Honnêtement, si l'on écoute leur premier album – éponyme – en faisant un tant soit peu attention au duo rythmique, on peut clairement avoir envie de brûler ces quatre types du New Jersey. Le batteur ne veut même pas faire semblant de savoir faire un break. Tu mets Patricia Kaas derrière les fûts c'est déjà autre chose. Et la basse n'en parlons pas, plus monotone tu meurs. On dissimule ce manque de qualité derrière une prod' bien lo-fi et hop, on croit que ça va passer l'air de rien. Mais non ces gars ressemblent à des buses et même la guitare – que je pourrais pourtant complimenter pendant des heures – laisse beaucoup d'approximations derrière elle.
Alors qu'est-ce qu'il se passe pour que ce soit finalement génial ? C'est un peu compliqué à expliquer. Disons que leur pop-folk très pourrave peut devenir tout à coup fascinante, c'est le pur insight, le déclic où l'on s'émeut de prendre conscience de la fragile beauté de ce groupe : sans tomber une seule fois dans le spectacularisme de la ballade "trop belle j'en chiale", Real Estate finit par donner les clés de sa musique, une mélancolie douce couplée à un hypnotisme inattendu. Ces types-là nous refont le coup de Galaxie 500 il y a 20 ans, la simplicité transcendantale, l'acoustique et l'enregistrement maison comme vecteurs d'onirisme et d'atmosphères éthérées. En bref tout l'inverse des Cocteau Twins et autres Mercury Rev. On retrouve aussi une autre inspiration qui contamine tout, Yo La Tengo. C'est criant dans le jeu de guitare et dans cet entre-deux généralisé entre fraîcheur pop et coolitude béâte.
Je le répète, ce qui me plaît tant chez Real Estate est très subtil. Difficile de trouver une chanson particulière qui représenterait tout l'album. Non, c'est dans l'écoute répétée et distraite que leur petit bout de singularité se fait jour. Il n'empêche, voici quand même trois titres (gratuits) en espérant que vous soyez moins longs à la détente que moi.
Real Estate - Fake Blues
Real Estate - Suburban Beverage
Real Estate - Black Lake