Je ne suis pas du tout étonné de cette violence verbale contre « les » Suisses mais j’en suis profondément écoeuré. Catalysés par l’initiative populiste et xénophobe à la base de cette votation, nos médias s’en sont donné à cœur joie et le bon peuple a suivi avec entrain.
Aux âmes bien pensantes qui vitupèrent dans un élan de pensée unique, je demande : est-ce bien raisonnable ? Sont-ce « les » Suisses qu’il faut vilipender ? N’est-ce pas, plutôt, leur système de démocratie directe qui vient de montrer ses limites et ses raccourcis qu’il faut mettre en cause ? Faut-il, comme certains audacieux du verbe, qualifier “les” Suisses de “Dupont Lajoie”, horrible caricature d’un minable raciste franchouillard popularisée il y a 35 ans par le film éponyme d’Yves Boisset ? Facile.
Si d’aucuns peuvent être choqués par le résultat de cette votation qui paraît bien inutile voire dangereuse, croient-ils que le résultat eut été différent en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie ? La peur de l’islamisme, parfois considéré comme un fléau, hante l’esprit de beaucoup de nos concitoyens. Ce n’est pas anormal ni « raciste » a priori, c’est une peur, peut-être irrationnelle, de se faire « bouffer » par une religion conquérante et intolérante, n’en déplaise aux fidèles lambdas qui la vivent culturellement depuis des générations. Une grande part du problème est là. A qui la faute ? A nous tous, citoyens et responsables politiques.
Notre esprit de liberté et de tolérance trouve peu d’écho et de réciprocité au sein d’une communauté musulmane ancrée par tradition indéfectible dans des certitudes religieuses difficilement compatibles avec notre mode de vie européen. Puissamment alimenté de l’extérieur, le prosélytisme pour la liberté religieuse est devenu de part et d’autre un frein à l’intégration et un catalyseur du rejet. Ne jetons donc pas la pierre à nos amis suisses. Le minaret est un symbole qui n’a rien d’architectural.
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Illustration : Minaret à Sidi Bou Saïd (Albert Marquet,1923)