La signature de Rakim sur Aftermath Records avait fait grand bruit en 2000. Le monument Rakim associé à un producteur à sa mesure, le tout aussi légendaire Dr Dre, avec l’assistance d’un autre monstre sacré, DJ Premier. Oh My God !, tel était le nom de code de ce projet qui avait le potentiel d’être le plus grand album de rap de tous les temps.
Le rêve se brise en 2003, laissant la place à une frustration incommensurable lorsqu’on apprend que Rakim abandonne Aftermath suite à des divergences artistiques avec son producteur, sous prétexte que les beats de Primo ne convenaient pas, que Dre demandait à Ra de faire du gangsta rap…
La pochette de The Seventh Seal, arrivant une décennie après The Master, décrit bien ce qu'a vécu Ra. En jetant un oeil derrière son épaule : le désert. Pour résumer cette longue traversée : un deal sur le label mort-né DreamWorks, quelques rares apparitions dans des clips, un feat sur « Classic » avec Kanye, KRS-One, Nas et Premier sur le beat, quelques mirages ici et là...
L'album était annoncé pour le 7/7/07, l'attrait pour la numérologie complétant la mysticité de l'appellation de ce troisième album mais une malédiction tomba et il fallu attendre deux années supplémentaires pour voir ce que le 'microphone fiend' a dans le ventre du haut de ses quarante et un ans.
Au-delà du sens mystérieux de ce disque se distingue un concept intéressant autour du hip-hop et ses fondamentaux. Démarrant énergiquement par « How To Emcee », Rakim entame une leçon imparable de rap que lui seul peut enseigner. A côté lui, KRS-One est un stagiaire. Son talent au mic est intact, bien rôdé par plus de vingt années d'activisme. À la fin du dernier couplet, il laisserai même une petite pique aux rappeurs qui emploient des ghostwriters. Marque de rancune envers le Docteur ?
Passe ensuite le single « Walk These Streets » (featuring Maino) sur une production de Needlz imitant Dr Dre aussi bien qu'un Scott Storch. Les pianos, les violons survenant au refrain... une copie conforme qui a de quoi nous aigrir. Le second single est « Holy Are You », entre philosophie et message religieusement universel. Néanmoins le Dieu des MC parvient mal à bénir chacun de ses titres, malgré tout le dévouement entier pour le hip-hop qu'il nous communique sur les titres soulful « Put It All In Music », « Working For You » et « Message in the Song » avec sa fille Destiny Griffin'. L'épine dans le pied : des instrumentaux peu reluisants. Ne cherchez pas de Clark Kent, Primo ou Pete Rock, mais des noms nettement moins prestigieux tels que Jake One, Nottz, Ty Fyffe, Needlz, J.Wells parmi d'autres producteurs de troisième zone (Nick Wiz, Neo Da Matrix...).
L'inspiration de Rakim ne lui fait pas défaut, bien au contraire. Mais il ne faut pas mettre un pilote de Formule 1 dans une voiture de particulier pour pouvoir finir la course dans les points. Ra ne vient pas en Sauveur s'il faut déjà qu'il sauve lui-même cet album. Quelques morceaux remontent la moyenne comme « You And I » et « Still In Love » (quoi qu'un peu dépassé), jusqu'au très ennuyeux mot de la fin « Dedicated », plombé par le sample de « Don't Speak » des No Doubt.
Ceci étant, la principale difficulté avec The Seventh Seal est l'incapacité d'effacer ce sentiment d’être passé à quelque chose de trop incroyable pour que ne puisse le regretter (allusion à sa collaboration ratée avec Dr Dre). Sans producteurs de poids, le Grand Rakim a décidément effectué un très petit retour.
Pour "sampler" une phrase de Big Ad, « si c'était pour sortir un album comme ça, il aurait mieux fait de ne rien sortir du tout » arguant le fait qu'il refuse un peu d'assumer son statut d'icône. Une traversée du désert pour ensuite un passage un vide qui ne remet aucunement en cause son talent divin.