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En relisant Cervantès (avant l'extrême-onction)

Publié le 19 avril 2009 par Lazare
En relisant Cervantès (avant l'extrême-onction)Tout a commencé, en backstage, parce que l’un d’entre nous a lu à voix haute une hilarante citation de Augusto Monterroso, dans le magnifique La Lettre e récemment édité en français par le Passage du Nord /Ouest :
"Dans leurs articles, leur correspondance ou leur journal intime, les écrivains français disent toujours qu'ils relisent, jamais qu'ils lisent pour la première fois un auteur classique, comme s'ils étaient censés avoir tout lu au lycée et que n'avoir pas lu un auteur important était un déshonneur total: "En relisant Pascal..." "En relisant Racine...." Il ne faut pas toujours les croire. Mais il faut faire attention à ça. Lorsque à l'adolescence j'ai lu un article d'un écrivain guatémaltèque célèbre où il commençait par avouer n'avoir jamais lu Montaigne, j'ai perdu tout respect pour lui et publié une diatribe adolescente contre son ignorance. Mieux vaut donc: "L'autre jour, en relisant Cervantès..." --- Augusto Monterroso

En relisant Cervantès (avant l'extrême-onction)Et parce que nous sommes français, parce que nous sommes des hommes, parce que nous sommes des garçons, parce que le chef de section Fausto nous fait régulièrement croire qu’il a tout lu (un peu à la manière de David Brent dans The Office qui ne cesse de revenir à la charge avec Dostoïevski en en ânonnant ce qu’il a pu glaner sur Wikipedia) l’apostrophe de Monterroso nous a sonné les mêmes cloches qu'à Cervantès (puisque c’est lui que nous nous devions de RElire en premier), s’excusant dans le « Prologue au lecteur » de Don Quichotte de « toutes ces choses dont (son livre) est dépourvu » « car je n’ai pas d’annotations à mettre en marge, pas de commentaires à placer à la fin, et je serais bien incapable de dire quels auteurs j’ai suivis, et donc de les citer, comme le font tous les autres, au débuts de leurs livres et par ordre alphabétique ». Autrement dit, il était sacrément temps de vous peindre un autoportrait en négatif de ces monuments que le bon sens rend coupable de ne pas connaître jusqu’au plus profond des lignes que n’avons pas lus, par accidents ou par choix obséquieux. Car on croirait naturellement que les lectures définissent le lecteur et c’est sans doute vrai, même si cette légende des cieux révèle un sacré tabou honteux en regard de l'éducation institutionnalisée, psychorigide et culpabilisatrice française basée sur le concours, le mérite, l'argent et les valeurs de la bourgeoisie héritées du XIXe (à croire que le XXe n'a su s'émanciper de cette situation complexée sinon à l'enfouir toujours plus aux tréfonds des tripes de son élève, citoyen, écrivain, critique, son lecteur, en aiguisant la honte de cet héritage, et en détonnant quelques guerres...). A l'évidence, le canon littéraire (ce qu’Italo Calvino appelle cette « rumeur de fond où l’actualité qui en est la plus éloignée règne en maître ») c'est quelque chose comme ça, quelque chose qu'on a jamais lu assez, jamais lu en entier, jamais lu vraiment. C’est, encore selon Calvino, des « équivalents de l’univers » qu’on serait bien bêtes de ne pas parcourir. Le Jamais lu, c’est un point à la ligne. Exercice d'exorcisme collectif type Temple du Soleil, ou rétro-cannibalisme littéraire voire déglutition, dégorgement, régurgitation plutôt dégueulement de bibliothèque non digérée, ou encore carrément auto-question inquisitrice, bref, Monterroso (deux seulement l'ont lu parmi nous...) nous a foutu sacrément la pression et la trouille. La claque est revigorante, merci papa. 
En relisant Cervantès (avant l'extrême-onction)
Les enfants terribles n'ont pas dit leur dernier mot.Le canon se dresse, fier, intouchable et phallique,dans la morne plaine de la rigidissime bibliothèque en pin nordique du salon. Ce n’est pas que l'on veuille lui faire la guerre à la Grosse Bertha, aussi canon qu'elle est, mais maintenant qu'on se retrouve entre quatre yeux, on aimerait bien lui dire ses quatre vérités, en vrac et en échos. A vous de trouver les je dans le jeu, et de nous pardonner les « mais » que nos grosses berthas à nous nous ont sommé d’ajouter derrière ces confessions intimes (il convient aussi de préciser que depuis que nous avons commencé cette triste partie masochiste, un bon nombre des lads du club ont tout de go lâché l’actualité (il y a un nouveau Alan Pauls, pourtant) pour se plonger dans quelques pavés parmi les plus assourdissants du gros Canon - histoire de commencer immédiatement leur expiation ici et maintenant au cas où, juste au cas où, le Jugement Dernier soit effectivement pour demain ou après-demain) : 
En relisant Cervantès (avant l'extrême-onction)Je n'ai jamais lu Homère, jamais lu Proust, jamais lu Don Quichotte, pas lu Finnegans Wake (j'ai seulement essayé pour ce dernier) • jamais lu plus de deux pages de tout Proust, tout Joyce, tout Montaigne, tout Cervantès, tout Beckett, tout Sterne, tout Homère, aucun classique chinois ou asiatique (sauf Lao Tseu, mais c'est très court), rien de Goethe hormis Faust (deux fois et demi). Uniquement Roméo et Juliette et Le songe d'une nuit d'été, rien d'autre de Shakespeare. Mon antiquité se résume aux Métamorphoses d'Ovide et aux fragments d'Héraclite. Rien de Zola, trop peu de Balzac, La légende des siècles de Hugo et quelques poèmes tirés de ses recueils, c'est tout, pas un roman de Hugo. Rien, rien, rien de Faulkner, je ne sais pas ce qu'est Faulkner. Je n'ai pas lu Nabokov, hormis une vieille et mauvaise traduction de Камера Обскура (Chambre Obscure, plus tard retitré Camera Obscura, puis Rire dans la nuit, faudrait les lires toutes ?) • j'ai jamais lu de roman de Balzac, de Zola ou d'Hugo. Proust me fait chier. Mais je me suis tapé trois fois la Critique de la raison pure et que ceux qui n'ont pas lu Rabelais aillent se pendre • pareil pour ceux qui n'ont pas lu Paul et Virginie, putain... • ça me fait penser que je n'ai pas lu La Princesse de Clèves... • je n'ai pas lu une ligne de Balzac parce que j'ai l'intention de lire toute la Comédie humaine dans l'ordre quand j'aurai le temps. Je n'ai pas réussi à lire Finnegans Wake. Je n'ai pas lu L'idiot. Sinon, j'ai tout lu ! • C'est marrant, il y a dix ans, je m'étais dit que j'aurai lu TOUT Hugo avant trente ans. C'est l'année prochaine, et j'ai pas trop avancé... • j'ai lu deux fois la Divine Comédie. Et une fois le Pentateuque et quelques livres qui suivent, bêtement comme un roman (c'est à dire linéairement) • La Recherche j'ai lu les 100 premières et j'ai grapillé, l'Iliade lu trois ou quatre fois, dont une fois en grec (enfin pas tout, hein !) • mais je m'en fous que ce soient pas des poètes. D'abord j'ai lu la Bruyère et je suis sûr que toi, non, alors, hein, on fait moins le, hein, hein ? • l'œuvre littéraire la plus lointaine que j'ai dû lire d'un anglo-saxon doit être Les Voyages de Gulliver de Swift. Ensuite, chronologiquement, probablement Lewis Caroll • jamais lu Balzac, ni Zola, ni Racine, ni Diderot, ni les vieux grecs • pas lus : la Divine Comédie, Don Quichotte, Voyage au bout de la nuit, Le spleen de Paris, Tristram Shandy, tous les romans de Dostoïevski (sauf Le double)... • Jamais lu Moby Dick, le Zibaldone, Terra Nostra, Sous le volcan, L'Homme sans qualités • j'ai pas fini tous mes Pynchon non plus • à peine entamé un seul livre de Calvino, de Pirandello, de Gadda, de Buzzati, rien de Moravia, rien de Lampedusa, rien de Calasso, rien de Pasolini, rien de D'annunzio, l'autre fierté des Abruzzes avec Rocco Sifredi dont j'ai vu un film, rien de Manganelli • putain, Dosto... j'ai rien lu ! • en réalité j'ai déjà lu du Balzac et du Zola (des petits trucs), et j'ai lu la Critique que deux fois, mais c'est moins drôle. Mais Proust me fait chier • hééé ! J'ai pas lu Stephen King (hormis une nouvelle : Brume) • vrac : jamais lu Proust, Cervantès, Sterne, Chateaubriand, Pascal, Descartes, Maupassant (peut-être une ou deux nouvelles au collège), Zola (traversé Germinal au collège aussi), Shakespeare, Dante, Twain, Broch, Brecht, Virgile, Milton, Lowry et un paquet d'autres ; lu trois pages de Finnegans Wake et pas beaucoup plus de Gargantua, lu l'Odyssée mais pas l'Iliade, à peu près rien d'Hugo excepté Le dernier jour d'un condamné. Y a pas non plus beaucoup d'auteurs que j'ai lu "en entier". Kafka peut-être (si on compte uniquement ses fictions et pas ses journaux et sa correspondance), Eschyle et Sophocle mais c'est pas bien compliqué non plus, comme Lautréamont et Rimbaud sûrement, et puis... • toujours pas Proust. J'ai encore peur • Schmidt, Byron et Balzac aussi, oui • putain, Céline... j'ai pas lu ! • je n'ai pas lu Ulysses, la Recherche, la Celestina, la Regenta, Hygiène de l'assassin. Ne connais bien ni Goethe ni Beckett. Un seul Faulkner. Aucun Dostoïevski. Stendhal, pareil. Dante en extraits. Pas encore de Goytisolo. Par contre, j'ai lu tout Swift. Enfin, je crois. Et je connais Pierre Ménard sur le bout des doigts • j'ai pas lu Virgile, j'ai pas lu Esope, j'ai pas lu Sénèque, j'ai pas lu Epictète • là vu ton passif, c'est un peu grave docteur • tiens, j'ai pas lu Cent ans de solitude. Quand même..., vu mon passif • en fait je crois avoir lu plus sur Faulkner que de lui. • Tiens, je me demandais s'il y en a ici qui n'ont lu ni Sterne, ni Cervantès ni Rabelais. Aucun des trois = mal au slip • tiens, je me demandais s'il y en a ici qui n'ont lu ni Ulysses, ni la Recherche, ni Le Rouge et le Noir. Aucun des trois = super-mega mal au slip ! • j'ai lu trois pages de chacun ! • J'AI PAS LU DÖBLIN !!! • putain c'est vrai j'ai toujours pas lu Absalon ! • j'ai lu qu'un petit Pynchon, et n'ai pu finir aucun des autres, mais le dites pas à mes potes du Fric-Frac Club • bon... Pas lu La Princesse de Clèves non plus... et puis, j'ai honte... Je n'ai jamais lu une ligne de Lautréamont et de Celan... Et pas lu Absalon, Absalon ! non plus, mais pas mal de Faulkner quand même... Pas lu Lezama Lima non plus. Que Marelle de Cortazar. • T'as pas lu Lautréamont ???!!! • ben, Lautréamont... J'ai lu tout ce qui est écrit en grec à la place... • j'ai pas lu Voltaire, merde j'ai rien lu de Voltaire, ni de Diderot, ni rien de Rousseau (hormis la moitié des Confessions), pas Ronsard, pas Sade, pas Chateaubriand, pas Diderot • tout le monde ici a lu Dédé Breton ? ça m'étonne • lu ! Mais pas tout... • Schiller, Melville, Walter Scott, Twain, Austen, Burton, Racine, Corneille aussi, Roussel, Laclos, Brontë, Brontë, Brontë • pas lu Joyce, Quichotte, Chateaubriand, Proust j'ai dû grapiller, Goethe j'ai lu Werther, me suis tapé une bonne partie théâtre grec ancien mais les philosophes que dalle, sauf un peu d'Aristote (Poétique et Physique n°6), j'ai pas lu LE putain de CLEZIO, Jelinek j'ai pas encore lu... rien de Tolstoï, Tourgueniev, Gogol et autres popovs, littérature italienne à part deux ou trois Umberto Eco que dalle, même pas Dante, jamais lu de Georges Perec, de Sand, j'aurais aimé n'avoir rien lu de Duras et n'avoir pas envie de le faire • (Pas lu Senges !!!!!) • pas lu: Le Clezio, Steinbeck, William Carlos William, Dante, Cervantès, Goethe (& je suis sûr que je fais bien), Balzac (hormis des passages au lycée), Zola (ibid), Sterne (que la moitié... j'ai perdu mon Tristram de chez Tristram chais pas où), jamais lu Robinson Crusoé, L'Homme Sans Qualités qui trône depuis cent ans sur ma bibliothèque, jamais fini Sound & Fury, jamais fini USA de Dos Passos (chiant comme la mort... du moins à l'époque où je l'ai lu), jamais lu Gide, Maldoror, un peu de Proust à la fac mais pas tant que ça, jamais fini un Borges, jamais fini Dubliners & Finnegans, jamais lu UN SEUL AUTEUR ANTIQUE DE TUTTA LA MIA VITA! & ça, ça fait mal au cul • on peut rajouter Berlin Alexanderplatz aux livres pas-lus, tiens ! • jamais lu Döblin non plus. Ai eu beaucoup envie de lire Le voyage à babylone, à plusieurs reprises • j'ai Berlin Alexandermachin mais pas encore lu • jamais lu Murakami. (Ni Juan Benet, du moins pas plus de trois pages de La Méditation et de Dans la pénombre.) • pas un seul Hugo (j'ai l'impression de déjà connaître), pas un seul roman du Nouveau Roman, pas un seul Marc Levy que j'ai pourtant conspué mais je suis sûr que personne, ici, ne m'en voudra, jamais lu Dr Jivago alors que je me souviens avoir affirmé le contraire tout ça parce que j'avais vu le film, jamais lu le Zibaldone mais ça me paraît sincèrement impossible, jamais lu les Villes Invisibles de Calvino, ni Marcovaldo d'ailleurs, En relisant Cervantès (avant l'extrême-onction)aucun Pirandello, aucun Fo, aucun Bassani la faute au Héron qui m'a fait chier MAIS CHIER! jamais lu le Guépard non plus, toujours pas de Lezama Lima... ah si, les nouvelles qui m'ont ennuyé... jamais fini Cent Ans de Solitude qui me semble être quand même un poil surestimé (dit-il alors qu'il ne l'a pas fini), jamais PU FINIR la Machine Molle & le Tiquet qui Explose, jamais lu un Swift, jamais lu un Tolstoï, ni Mandelstam, ai pas pu finir les Âmes Mortes de Gogol (trop chiant alors que Lowry explique qu'il a pris ce roman comme modèle pour Under the Volcano...), pratiquement aucun livre de philo (pas assez de concentration en stock), aucun Coetze, aucun Jelinek, aucun Senghor, certainement pas la Princesse de Clèves, ni les Sade, aucun Rousseau, quelques passages de Diderot (mais ça va changer), un peu de Voltaire mais sous la menace, aucun McCarthy Cormac, aucune pièce de Beckett • (merde :Beckett, pas lu non plus) • aucun VS Naipaul (hihihihi), aucun auteur arabes dont tout le monde dit le plus grand bien (à part Cossery mais ça compte pas), aucun roman du cycle du Graal, aucun Broch, aucun Günther Grass... Ah si, le Tambour pardon... aucun Wieland, pas de Jean Paul & pas d'Elisabeth Tessier... du moins pas encore. 
A VOUS, chers lecteurs, de vous adonner à cette douloureuse expiation...

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