Roman Stern ne fait pas grand chose dans sa petite vie : il rêve de pouvoir déguster enfin, tranquillement son onglet aux échalotes dans une brasserie. Mais c'est sans conter sur tous ces paumés qui viennent lui confier leurs malheurs. Alors, contre son gré, il les écoute. Trop lâche, pour les envoyer promener ? Roman est plutôt du genre à "laisser" les choses glisser. Son existence s'écoule doucement, sans chamboulement, sans vie sentimentale tout juste combler par sa branlette quotidienne. Qu'est-ce qui pourrait le réveiller serait-on tenter de se demander ? Et puis un jour, sa tante aussi alcoolique que riche part mourir dans un centre de désintox, lui laissant en garde son capricieux caniche Véra et une somme substantielle pour son entretien. Mais que faire de tout cet argent ? Stern n'est pas vraiment un gars dynamique qui s'élance dans les projets ; et pourtant tous ces pleureurs que ses oreilles attirent lui inspirent une idée de génie : il va exploiter ce handicap et devenir "écouteur professionnel". Il installe une jolie plaque dorée : "la société des plaintes" et le voilà partie pour un succès professionnel ! Mais que fait un branleur quand la réussite frappe à sa porte ?
Ce petit livre se lit presque d'une traite. D'un style simple, ce récit déroule une syntaxe et un vocabulaire qui colle à l'oral. Cette prose du quotidien épouse parfaitement les formes du roman et offre le charme du spontané. Le personnage de Roman Stern, bien qu'insupportable dans son inaction reflète parfaitement la fumisterie qui anime dans une moindre mesure chacun d'entre nous. Tout est exagéré mais que ce grotesque est jouissif ! Malgré la non existence de cet antihéros, la narration ne tombe jamais dans le dépressif larmoyant. On sourit, quelque fois jaune, mais toujours avec ce petit de coin de lèvre qui se retrousse pour souligner l'ironie. Récit d'un branleur est donc un petit récit charmant, une lecture dilettante pour sourire du quotidien.
Récit d'un branleur, Samuel Benchetrit, Pocket 2000