Le véhicule électrique a le vent en poupe. On ne parle plus que de cela. Effet Copenhague oblige, mais pas uniquement pour cela. Si la réduction des gaz à effet de serre est devenue une préoccupation internationale, le mouvement global en faveur de a commercialisation de voitures électriques a démarré il y a déjà quelques mois. Pourtant, contrairement aux véhicules traditionnels dotés de moteurs à explosion, la diffusion de véhicules électriques risque fort de se heurter à une multiplication des standards, qui risque de mettre en danger le modèle économique sous-jacent.
Remontons quelques dizaines d’années en arrière. Rien ne permettait aux illustres Renault, Panhard ou Levasseur, d’imaginer ce à quoi aboutiraient leurs projets initiaux. Il aura fallu près d’un siècle pour arriver à un consensus sur le format du véhicule désormais traditionnel, doté d’un moteur à explosion: certaines variations furent admises (moteur essence ou diesel, traction avant ou propulsion arrière), mais elles ne constituèrent en rien un frein à l’expansion automobile des 50 dernières années. De fait, peu importe le modèle de véhicule acquis, l’acheteur d’une voiture neuve ou d’occasion sait qu’il pourra faire le plein dans l’une des innombrables stations services de France: question de standard.
Il n’en est rien avec le véhicule électrique. En effet, contrairement aux véhicules dotés de moteur à explosion, les véhicules électriques ne bénéficient, à ce jour, que d’une autonomie minable de quelques dizaines de kilomètres, une centaine tout au plus. Une vraie régression, qui impose, tant que la technologie n’arrive pas à résoudre ce problème, de faire preuve d’imagination. Trois logiques (à ce jour) semble s’affronter: celle des batteries rechargeables, celle des batteries échangeables, et les solutions mixtes.
La batterie rechargeable
C’est le modèle auquel on pense immédiatement lorsqu’on évoque la voiture électrique: un câble électrique, type prise mâle pour se brancher sur le réseau de distribution électrique classique, et recharger sa batterie une fois qu’elle est épuisée. Inutile de vous dire que c’est, à mes yeux, le modèle le plus irréaliste. Faudra-t-il équiper les autoroutes de prises secteurs tous les 10 kms ? Si encore la recharge était rapide… mais il faut compter au moins quelques dizaines de minutes. Autant dire adieu aux voyages à travers la France ou les Etats-Unis. Et vive le train.
Quant à un usage localisé autour du lieu de résidence, je n’ose trop y croire. Il faudra recharger son véhicule tous les soirs, autant dire que ce sera la guerre dans toutes les copropriétés pour se brancher à l’une des rares prises dont sont dotés les parkings modernes… Et d’ailleurs, qui paiera la note ? La copropriété ? Allons donc…
La batterie échangeable
C’est le credo de BetterPlace, la société créée par Shai Agassi dont je vous ai déjà parlé il y a déjà deux ans. Le principe en est simple: BetterPlace monte des consortiums avec deux partenaires, en l’occurrence Renault et un état, pour mettre en place un réseau de stations d’échange de batteries - échanges robotisés, il va de soi, nulle intervention humaine n’est acceptable. Les véhicules doivent tous respecter un standard qui permet aux robots de fonctionner, et c’est le constructeur national, sous la houlette de Carlos Ghosn, qui s’est empressé de s’impliquer sur ce sujet.
Si l’approche est viable en Israel ou au Danemark, qui sont de petits pays, rien ne dit que cela fonctionnera dans des pays plus étendus, où le réseau de stations d’accueil devra être plus dense. Reste à savoir si de si petits états seront capables de produire la puissance électrique nécessaire à la recharge de telles batteries, par centaines de milliers, chaque jour…
La solution hybride
Elle consiste à coupler un moteur électrique et un moteur thermique. Toyota avait déjà mis en place ce type de solution sur la Prius, rapidement imité par d’autres constructeurs, et non des moindres, comme Audi. Jusqu’à maintenant, l’idée de ces solutions mixtes consistait à faire fonctionner le moteur électrique pour de petits efforts, et solliciter le moteur thermique sur les longs trajets. Opel vient néanmoins de faire une annonce révolutionnaire, une idée géniale en soi: utiliser le moteur thermique non pour faire avancer le véhicule, mais … pour recharger le moteur électrique. Il fallait y penser, le véhicule ainsi motorisé gagne d’un coup une autonomie et un rayon d’action 5 à 6 fois plus élevé.
Cette solution présente du coup un avantage supplémentaire par rapport aux deux précédentes, celui de nécessiter un effort moindre au niveau des infrastructures électriques du pays. Quand on pense qu’EDF va pour la première fois devoir acheter des mégawatts à l’étranger, on se dit que les choses iront en empirant le jour où 3 millions de véhicules électriques sillonneront les routes de France et de Navarre…
On le voit donc clairement, trois technologies, trois architectures s’affrontent pour l’instant. Nul doute que d’autres constructeurs chercheront à se différencier en proposant une 4e ou une 5e voie. C’est pourtant un non-sens. Car si l’effort de recherche et d’innovation justifie la multiplication des idées audacieuses, leur mise en oeuvre repose avant tout sur un consensus technologique, qui permettra au grand public de se doter d’une voiture électrique sans se poser des questions abracadabrantes sur le réseau duquel dépendront ses déplacements. A défaut, on risque fort de voir des projets pharaoniques tomber rapidement en désuétude…