Le vote des Suisses sur les minarets a donné à Xavier Bertrand une idée, une sacrée bonne idée : pourquoi ne pas voter sur les minarets en France? Il n'a pas dit tout à fait cela, il a procédé par allusion : il n'est pas, nous a-t-il dit, "certain que l'on ait forcément besoin de minarets" pour pratiquer l'islam. Mais tout le monde a compris ce qu'il voulait dire.
Tout cela me rappelle cette bourgeoisie bien pensante qui n'est pas antisémite mais qui ne manque jamais l'occasion d'une allusion à la puissance des juifs, à leur goût de l'argent… cette même bourgeoisie qui pense comme Bernanos que le premier tort d'Hitler est d'avoir rendu les antisémites infréquentables (cet écrivain par ailleurs très estimable disait également : "Je ne suis ni antijuif, ni antisémite, mais j'ai toujours cru qu'il y a un problème juif"). Le Figaro, qui n'en manque pas une, en fait son titre ce matin et lancé un sondage sur internet (Faut-il interdire la construction de minarets en France?) avec, lorsque je l'ai consulté, un résultat attendu : 77% des internautes ont répondu par l'affirmative. Tout cela est, bien sûr, très déplaisant. Et stupide.
L'objectif est, bien sûr de rameuter les électeurs du Front National que la politique de Nicolas Sarkozy a éloignés de la majorité. Tout comme les mesures prises contre l'immigration clandestine ou ces débats absurdes sur l'identité nationale. Mais cela repose, je crois, sur une formidable erreur politique. A l'inverse de ce que l'on a si souvent dit, l'électorat du Front National est composite. Il est formé pour une part de gens d'extrême-droite, racistes, antisémites… et pour une autre d'électeurs issus des classes populaires qui ne sont pas spécialement racistes, qui ne le sont en tout cas ni de manière systématique ni de manière idéologique. Ils vivent, plus que la bourgeoisie et les classes moyennes, dans une société mixte et s'en accommodent très bien. S'ils ont voté pour le Front National, c'est qu'il a longtemps été le seul parti à soutenir une politique protectionniste. C'est cela qu'ils appréciaient chez lui et qu'ils ne trouvaient pas ailleurs, ni à gauche ni à droite. Ce n'est pas en agitant l'immigration clandestine ou les minarets que la droite regagnera leurs voix. Ce serait en prenant des mesures protectionnistes ou, à défaut, en développant un discours de ce type. Mais… c'est ce qu'elle ne peut pas faire car ce serait se mettre à dos le Medef et risquer de perdre tous ceux qui dans son électorat profitent ou s'accommodent de la mondialisation, du libre-échange et de l'ouverture des frontières.