Autre perle paradoxale, cette notification d’un juge des tutelles, relative à la dispense d’audition d’un homme atteint de détérioration (démence présénile) : « J’ai l’honneur de vous faire connaître que dans l’intérêt de (votre patient) , le magistrat a pris la décision ci-jointe le dispensant de procéder à l’audition de l’intéressé dans le cadre de la procédure actuellement engagée aux fins d’ouverture d’une tutelle. Je vous prie de bien vouloir porter (cette décision) à la connaissance de l’intéressé et de renvoyer l’attestation ci-jointe complétée et signée par vos soins : ‘‘Je soussigné Dr Y atteste avoir porté à la connaissance de Mr X la décision (du magistrat) rendue le (date)’’. » En d’autres termes, le magistrat confronte le psychiatre à une injonction paradoxale :
– soit ne pas renvoyer cette attestation, mais la procédure de tutelle (indispensable pour préserver les intérêts du patient) se trouve bloquée, au détriment de l’intéressé ;
– soit renvoyer cette attestation qui a évidemment un aspect ubuesque puisque le malade est atteint d’une déliquescence de ses facultés cognitives lui interdisant de comprendre le sens de cette décision ! Pris dans cette double contrainte, j’ai donc adressé ce courrier au greffe du magistrat : « Voici comme convenu l’attestation concernant le dossier de tutelle pour Mr X. Je tiens toutefois à souligner l’élément résolument paradoxal de cette situation : si ce patient pouvait en effet comprendre (ne serait-ce qu’en partie) la teneur de la décision du magistrat (et, plus généralement, les éléments le concernant, en particulier ceux relatifs à sa pathologie), notre demande de protection juridique serait alors infondée. C’est précisément parce qu’il n’est pas capable de dialoguer et de comprendre (y compris les informations relatives à ces difficultés de compréhension !) que nous sommes conduits à demander l’intervention du Juge des tutelles. »