Sur le chemin d’une petite guerre d’Algérie ?

Publié le 01 décembre 2009 par Infoguerre

Les chiffres du chômage ne sont pas la seule source d’inquiétude (près de cinq millions au total). Les huit millions de citoyens au niveau ou en dessous du seuil de pauvreté, les 751 quartiers sensibles, la désindustrialisation, le déclin économique de certains territoires, le déficit endémique du commerce extérieur, l’endettement du pays sont autant de constantes qui donnent de l’amplitude à un autre phénomène dont on ne parle sporadiquement que dans des faits divers : l’incapacité d’intégrer une partie de la population immigrée qui vit dans l’hexagone. Depuis une quinzaine d’années, l’accumulation des signaux symboliques (sifflements de la Marseillaise dans des stades, incidents violents dans des métropoles comme Marseille ou Paris sous des prétextes divers qui n’ont souvent rien à voir avec la vie politique ou sociale française) ont donné lieu ces dernières semaines à des images fortes qui ont été vues par beaucoup d’électrices et d’électeurs et bizarrement occultés par certains journalistes. Lors du débat sur France info du samedi 28 novembre 2009, Edwy Plenel a déclaré avoir honte de son pays à propos de la remarque raciste lancée par un policier d’une Compagnie Républicaine de Sécurité à un étudiant de Sciences Po. En revanche il ne dit rien sur les voitures brûlées et les heurts des supporters avec la police pour célébrer la victoire de l’Algérie sur l’Egypte dans le quartier des Champs Elysées. Au contraire, il souligne le caractère pacifique et festif de ces évènements.

Edwy Plenel, qui se définit comme un défenseur de la démocratie, ne regarde que dans la direction qui correspond à sa vision du monde. Ce journaliste borgne est un ancien militant trotskyste qui a, semble-t-il, conservé cette particularité de confondre l’information et la propagande à vocation militante. Il n’est pas le seul à reproduire cet exercice de style généré par les combats idéologiques de la guerre froide. Dans le même ordre d’idées, les journalistes du Canard Enchaîné n’ont pas daigné écrire une ligne pour commenter l’attitude des bandes de banlieue qui sont à l’origine des violences de rue commises sans raison. Ils s’attardent à juste titre sur le « sale arabe » destiné à un étudiant issu de l’immigration mais se taisent sur la violence gratuite commise par d’autres jeunes issues de cette même immigration. La scène symbolique du samedi 21 novembre que nous avons relatée sur Infoguerre est ainsi passée à la trappe comme les violences du quartier de l’Etoile. La jeune femme tabassée à coups de pieds par un jeune noir près de l’Ecole militaire, alors qu’elle était à terre, n’a pas provoqué l’émotion ou la honte suscitée par l’injure raciste « sale arabe ». Cette manière de rendre compte de l’actualité n’est pas nouvelle. Les journalistes du Canard Enchaîné, comme ceux de la presse de gauche en général, ont du mal à rendre compte des dérapages et des exactions perpétrées par ce que Marx a désigné en son temps sous le qualificatif de Lumpenprolétariat. Un tel filtrage de l’actualité reflète une autocensure récurrente fondée sur un refus d’analyser les comportements déviants des individus qui ne sont pas du côté du pouvoir. Cette forme d’omerta médiatique est incomprise de la majorité silencieuse. Loin de défendre la démocratie, ces deux poids, deux mesures dans la morale politique faussent les grilles de lecture et alimentent les suspicions à l’égard de la presse.

Contrairement aux légendes urbaines diffusées par les réseaux sociaux et leurs relais médiatiques, les actes précurseurs de la barbarie ne sont pas l’exclusivité de la droite ou de l’extrême droite. L’Histoire du XXè siècle est jalonnée d’épisodes tragiques au cours desquels des forces ou des régimes prétendant lutter pour la cause d’un peuple ont massacré, torturé, emprisonné des millions d’individus dont le seul crime était d’appartenir à une catégorie sociale répudiée (les exécutions de paysans en URSS), de penser autrement (les arrestations de la Stasi en RDA), ou d’habiter les villes (Khmers rouges). Dans ces différents cas de figure, les médias de gauche ont mis beaucoup de temps à dénoncer ces crimes contre l’humanité. Aujourd’hui encore, la plupart des intellectuels issus de cette partie de l’échiquier politique dénoncent les crimes des totalitarismes de droite sans accepter de prendre en compte les crimes des totalitarismes de gauche. Ce choix les amène à une lecture très partielle et souvent hypocrite des rapports de force sociétaux et religieux.

Faire silence sur les actes de violence gratuite, qui sont pratiquées régulièrement par des jeunes de banlieue, revient à nier la réalité de risques de dérapage plus grave. La dégradation de la situation dans les zones urbaines est le premier jalon d’une crise majeure. Un des signes précurseurs est le détournement du regard des médias des contradictions au sein du peuple pour reprendre la formule célèbre de Mao Ze Dong. Le refus d’une certaine jeunesse d’origine immigrée de se reconnaître dans le drapeau français et les valeurs fondamentales de ce pays est un acte lourd de sous-entendus. Les sentiments antifrançais et parfois anti blancs exprimés par ces actes de violence gratuite peuvent à terme dégénérer. N’en déplaisent aux bienpensants, ils ont déjà une résonance non négligeable dans l’opinion publique. Ce qui n’est pour l’instant qu’une série d’incident peut se transformer en situation de crise en cas de dérapage et d’affrontements. Dans une telle perspective, il n’est guère souhaitable d’assister à un match entre la France et l’Algérie lors de la prochaine coupe du monde de football en Afrique du Sud. On imagine dès à présent ce qui se passerait dans les rues de Paris et de Marseille à la suite du résultat. Certes, les Edwy Plenel et consorts pourraient détourner les yeux une fois de plus en omettant de parler des victimes et concentrer leur attention sur la joie des supporters des deux camps. Si la ligne du supportable est franchie, il sera alors trop tard pour réécrire l’histoire. La petite guerre d’Algérie qui sommeille dans l’hexagone depuis une quinzaine d’années peut résulter sans prévenir d’un tel processus de division conforté par l’autisme de journalistes borgnes,  « ni responsables, ni coupables ». 

Christian Harbulot