L’oiseau, de tous nos consanguins le plus ardent à vivre,
mène aux confins du jour un singulier destin. Migrateur, et hanté d’inflation
solaire, il voyage de nuit, les jours étant trop courts pour son activité. Par
temps de lune grise couleur du gui des Gaules, il peuple de son spectre la
prophétie des nuits. Et son cri dans la nuit est cri de l’aube elle-même :
cri de guerre sainte à l’arme blanche.
Au défaut de son aile l’immense libration d’une double saison ; et sous la
courbe du vol, la courbure même de la terre… L’alternance est sa loi,
l’ambiguïté son règne. Dans l’espace et le temps qu’il couve d’un même vol, son
hérésie est celle d’une seule estivation. C’est le scandale aussi du peintre et
du poète, assembleurs de saisons aux plus hauts lieux d’intersection.
Ascétisme du vol !.... L’oiseau, de tous nos commensaux le plus avide
d’être, est celui-là qui, pour nourrir sa passion, porte en lui la plus haute
fièvre du sang. Sa grâce est dans la combustion. Rien là de symbolique :
simple fait biologique. Et si légère pour nous est la matière oiseau, qu’elle
semble, à contre-feu du jour, portée jusqu’à l’incandescence. Un homme en mer,
flairant midi, lève la tête à cet esclandre : une mouette blanche ouverte
sur le ciel, comme une main de femme contre la flamme d’une lampe, élève dans
le jour la rose transparente d’une blancheur d’hostie…
Aile falquée du songe, vous nous retrouverez ce soir sur d’autres rives !
Saint-John Perse, Oiseaux, I,
Gallimard, 1963, p. ; Œuvres
complètes,Bibliothèque de la
Pléiade, 1972, p. 410.
Contribution de Tristan Hordé
NDLR : libration