On croyait ces poètes new-yorkais disparus. Il n’en est rien. Fondés en 1968, séparés pendant de longues années puis reformés en 2008, les Last Poets ont repris le chemin de la scène. Ils étaient au théâtre Charcot (Marcq-en-Baroeul) mardi dernier, dans le cadre du festival Jazz en Nord. La parfaite occasion pour nous de rencontrer ces poètes aussi bavards qu’érudits. Imaginez, ces cinq grands-pères tout sourire, leur style cool et simple : casquette Kangol, pull en laine et jean large. Un déhanchement sur scène encore bien rodé. Et toujours la même envie de partager avec le public. Qui le leur rend bien.
La raison de ce récent retour ? L’argent, car “il faut bien vivre” avoue Abiodun Oyewole, l’un des deux chanteurs du groupe. Mais surtout parce qu’ils avaient conscience d’avoir été attendus par le public et d’avoir un rôle à jouer auprès des jeunes qui “n’ont plus de modèle“. Des jeunes qui n’ont pas forcément connu Martin Luther King, une des grandes références du groupe. Des jeunes qui se retrouvent aujourd’hui à écouter du rap “bling bling” : un véritable “cirque“, une “blague“ pour nos griots des droits civiques. KRS One, Chuck D, Rakim, Flavor Flav, eux sont des “vrais“.
La musique des Last Poets, dont le public a eu un bel aperçu, se rapproche davantage du spoken word que du rap que l’on connaît aujourd’hui. Une musique, plus épurée donc, qui repose sur la force des rythmes tribaux concoctés par Babatunde (percussions), Jamaaladeen Tacuma (basse) et Ranzel Merritt (batterie). Un son qui s’appuie aussi sur des lyrics engagées qu’Umar Bin Hassan et Abiodun Oyewole claquent avec une énergie incantatoire. Pour preuve, dans leur chanson Rain of Terror, ils accusent l’Amérique de semer la terreur :
“America is a terrorist. Killing and stealing has always been America’s master plan“.
A l’aune de ce constat, les Last Poets gardent l’espoir d’un changement : “Quand Barack Obama est devenu Président, beaucoup de gens ont pensé qu’il était un symbole. Mais les noirs sont toujours dans une situation difficile : ils peuplent les prisons, n’accèdent pas à une bonne éducation. L’élection de Barack Obama devrait inciter les noirs à en faire plus“.
Au final, ce message, arrivent-ils à le passer à un public non-anglophone? “Oui, je pense que c’est le son qui est important. C’est la clé. Le public ressent notre passion et notre sincérité. Si en plus de ça le public comprend les paroles, c’est un plus.” Mais se mettre à nu n’est jamais simple. “On peut venir vous le reprocher après coup. C’est un exercice délicat. Vous vous livrez beaucoup. C’est un risque“.
Le Myspace des Lats Poets
Propos recueillis par Hélène et Laystary
Crédits photo : Laystary