Cela fait un certain temps que Noir Basic buzz sur le web. Avec son approche streetwear de luxe, la jeune marque parisienne a fait un carton au dernier salon Capsule du prêt à porter masculin. Au programme, des pièces inspirées du vestiaire américain dans des matières remarquables et aux finitions impeccables. J'ai rencontré Marc Leblond, Creative Director de la marque, pour en savoir plus.
Est-ce que tu peux te présenter ?
Je m’appele Marc Leblond, j’ai 29 ans et je suis designer et cofondateur de Noir Basic. A la base, j’ai une maitrise de communication audiovisuelle de l’EFAP. Après les études, j’ai commencé à travailler dans la presse street spécialisée chez Tyler et Spray. Avec Thomas Giorgetti qui a maintenant fondé Bleu de Paname, on essayait de mettre en avant la culture sneakers qui était encore aux balbutiements en France. Cela m’a donné envie de me lancer. Tout d'abord la boutique ADN Sneaker Lab avec Thomas à Paris, puis ensuite Noir Basic avec Romain Bernardini et Antony Lellouche.
Romain est diplomé de finance à Dauphine. Antony est joueur de poker professionnel pour l’équipe Winamax. En terme de travail, je m’occupe plus de la création, Romain et Antony de la gestion, mais en réalité on touche un peu tous à tout. On a aussi une jeune recrue Mickael qui aura une position entre la vente et la direction artistique.
Qui a eu l’idée du projet ?
Avec Romain nous avons eu la vision du projet très tôt. Les vêtements ont toujours été une passion pour moi, notamment les basics américains. Je croyais dans la création de pièces intemporelles, des pièces que James Dean ou Marlon Brando auraient pu porter à leur époque.
Quelles sont tes influences ?
Je suis vraiment au croisement d’inspirations variées. Je suis né dans les années 80 en Australie, ma mère est brésilienne, mon père est français. J’ai grandi en banlieue parisienne en parallèle avec la jeunesse dorée, j’ai adoré l’Australie, le graffiti, le skate pendant l’adolescence, l’émergence des mouvements hip hop et puis c’est la trentaine qui arrive, la découvert des vêtements de nos parents, l’envie de passer à autre chose. Je voulais apporter ce côté un peu plus mature mais en gardant en même temps le côté basic street. Je n’aime pas trop le mot street car on l’associe au streetwear, nous on fait plutôt du basicwear avec un savoir faire sophistiqué et l’attention du détail que j’ai emprunté au japonais. J’aime depuis toujours les details des marques comme Bounty Hunter, Undercover de Jun Takahashi, Number Nine, Neighborhood…
J’aime aussi beaucoup le travail de Dr Romanelli. Au départ, il avait pris des vieux sweat shirts et des survets Nike des années 80-90 qu’il patchworkait et retravaillait. . Cela a été une source d'inspiration pour les mélanges de matière. Il y en a beaucoup chez nous entre le denim, l’agneau, la soie, l’alligator…
Comment a démarré l’aventure Noir Basic ?
Cela fait 2 ans et demi qu’on réfléchissait au concept mais on a vraiment démarré début 2008 en présentant notre collection au Capsule, un salon hyper sélectif de mode masculine. On était amateur, on n’avait pas encore de site, pas de lookbook… mais on a fait sensation. On avait fait une collection un peu dark entièrement en noir et gris. Notre ami Prince 85 nous avait réalisé un vitrail avec notre mascotte, la gargouille de Paris.
Comment expliques-tu ce succès ?
Je crois qu’on apportait une esthétique un peu nouvelle. Les autres marques finissaient toutes par avoir le même style un peu preppy.
Pourquoi la gargouille en mascotte ?
On a repris la gargouille car c’est la mascotte de Paris à l’époque moyenâgeuse, lorsque les francs-maçons ont fait un pacte avec le diable pour protéger Paris des mauvais esprits. La gargouille est un démon protecteur, c’est pour cela qu’elle orne les tours de nos cathédrales.
Est-ce que ce n’est pas voguer sur la vague gothique lancée par Riccardo Tisci ou Gareth Pugh ?
On n’est pas Riccardo Tisci. L’esthétique gothique que Gareth Pugh ou Riccardo Tisci développent est très belle mais elle ne nous correspond pas. On peut se définir dark parce qu’on utilise beaucoup de noir, des matières brutes, de l’argent, et des motifs un peu moyenâgeux comme la gargouille sur les boutons ou un dokuro japonais, gardien des portes de l’enfer. Mais il me semble que notre état d’esprit correspond plus à un côté sombre et spleen. Un peu Baudelaire meets Dr Dre.
Comment fait on pour financer un tel lancement ?
On a tous investi dans la société mais on a aussi eu la chance de trouver un partenaire financier extraordinaire en la personne d'Antony Lellouche. Cela a été un peu long au début : quand on expliquait notre vision, on a cru qu’on était un peu fou. Mais il faut de l’ambition dans la vie, c’est comme ça qu’on y arrive.
Quelle est la marque de signature de Noir Basic ?
Tout d’abord les belles matières. Elles sont sourcées à 90% en France, sauf le denim qui vient d’Okayama au Japon. On approvisionne les cuirs depuis Paris sauf les cuirs spéciaux qui viennent du sud de Millau.
Après, on réalise les produits dans des ateliers de luxe parisiens, les mêmes qui travaillent pour Chanel, Jean-Paul Gaultier, Celine, Hermes et de nouvelles marques comme Guilty, Hoon…
Et comme je le disais avant, il y a un grand sens du détails. Je préfère quelque chose d’un peu sous-estimé à première vue, mais lorsque le client va le porter, il découvrira toute sa richesse. Sur nos sweats, on utilise le plus beau french terry double retors, le lien utilise de la passementerie sur laquelle on a mis une petite patte en argent... Nos détails sont fait par René Talmon L'Armee.
Quelle est l’évolution des collections ?
La première collection a été vraiment sur le côté iconique américain. Le hoody et la varsity jacket sont les pièces de base. C’était vraiment inspiré par mon passé streetwear, l’arrivée du hip hop en France, Michael Jordan.... Dernièrement, il y a un côté Ivy qui m’a pris sur certaines pièces. J’ai beaucoup aimé ce qu’a fait l’anglais Nigel Cabourn très récemment. Il s’inspire des premières expéditions de l’Himalaya, des expéditions très intéressantes au niveau des matières et de l'esthétique.
Je travaille aussi sur une collection pour Lecur, Lecur by Noir Basic qu’on va développer pour le prochain Capsule. Elle aura un thème plutôt militaire.
Il y a un côté très utilitaire sur tes vêtements…
Il y a un côté complètement fonctionnel. Je m’inspire beaucoup des vêtements de travail. Sur la veste marin, j’ai mis une vraie poche cigarette, celle qui servait à mettre son paquet dedans, pour pouvoir se servir facilement. J’aime beaucoup que les hommes ressemblent à des vrais hommes. Je ne suis pas du tout adepte de la mode métrosexuelle. Je préfère maintenant quand les hommes portent des pantalons à leur taille, des chaussures en cuir, des cardigans, des choses simples.
Tu as étudié l’histoire de la mode ?
J’aime beaucoup lire, j’ai beaucoup d’archives, mais plus que l’histoire de la mode, j’ai beaucoup étudié l’histoire du vêtement. Si tu me demandais si j’ai un designer préféré, je te dirais que pour moi ce sont les boutiques vintage. Les autres designers le font aussi mais ils ne l’admettent pas. Si tu vas chez Mme Iglaine ou chez Anouschka, il n’y a que ça…
Quel est la gamme de prix ?
En terme de prix, on est entre 290€ pour un sweat à 1890€ pour la veste la plus chère. On reconnait qu’on n’est pas très accessible pour le moment…
Mais je travaille avec Koki un designer graphiste japonais pour une ligne plus accessible Noir by Noir Basic des tshirts, sweatshirts raglans années 30, des petits cardigans toujours dans une optique d’excellente qualité mais à de plus petits prix.
Est-ce que Noir Basic c’est du luxe ?
Noir Basic, c’est du savoir faire. Je trouve que le terme luxe est un peu galvaudé. J’en parlais avec Eric Provent , PDG de Marc Rozier, la soierie créée en 1893 à Lyon qui fournit notamment Hermes. On a eu ce débat. Si on prend son étymologie, le luxe, c’est quelque chose de superflu, ce qui n’est pas le cas de nos produits. Le luxe c’est plus du marketing, le savoir faire, c’est quelque chose de vrai. L’excellence est très importante pour nous.
Si on voulait parler de luxe, on pourrait revenir au luxe à la Savile Row, un service sur mesure à la disposition des désirs du client.
C’est important pour vous de travailler avec le monde de la musique ?
Plus que la musique, c’est toute la scène alternative qui nous intéresse…
On est en train de développer un partenariat avec Seen, un artiste graffiti de New York et Migoii Tattoo. Nous allons créer avec lui une veste avec un concept de tatouage sur les peaux. Cela prend plus de 30 heures de travail pour réaliser un bras. Les clients pourront même demander de refaire un de leur tatouage sur la pièce.
A quoi pourrait se comparer Noir Basic ?
On est sur un marché de niche sur lequel il y a peu de monde. Il y a des gens comme Hoon mais lui est plus sur une optique californienne. J’aime beaucoup Quai de Valmy. Ils commencé à faire leurs vestes avec des mélanges de matière et fabriqués chez Séraphin, le même fabriquant qu’Hermes. J’ai eu envie de tendre vers cela.
Noir Basic, c’est plus que des vêtements ?
Au-delà des vêtements, on développe l'agence NVMD (Nevermind), clin d’œil au groupe MGMT. On travaille déjà pour la marque japonaise Lecur que nous allons présenter au prochain Capsule.
Où est distribué Noir Basic ?
On est distribué exclusivement à Tokyo via Ueno-Shokai à Roppongi.
On était aussi dans notre pop up shop Nevermind en face de l’Eclaireur. Et bientôt sur une boutique en ligne nvmdparis.com. En attendant, il suffit de nous contacter sur le site.
Nous serons également présent au prochain Capsule Paris et un prochain pop-up shop courant 2010.
Un jour une boutique Noir Basic à Paris ?
Cela dépendra des investissements mais l’année prochaine sera sans doute un tournant. Cela sera probablement en Asie et/ou à Paris.
Pourquoi pas à Paris ?
En France, on est face à une certaine incompréhension. On est un pays un peu archaïque. On ne peut pas s’habiller comme on veut car on serait tout de suite critiqué dans la rue. Ce n’est pas du tout la même chose au Japon. Il suffit de s’y promener pour comprendre que tout est possible. Le Japon est en avance sur la France. Il faut voir qu’ils ont une vraie culture de la qualité. Beaucoup de monde préfère désormais commencer à l’étranger avant de revenir en France, comme Pedro Winter avec Daft Punk. Il a fallu que le groupe cartonne d’abord à l'extérieur avant de marcher en France.
Où vois tu Noir Basic dans 5 ans ?
D'ici 3 à 5 ans, on sera racheté par un grand groupe. Cela nous donnera les moyens de développer notre concept ailleurs que dans la mode : le mobilier, l’architecture intérieure et cela nous permettra de travailler pour notre agence NVMD (Nevermind).
Si tu voulais faire du shopping, tu irais où ?
J’irai dans les friperies et les vintage shops et un peu de basic à la Uniqlo ou du Ralph Lauren...
Qu’est ce que tu penses des blogs de mode ?
J’aime beaucoup les blogs de mode, je peux passer 2 heures dessus tous les jours. Cela a commencé il y a 5-6 ans par Hypebeast mais aussi Adam Bryce avec slamxhype. Mais j’aime aussi beaucoup les blogs persos comme A Time To Get, Inventory Magazine, A continuous lean de Michael Williams à New York… et bien sûr Scott Schuman du Sartorialist, ainsi que Backyardbill une version alternative très intéressante…
Les streetlooks m’ont beaucoup influencé, il y a lookbook.nu que j’aime beaucoup. Et Et j’aime par-dessus tout JJJJound, un blog uniquement de photos : aucun texte, mais une vraie source d’inspiration.
Et en France, il y a bien sûr HypeQuest, Guillotine… Ce sont des jeunes qui viennent de la culture Sneakers. Tout est parti de cette culture là. Maintenant, on est tous en chaussures de ville pour homme.
Merci Marc !!
Noir Basic
Pour toute information: contact@noirbasic.com
Site web: Noir Basic