuve Niger a eu lieu, les semences de riz n’avaient pas encore levé. « Maintenant, les poissons mangent tous les grains dans l’eau » se désole Aïssa. Leur récolte ne sera donc pas suffisante pour combler leurs besoins alimentaires de l’année à venir. A cela, s’ajoutent les problèmes d’accès à l’eau potable, qui expliquent sans doute les fortes diarrhées de son enfant. Cinq jours après son arrivée, Aïssa est confiante : « Souleymane a bien grossi : en 5 jours il a déjà pris 600 grammes ! Maintenant, ça va mieux, je suis rassurée ».


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