Pour parler simple, « 50 % des enfants de cadres et 5 % des enfants d'ouvriers accèdent aujourd'hui aux classes préparatoires ». Et là, l'égalité, elle en prend pour son grade. Ajoutez que « près de 80 % des élèves en CAP sont d'origine populaire », et l'on patauge un peu.
L'idée n'est pas neuve : la famille, l'éducation, et tout le toutim, cela pèse lourd face à un enseignement dispensé pour tous et pour tous le même. Oui. Mais encore faut-il le comprendre. Car « le fait qu'un principe de justice soit excellent ne signifie pas qu'il n'entraîne pas, à son tour, d'autres injustices ».
Bien que l'égalité des chances soit incontestablement juste, elle ne produit pas fatalement une société meilleure et plus vivable. Il est plus facile de dégager une élite que d'améliorer le sort des perdants ; il est plus facile de distinguer quelques meilleurs que de promouvoir les plus faibles. Aujourd'hui, il semble plus aisé de promettre aux enfants d'ouvriers qu'ils échapperont à leur destin social, s'ils le méritent, que d'améliorer les conditions de vie et de travail des ouvriers.Poitant du doigt l'illusion de la statistique, le sociologue met en avant que si la réussite d'élèves issus de milieux défavorisés se compte en centaines, on trouve face à elle des milliers de jeunes qui quittent l'Éducation nationale sans diplôme. Améliorer le sort des perdants est moins évident que de créer une élite. Ainsi, force est de constater « que les pays qui ont le plus résolument choisi ces politiques de discrimination positive sont parvenus à construire des nouvelles classes moyennes issues des catégories sociales les plus discriminées, tout en creusant les inégalités sociales ».
Afin d'atténuer les effets négatifs du monopole de l'égalité des chances et du mérite, il nous faut donc affirmer résolument la priorité de la réduction des égalités entre les positions sociales afin que l'égalité des chances ne se retourne pas contre elle-même et ne soit pas qu'une idéologie, une simple manière de rendre légitimes les inégalités sociales.