Cette bande dessinée, sans texte et en Noir & Blanc, est passionnante.
Dans une société future fortement industrialisée, la liberté est devenue un ancien souvenir (Georges Orwell et 1984 ne sont pas loin). Les forces de police pourchassent les déviants : musiciens, libraires... Les autodafés sont monnaie courante (Fahrenheit 451 de Ray Bradbury pointe son nez). Un homme, pianiste dans un bar, possède 6 doigts à ses mains, tout comme son fils qui l'accompagne (est-ce une évolution darwinienne ? ça y ressemble fortement). Une descente de police les oblige à fuir rapidement. Le père a tout juste le temps de cacher son fils avant de se faire attraper. Ce dernier est alors recueilli par un ouvrier travaillant dans une usine d'armement (Les Temps modernes de Charlie Chaplin se devinent alors). Ce dernier va cacher l'enfant dans l'usine, à l'intérieur l'unité où il est affecté. Il lui apportera des nourritures pour le corps et l'esprit : des steaks et Don Quixotte de Cervantes, Les métamorphoses d'Ovide et enfin un livre d'anatomie, probablement celui de André Vésale (1514-1564) intitulé De humani corporis fabrica (Fabrica, tiens-donc !). L'enfant va ainsi voyager en imagination, se promener dans l'usine et devenir un grain de sable dans les rouages bien huilés de la fabrique. Mais un malheur ne vient jamais seul : le boucher, chez qui l'ouvrier s'approvisionne (certainement échappé de Delicatessen de Caro et Jeunet), méfiant devant l'appétit soudainement plus important de son client livrera ses doutes aux forces de l'ordre... Police et contremaître vont-ils anéantir ce petit espace de liberté ?
Le dessin mérite aussi votre attention. Les personnages ont des gueules sorties d'un tableau de Picasso, Guernica par exemple.
Fabrica
Nicolas Presl, Atrabile, collection flegme, 2009, 21 €.