Ceci n’est pas une amende honorable, ni un reniement. Encore moins une concession. Je viens sans me couvrir la tête de cendres, sans me vêtir de robe de bure. Je viens dire quelques mots d’un livre que j’ai beaucoup aimé : « Abbés » de Pierre Michon.
« Les Onze » m’avait (oui, bizarre, ce singulier ») agacé par la décoration « Grand Prix du roman » dont l’Académie française l’avait affublé, alors que ses quelques chapitres n’avaient rien de romanesque.
« Abbés » m’a enchanté : ce livre ne ressemble à rien. Ce qui est, pour moi, la première des qualités en matière artistique. Et s’il ressemble à quelque chose, c’est au Satyricon de Fellini, à quelques films de Kurosawa. Car il y a dans ce livre de la brume, du silence, du temps qui s’écoule par sursauts. Et de l’ironie très douce, presque respectueuse. Il y a des abbés qui voudraient incarner en même temps le sacré, l’histoire, et accepter le poids de la chair. Il y a donc des femmes. Et des manants, des pêcheurs qui mettent la main à la charrue.
Il y a des non-dits que l’auteur laisse flotter avec une subtile maîtrise. Un admirable laconisme. Ce qu’il y a de plus beau, dans ce livre, c’est ce que l’auteur n’écrit pas.
Je ne voudrais pas terminer ce billet sans citer l’auteur, sans mentionner ce qu’il dit de son livre : « C'est un truc qui a été écrit en quinze jours. (...) C'est l'inverse exact des Onze. Pour l'écriture, j'avais très peu de documentation et je l'ai fait en trois coups de cuiller à pot. »
Un truc ! Marco avait raison de me le glisser à l’oreille : Pierre Michon est un farceur.
Je remercie les visiteurs qui, par leurs commentaires, m’ont empêché de m’enfermer trop vite dans une vision tronquée de Pierre Michon.
Si ce billet vous a donné faim, lisez la série de chroniques que William Irigoyen (Arte) consacre à Pierre Michon sur son blog « Le poing et la plume » ou lisez simplement celle qui parle d' « Abbés ».