Toute la France du rugby sera tournée samedi soir vers le Stade Vélodrome pour la réception des All-Blacks. Mais si le match de Marseille oppose les deux équipes en forme du moment, celui qui opposera l’Irlande à l’Afrique du Sud à Croke Park oppose la meilleure équipe de l’hémisphère nord à la meilleure équipe de l’hémisphère sud.
Si on dressait avant la rencontre un bilan, nul doute que les Springboks et les Irlandais figureraient parmi le sommet de la hiérarchie rugbystique mondiale, et aussi parmi les meilleures sélections nationales, tous sports confondus.
Enfin.
Les Irlandais ont réussi leur deuxième Grand Chelem de leur histoire, après celui de 1948 (l’année où… gagnèrent une deuxième…). Le drop victorieux de Ronan O’Gara, à deux minutes de la fin contre le Pays de Galles, a sonné comme une récompense tant pour la Fédération Irlandaise de rugby que pour une génération dorée du rugby irlandais.
La Fédération Irlandaise a choisi de rendre compétitive sa sélection en divisant le groupe en deux : les avants pour le Munster, les trois-quarts pour le Leinster. Ajoutez quelques additifs venus de l’Ulster et des joueurs du Connacht qu’on retrouve plus tard ailleurs. Vous obtenez une équipe qui a pourtant manqué de chance dans ses tentatives de remporter une grande compétition : pas de Grand Chelem jusqu’à 2009. De plus, les équipes irlandaises dominent régulièrement la scène européenne : après l’Ulster, le Munster, ce sont les voltigeurs du Leinster qui ont gagné la H-Cup, victoire du plus beau jeu irlandais comme en demi-finale contre l’Armée Rouge.
C’est aussi la consécration pour la plus belle des générations du rugby irlandais. Et notamment pour Brian O’Driscoll, le meilleur centre des années 2000, qui a resurgi après plusieurs mois de galère, entravés par une blessure. BOD a été décisif de nombreuses fois cette année et l’a encore été contre les Wallabies, en marquant l’essai de l’égalisation.
L’Afrique du Sud règne sur l’hémisphère sud.
L’Afrique du Sud a connu une grande saison 2009.Dans un premier temps parce que les Bulls de Pretoria ont gagné le Super 14, en infligeant une mémorable raclée (64-14) aux Chiefs de Waikato.
Puis la sélection multicolore a battu la sélection des Lions britanniques en tournée. La venue des Lions, tous les quatre ans, est toujours un événement dans le Sud. L’équipe était particulièrement forte mais les Boks ont su relever le défi : 60 grosses premières minutes mais un coaching défaillant de Peter De Villiers aurait pu coûter la défaite. Une agression Schalkoburgerienne dès la première seconde du deuxième match, une équipe qui tourne dans tous les sens, jusqu’à l’arrivée de Morne Steyn et une victoire sur une longue pénalité, accordée après une faute stupide d’O'Gara. Comme à leur habitude, les Boks n’ont pas été très concernés par le troisième match.
Le Tri-Nations s’est bien amené. La puissance du pack, l’agressivité défensive et l’efficacité de Morne Steyn ont donné trois victoires claires contre les All Blacks et les Wallabies. Pas très bons voyageurs, les Sud-Africains ont quasiment assuré la victoire dans le Tri-Nations en gagnant en Australie, avant de perdre une nouvelle fois sans jouer, puis d’aller gagner en Nouvelle-Zélande.
Le début de la tournée du Sud au Nord n’a pas bien commencé pour les champions du monde. A court de solutions contre une équipe de France qui les a dépassés dans l’intensité défensive, les Boks n’ont absolument rien produit. La défaite 13-20 est bien maigre dans son écart tant les Bleus auraient pu en mettre trente (ne serait-ce que par les buts manqués). Contre une Squadra Azzura en progrès en défense, mais nulle en attaque, les Sudafs ont réagi mais un peu mollement. Une première mi-temps moyenne mais 5 essais au total et un succès 32 à 7 qui sert de réaction positive.
Les Irlandais ont livré comme à leur habitude une chaude bataille. Menés dès le début du match, les autres verts ont fini par arracher le nul (20-20) grâce à une percée d’ O’Driscoll. Puis se sont amenés les Fidjiens qui ont été dépassés comme les Samoans face à la France : victoire 41-6 pour les Irlandais.
Le match de Croke Park s’annonce une nouvelle fois comme un piège pour les visiteurs. En effet, les Irlandais ont gagné les deux dernières confrontations contre les Sud Africains : le 13 novembre 2004, O’Gara les écœurait en marquant les 17 points de la victoire, les quatre buts de Montgomery ne suffisant pas (17-12). Le 11 novembre 2006, les glorieux soldats irlandais survolaient le match avec quatre essais contre deux et une large victoire 32-15.
Certes le bilan est largement favorable aux Boks : 14 victoires, 3 défaites et 1 match nul (8-8 en 1970) mais les Boks n’ont plus battu les Irlandais depuis 2004 et en Irlande depuis 2000.
Quant au bilan de l’année, en 7 matches, les Irlandais ont gagné 6 fois pour un match nul. Les Sud-Africains ont joué 11 rencontres, gagné 8 fois, perdu 3 fois seulement contre les Lions, les Blacks, les Wallabies, la France et l’Italie -sauf cette dernière excusez du peu-.
Les équipes.
Si les Sud-Africains ne paraissent pas aussi fringants qu’à l’été c’est parce que leur saison est en train de s’achever, alors que celle des Irlandais est en plein cours. D’ailleurs, les Boks se présentent sans leur troisième ligne centre Pierre Spies, ni son compère Juan Smith blessés, alors que Jean De Villiers, parti en Europe, a été écarté de la sélection en vertu de la règle que les internationaux ne sont sélectionnés que s’ils jouent au pays. Etonnament, De Villiers vient d’être rappelé pour suppléer Adi Jacobs blessé.
Voici la sélection sud-africaine.
15 Zane Kirchner, 14 JP Pietersen, 13 Jaque Fourie, 12 Wynand Olivier,, 11 Bryan Habana, 10 Morné Steyn, 9 Fourie du Preez, 8 Danie Rossouw, 7 Schalk Burger, 6 Heinrich Brüssow, 5 Victor Matfield , 4 Bakkies Botha, 3 BJ Botha, 2 John Smit (c), 1 Tendai Mtawarira.
Remplaçants 16 Bismarck du Plessis 17 CJ van der Linde, 18 Andries Bekker, 19 Jean Deysel, 20 Dewald Potgieter, 21 Ruan Pienaar, 22 Jean de Villiers.
L’équipe s’appuiera encore sur ses deux tours de la deuxième ligne, qui ont failli contre la France pourtant, sur la révélation 2009 Heinrich Brussöw, sur le jeu au pied de Steyn et sur la vitesse de ses ailiers en contre. On peut aussi remarquer que John Smit retrouve le talonnage après un exil en pilier droit. S’attendant à une rude adversité en mêlée, De Villiers a préféré retenir un expert (BJ Botha) et conserver Smit, ce qui relègue le chirurgien Bismark Du Plessis (qui avait sauvé momentanément la vie de Shawn Mackay victime d’un accident de la route en Afrique du Sud après un match Sharks-Brumbies) sur le banc. Et les Irlandais pourront apprécier une des nouvelles coqueluches du rugby sud-africain : Tendai Mtawarira dit « La Bête ». A part cela, on ne risque pas d’avoir de grandes nouveautés chez les sud-afs qui vont certainement chercher à bloquer O’Driscoll.
L’équipe irlandaise se présente sous la composition suivante :
15 Rob Kearney, 14 Tommy Bowe, 13 Brian O’Driscoll (c), 12 Paddy Wallace, 11 Keith Earls, 10 Jonathan Sexton, 9 Tomas O’Leary, 8 Jamie Heaslip, 7 David Wallace, 6 Stephen Ferris, 5 Paul O’Connell, 4 Donncha O’Callaghan, 3 John Hayes, 2 Jerry Flannery, 1 Cian Healy.
Remplaçants: 16 Sean Cronin, 17 Tony Buckley, 18 Leo Cullen, 19 Sean O’Brien, 20 Peter Stringer, 21 Ronan O’Gara, 22 Gordon D’Arcy.
La grosse info est la relégation sur le banc de Ronan O’Gara par Declan Diney. En effet, Jonathan Sexton (24 ans) a été confirmé après son excellent match contre les Fidji (7/7 dans les tirs aux buts). L’Irlande est en train de réaliser sa transition générationnelle. Heaslip, O’Leary, Earls (22 ans et deux essais marqués contre les Fidji), Kearney ainsi que Healy et donc Sexton ont pris le pouvoir mais les vétérans O’Driscoll, O’Connell, David Wallace, Hayes et consort sont toujours présents. On pourra noter l’absence sur blessure de Dennis Leamy, remplacé par Sean O’Brien sur le banc en troisième ligne. Enfin, on observera la titularisation de Paddy Wallace en numéro 12, plutôt que Gordon D’Arcy. Le jeu stratégique au pied aura donc sa place dans le plan préparé par les Irlandais.
Deux équipes, deux leaders.
Pour terminer cette présentation du match, comment ne pas revenir sur les deux hommes sur qui reposent une partie du match ?
D’un côté Brian O’Driscoll, le nouveau centenaire capé du rugby mondial. Un joueur génial, sur qui l’Irlande a parfois trop reposé son destin. Mais O’Driscoll est revenu au sommet de sa forme. Il est l’arme dangereuse des Irlandais dans le mouvement. Avec lui, ses partenaires du Leinster et de l’Irlande ont gagné la H-Cup et le Grand Chelem.
De l’autre, Fourie Du Preez, le demi de mêlée des Boks. Stratège, roi du coup de pied derrière le pack, Du Preez pèse tant par ses qualités au pied que sa présence dans le jeu et son opportunisme. Il est considéré depuis trois saisons comme le meilleur au monde à son poste. Son palmarès en 2009 est éloquent : Super 14, Tri-Nations, Currie Cup en dominant son sujet.
Les autres matches.
Un petit mot sur les autres rencontres.
France – Nouvelle-Zélande. Deux équipes en pleine forme. Pour moi la clé du match s’appelle Daniel Carter : que les Blacks en soient dépendants est tellement évident que l’étouffer est un enjeu de la rencontre. De même la capacité à relancer vite les ballons de part et d’autre. On peut espérer un soutien sans faille du public marseillais qui avait su créer une ambiance incroyable lors du premier match des Bleus au Vélodrome, contre ces même Blacks (42-33).
Ecosse – Argentine. Faut-il voir le renouveau du rugby écossais. Une victoire heureuse mais méritée contre les Australiens (9-8). Pour Andy Robinson, l’ancien patron de l’équipe d’Angleterre, les choses se passent bien après un bon succès contre les Fidji. Quant aux Argentins, le pic victorieux de 2007 semble maintenant dépassé. Il faut une victoire pour relancer l’équipe qui, rappelons-le, est la seule de l’élite mondiale qui ne participe pas encore à un tournoi régulier (ce sera bientôt le cas).
Pays de Galles – Australie. La tournée d’automne tourne au cauchemar pour les Australiens. Après une victoire intéressante contre les Anglais, les Wallabies ont gâché deux victoires dans les dernières secondes de leur match : un nul contre l’Irlande et une transformation manquée de Giteau, qui aurait converti une défaite méritée en hold-up parfait. Les Gallois ont montré des choses intéressantes dans cette série de matches. Même si les Australiens sont sur la pente savonneuse et glissante (sans parler de leur jeu insipide), une victoire galloise serait quand même une référence pour les Grands Chelemistes 2008.
Italie – Samoa. Le match pour éviter d’être fanny. Les Samoans ont quand même déçus face à la France. Ils ont fait preuve de coupables errements dans leur placement défensif et offensif. Les Italiens n’ont pas été ridicules mais souffrent comme toujours d’une chronique incapacité à marquer. La charnière de Nick Mallett est un énième essai et l’ancien coach du Stade Français doit se passer de Sergio Parisse, absent peut-être pour 4 à 6 mois.
Autrement, on peut signaler le match retour entre la Namibie et la Tunisie, dont le vainqueur se qualifie pour le Mondial 2011. Avantage aux Namibiens qui ont gagné le match aller 17-13. On ajoutera un Portugal-Tonga et un Canada-Russie dans le cadre de la tournée de cette dernière.
La semaine dernière, le joueur américain Todd Clever (en rouge) a marqué deux essais avec les Eagles. Question : contre quelle équipe ? Attention, un indice : la couleur du maillot de l'adversaire est trompeuse !