Nouméa et l’image sainte de la circulation routière: appel à l’iconoclasme

Publié le 31 octobre 2009 par Servefa

Ce matin j'ai été particulièrement irrité par la question du jour des Nouvelles Calédoniennes :

L'objet de cette irritation provient de ce que le message que passe ici le média porte l'espoir que la circulation routière ne constitue plus un problème dans le Grand Nouméa à l'avenir. Cet espoir est malhonnête. Une ville, je l'ai déjà écrit ici, constitue un système de sous-systèmes, le tout enchevêtré dans des logiques d'une rare complexité. Il ne s'agit pas d'un espace figé où en actionnant trois leviers grâce à des calculs savants il s'avère possible de modifier positivement des paramètres. J'y reviendrai plus tard mais les chercheurs en planification des transports qui travaillent sur des modèles mathématiques destinés à modéliser les déplacements tendent à considérer que leurs modèles doivent servir à expliquer la situation présente, afin de prendre des décisions éclairées, mais en aucun cas à prévoir l'avenir.

Je vais même aller plus loin: quand bien même la circulation routière soit améliorable dans le Grand Nouméa (ce que, globalement, je crois tout à fait naïf et idylliqu), cela ne serait pas souhaitable. Pourquoi ? Par application de la conjecture de Zahavi : meilleure sera la circulation, plus la ville s'étalera au détriment des terres arables, des paysages, de la biodiversité, des gaz à effets de serre, de l'identité de la ville, et des relations humaines dans une agglomération éclatée.

Que faire alors ? Pour les journalistes, mais il faut comprendre qu'ils sont malheureusement bien peu invités aux réflexions des urbanistes, la solution est lexicale: il s'agit de ne plus parler de circulation routière déjà mais de mobilité ou de déplacements. Pour les décideurs et les techniciens, il s'agit de faire son deuil de la ville automobile, de faire son deuil d'une ville où tout était facile et accessible à coup de 4x4. Par exemple une des équipes du concours d'urbanisme pour imaginer le futur Grand Paris a développé un concept intéressant, celui de ville-éponge, de ville poreuse, remarquant que l'éponge constitue un espace favorisant l'accessibilité pourtant de façon très peu liée à la vitesse. Ainsi, la ville éponge se construit dans la souplesse et l'hyperconnexion des lieux aux autres. Mais, repenser la ville, repenser le Grand Nouméa, ne se fera pas avec quelques consultants venus du bout du monde et en quelques réunions. Il s'agit d'un échange quotidien, d'une préoccupation de tous les instants, de tous les projets, qui se porte bien au dela de quelques plans, mais dans une vision stratégique de l'avenir, dans une délibération permanente avec (toute) la population. Et cela prendra le temps que ça prendra.

François