Maniette (Catherine Frot), une gentille vieille femme, a la surprise de voir débarquer son fils (Albert Dupontel), qui ne lui avait pas donné de nouvelles pendant plus de vingt ans. Elle est heureuse, forcément, mais elle ignore que son grand dadais n’est pas là par plaisir ou par respect de la famille. Il est juste venu se planquer après un hold-up spectaculaire où il a trahi ses complices en filant avec le butin.
Quand elle découvre que son rejeton n’est en fait qu’un vilain garçon pourri jusqu’à la moelle et que ses mauvaises actions ne datent pas d’hier, elle décide de reprendre son éducation à zéro et de lui faire réparer les dommages qu’il a causés.
Le vilain repose entièrement sur l’affrontement entre cette grand-mère apparemment inoffensive et son méchant garnement. Mais attention, pas un face-à-face psychologique bergmanien ou une joute verbale comme dans le J’ai tué ma mère de Xavier Dolan. Non, ici, on est dans l’univers d’Albert Dupontel, et la confrontation prend la forme d’un duel burlesque dans l’esprit des cartoons de Tex Avery, comprenez déjanté, cruel, plein de gags visuels et d’humour déjanté.
D’ailleurs, Catherine Frot - cheveux gris surmontés d’un élégant petit chapeau, lunettes rondes sur le nez et air pincé – évoque la grand-mère dans les aventures de Titi et Grosminet. Albert Dupontel – surexcité, l’œil mauvais et le sourire sournois – fait penser à la fois au Diable de Tasmanie, au Coyote de Beep-Beep et au Pôvre Rôminet. Il s’agite beaucoup, tend plein de pièges et accumule beignes et catastrophes. Enfin, Bouli Lanners, qui incarne le méchant promoteur véreux qui veut faire main basse sur le quartier – rondeurs, barbe et tempérament coléreux derrière une façade mielleuse – fait penser à Sam le Pirate…
Un vrai cartoon live. De quoi permettre à Dupontel de laisser libre cours à l’imaginaire débordant, le sens du rythme et l’humour sauvage qu’on lui connaît depuis Bernie, son premier long-métrage.
On pense aussi beaucoup à certains sketches des Monty Python – dont Dupontel est un grand fan – à Tueurs de dames d’Alexander Mackendrick et à son remake par les frères Coen, et un peu à Arsenic et vieilles dentelles de Capra.
Autant dire que Le vilain est un film drôle, très drôle. Citons, parmi les grands moments du film, la course poursuite du début, le brillant stratagème pour escroquer l’escroc, le piège tendu à la vieille mère bricolé avec une tortue, du chatterton, une horloge, un lustre et un miroir, la vengeance de ladite tortue, prête à user de la manière forte pour faire payer au vilain garçon toutes les brimades qu’il lui a jadis fait subir (il lui avait entre autres gravé sur la carapace, de manière indélébile, « je suis une salope »)… Ou encore les multiples interventions du médecin de famille, complètement à la masse (Nicolas Marié, hilarant).
On rit, on ne s’ennuie pas une seconde, et pourtant, malgré toutes les qualités affichées, on reste un peu sur notre faim. La déception, relative, vient du fait qu’Albert Dupontel semble s’être assagi au contact de l’adorable grand-mère campée par la non moins irrésistible Catherine Frot. Le côté affreux, sale et méchant de Bernie ou d’Enfermés dehors a laissé place à un humour moins noir, moins trash et à plus de sentimentalisme.
En se concentrant in fine sur l’amour retrouvé du fiston pour sa chère maman, la comédie s’essouffle un peu vers la fin alors qu’elle aurait dû au contraire basculer dans la folie furieuse. Frustrant pour les amateurs de burlesque échevelé…
C’est d’autant plus dommage que Dupontel ne semble pas encore prêt à verser dans la comédie grand public et le romantisme gnangnan. Il le prouve en parsemant le film de gags gores ou graveleux qui ne conviennent probablement pas aux plus jeunes…
Pour le prochain film, on s’attend à plus de sauvagerie, plus de méchanceté. Bang, un coup de pelle dans la tronche de premier de la classe de Laurent Bignolas. Ca lui apprendra à parler des films sans avoir la courtoisie de les voir avant… Allez Albert, on compte sur toi pour libérer ton mauvais esprit salutaire et redorer le blason de la comédie à la française, qui produit souvent d’insipides métrages formatés pour le goût du plus grand nombre.
En attendant, savourons déjà Le vilain, qui malgré quelques petites faiblesses, est un divertissement réussi, apte à provoquer de délicieux fous rires chez les spectateurs. Et accessoirement, pour quand il sortira en DVD, un cadeau original pour la fête des mères…
That’s all folks…
Note :