Ce matin là.....

Publié le 14 juin 2008 par Maloguillaume

chapitre 1

Ce matin était un vrai matin bien ordinaire. Comme tous les matins je me suis prélassée au lit jusqu’à ce que la maison devienne silencieuse. Et puis je me suis levée, j’ai bu mon café, j’ai rêvassé et tout à coup ma vie a basculé.
Il est midi et j’ai rompu avec tout ce qui était ma vie.


Connaissez vous ce feeling qui m’a souvent assailli à l’aéroport , à l’arrivée des passagers, il y a toujours des gens avec des panneaux « Mme Smith » ou « Mr Dubois » qui sont ces gens ? pourquoi sont ils attendus ? attendus par des inconnus…..l’envie m’a toujours titillée de suivre le monsieur qui porte le panneau…sans rien dire….comme si bien sur je suis Mme Smith….pas besoin de le préciser ! et je me retrouverais à embrayer dans une autre vie que la mienne, pour une heure, un jour, un an ? il me faudrait agir comme quelqu’un d’autre sans me faire démasquer, jouer de mon intuition, de mon audace, de mon goût de la farce, de mon aptitude à me régaler d’une telle situation…..Vivre une expérience inédite.

Une autre sensation qui me tombe dessus régulièrement est celle du « qu’est ce que je fous là ? » avec l’acuité exacerbée d’une absurdité. J’ai à ces moments là la certitude de vivre complètement à coté de moi-même une vie où je joue et non une vie que je vis. Je regarde mes proches comme des étrangers me demandant bien comment ils se sont faufilés dans mon cadre et ne croyant pas vraiment aux liens qui semblent être tissés entre nous….est il bien mon fils ? mon mari ? et comment en est t-on arrivés là ? Ma vie m’attend ailleurs et je vais être en retard. Excusez moi, je ne faisais que passer, vous allez très bien y arriver sans moi….Ceci est un malentendu, je suis désolée…..Ciao !
Et puis après une bonne douche, ou un coup de fil la réalité s’impose et je me trouve très coquine d’avoir eu de telles pensées….Mais non je ne le pense pas vraiment ! penses tu ! mais le ver est dans le fruit et il s’en régale….à me pourrir la vie, à semer le doute face à mes pauvres certitudes. Comment as tu pu en arriver là…..Tu as tout loupé, t’as rien compris, t’as tout faux, ils te l’avaient bien dit, eux, les autres qui ont toujours raison, qui savent tout mieux que moi….

chapitre 2

Tellement mieux que moi que ça m’arrive d’aller les consulter (même en les payant !)…Un comble, moi qui ai craché pleuré pissé sur les divans, qui suis passée de l’autre coté où on écoute avec soif mes propos et mes visions, mes interprétations…..en bref une dichotomie totale, usurpation de position temporelle, schizophrénie de mes personnages intérieurs qui se bouffent parfois encore le nez. Ha vous la psy, vous n’avez donc pas tout réglé ? j’adore ce mot : régler…
La note, la machine, l’horloge, les filles, son histoire, ses problèmes, la facture, règlement, règle ment, règle de trois…..Moi , ma certitude et mon doute … Ca fait bien trois ? ouiiii alors j’ai bien réglé et arrêtez de m’embêter !
A coté de sa vie……..J’ai beau la passer en revue je ne parviens pas, malgré ma grande sagesse et mes 50 ans d’existence, à dater précisément le moment du dérapage… Lors de quel choix ?
Je ne me donne pas la possibilité d’un réel choix d’orientation avant 12 ans…le début de la mise en place de ma personnalité émergente à cette époque là…..Mais depuis j’ai eu des milliers de choix à faire et je sais que UN était le mauvais et qu’il a entraîné une cascade de conséquences qu’il a fallu avaler sans en montrer le goût amer. Même pas mal…… ! M’aime pas / Mal…
Donc ça fait mal, de plus en plus….et ça fait moins mal pendant de longues anesthésies qui, lorsque’on le réalise, font de plus en plus mal….c’est compliqué comme phrase mais je veux dire que même si on se cache la vérité pressentie pendant des années dites d’allégresse, un jour arrive où le miroir est sévère….Qu’as tu fait de ton talent ? de ta vie ? le miroir fait les gros yeux !
Depuis combien de temps fais-je celle qui va bien ? je feins d’aimer ceux qui me sont prison. Je feins de vivre ce qui n’est que survie. Je compose un trompe-l’œil mirobolant derrière lequel je crache sur mes naïfs admirateurs…. Comment peut-on être à ce point dupe ?
Les situations malheureuses s’enchaînent aux gens désastreux et le filet se resserre sur les espoirs écrasés. La vie cahote sous des éclairages trompeurs.
Mais où est la sortie ?
Quel acte de courage pour renoncer à ce qui existe, ce qui semble fonctionner !


chapitre 3

Mais SI, dit le miroir implacable.
Je ne vais quand même pas………………………… !
Vous n’y pensez pas ?
Je ne fais que ça d’y penser…..
Une vie tissée de ce type de dialogue intérieur, s’accommodant du confort du connu pour ne pas rompre les us et coutumes des proches, regrettant que le malheur ne fût pas plus intense, plus évident et qu’ainsi il justifie la rupture.
Mais non, rien n’est si grave en fait, pas de violence, pas de maltraitance si ce n’est une auto négligence un rien mortifère….On ne peut pas lutter contre une situation enviable….j’ai toujours eu le sentiment de susciter des envies, des jalousies, des admirations……Comment dire à mon auditoire que je ne suis pas tout à fait celle qu’ils croient voir en moi ?
Mais comment me dire que je ne suis pas forcément celle que je crois voir en moi….ça se complique !


J’ai rêvé comme tout le monde. Je me suis inventé mille vies. Et j’ai seulement vécu la mienne… Comme tout le monde.
Moi, je me suis vue en aventurière globe trotteuse, je me suis vue en médecin de campagne, je me suis vue en gentlewoman farmer avec mes chevaux,je me suis vue en hôtesse de grande maison d’accueil, je me suis vue en nonne contemplative, je me suis vue en moine bouddhiste, en clocharde……sur toute ma vie j’ai bien du passer le quart à être ailleurs que là ou je me trouvais, ailleurs et autrement, avec d’autres liens.
Ça me fait penser à ma sœur qui se pensait une princesse confiée par un couple royal aux bons soins de mes parents. Quelque part elle se savait appartenir à une autre vie aussi. Elle avait un plan B au cas où. Un jour ils viendraient la récupérer pour qu’elle intègre sa vraie vie.
J’ai été une enfant très présente et active, investie de sa vie. Le plus souvent heureuse, passionnée avec un fond de rage et de colère en sourdine, tapies dans mon ombre.
Puis ma vie a déménagé vers le Maroc et à du réintégrer un père plutôt inconnu. Le frottement a réveillé les colères qui sont apparues au grand jour. Et j’ai repris le flambeau psycho généalogique de la brouille de père en fils ou fille. Mon fils en incarne la 5ème génération !
J’ai alors eu sur moi une double vision : d’une part une fille super talentueuse et forte qui allait mener sa barque où elle le souhaitait, d’autre part la fille vue par mon père et ma fratrie d’une chose ne possédant aucun des attributs de la féminité, de la normalité :un clown qui s’ il ne fait pas rire est ignoré. A 14 ans j’ai cessé de faire rire ! je n’étais plus la mignonnette intrépide aux boucles blonde, mais une ado ma foi assez ingrate !
Et les hommes dans tout ça ?


chapitre 4

Et les hommes dans tout ça ?
D’abord ils furent les bons copains qui me reconnaissaient comme « un pair » ce qui à posteriori ne me poussait pas à la séduction ou à la consommation de ces dits « alter ego »…..Je ne voulais pas pour moi l’image de la fifille, de la Barbie girl mais celle d’une solide cérébrale qui ne se perd pas dans ses sentiments et qui pense plus vite que son ombre, ceci faisant oublier les imperfections physiques dont j’étais persuadée d’être affublée. La force versus la beauté……..
Malgré tout les formes féminines se sont imposées malgré moi et quelques jeunes gens y furent sensibles ce qui me flattait. J’ai alors consommé des flirts aussi platoniques qu’éphémères. Jusqu’au Grand Amour, le vrai coup de foudre. John……là suit une gentille histoire plus enfantine que mature, un amour impossible puisque j’ étais incapable de l’assumer. Et John s’en est allé vivre de plus grands frémissements. Je l’ai pleuré 2 ans au grand désespoir de mes parents.
De cette rencontre, de cette passion under-ground j’ai tiré des conclusions (erronées avec le recul) dont je paye encore aujourd’hui le prix. Et je peux probablement dater de cette époque le premier dérapage vers le « qu’est ce que je fous là… ? »
Mes conclusions étaient : tu es moche, pas très intéressante, tu n’as pas le courage d’être adulte, de choisir ta vie, tu obéis à papa alors qu’il choisit mal pour toi et par ressentiment tu le laisses t’enfoncer pour le punir et le lui reprocher un jour……
Un choix contre mon père et contre les hommes…et non un choix pour moi !
De ces conclusions naît un nouveau personnage chez moi, décalé et triste, sans énergie de vie. Une victime de malchance…. J’aspire alors à rentrer dans le rang pour me sécuriser et satisfaire mon entourage. Et je rencontre Christophe, un jeune homme bien sous tous rapports sauf à mes yeux. Je m’efforce de me projeter avec lui et ça marche puisque nous sommes issus du même rêve familial…..On représente le petit couple idéal et charmant, intelligent et plutôt joli. Et moi je suis à l’abri des examens de passage variés qui feraient de moi une fille normale, diplômée et autonome. Je me réfugie dans le rôle de mère de famille accomplie , et c’est là le 2ème dérapage fatal, en traînant une insatisfaction chronique que chacun bien sûr me reprochera.à défaut d’être la fille de, je deviens la femme de, puis la mère de….merdeuse !
26 ans et 4 enfants plus tard tout explose……et je reprends ma vie en main.
Ces virages/dérapages qui s’enchaînent et c’est un slalom qu’il faut vivre.


chapitre 5

ce rappel historique pour situer le contexte de "ce matin là".....…..Où chaque doute se rattache à une histoire précise, des madeleines de Proust à chaque geste du quotidien. Lassitude……….

Ce matin ressemble en tous points aux autres matins depuis ces dernières années…La bonne tranquillité solitaire quand nos enfants (et beaux-enfants) sont partis pour l’école, que mon nouveau mari est allé travailler, que le café est chaud et qu’il sent bon et que devant moi s’étire une nouvelle journée. Et puis les pensées qui montent pour me faire vaciller sur ma base.
Tout y passe….et je pense à avant….
Avant c’est un mot pratique parce que pas très précis….avant c’est mon enfance mais c’est assez loin quand même, avant c’est mon couple précédant, celui auquel j’ai voulu croire en m’investissant à fond dedans, une mère militante …Avant c’est la période qui a suivi le divorce, chaos, ruptures, larmes, dépression etc…Avant c’est également la reconstruction qui a suivi jusqu’au 3 ème dérapage, la rechute. Avant c’est aussi cette belle période du début de ma 2 éme vie, la période euphorique.
Après tous ces « Avant » on arrive à aujourd’hui, à ce matin ou tout reprend une autre direction.


Aujourd’hui c’est décidé je vis ma vie……jolie expression mais quelle en est la réalité, le réalisme ? Cela fait depuis l’enfance que j’obéis à des injonctions….Et je sais que c’est le prix à payer pour vivre en société. Pourquoi faire de la société une prison pour ma vie ?
J’ai envie de crier MERDE……..Mais je refuse de vivre en colère avec le monde. Je veux assumer pleinement ma vie à venir, sans plus jamais me plaindre, en citoyenne libre et cohérente, assumer mes frustrations ou les difficultés qui vont se présenter tout simplement parce que j’en connais le prix et que je ne veux plus être dupe ou victime.

Pendant ma formation, nous avions bien sur abordé le thème de ces injonctions auxquelles on obéit par réflexe, et la consigne nous avais été donnée de vivre le soir même un acte assumé d’infraction à nos propres lois « surmoïques »….
Le lendemain les récits étaient désopilants : l’une était allée essayer des robes de mariée « une fois dans sa vie », une autre avait fait un saut en parachute, une autre avait acheté un voyage, elle qui n’avait jamais quitté sa terre, une autre s’était plantée dans les rues chaudes pour se faire aborder par des hommes…..40 femmes avaient enfreint 40 lois tacites et peu conscientes et avaient pris la responsabilité de cette « effraction » personnelle. Moi je m’étais fait tatouer une liane sur le bas de ma jambe pour ne jamais oublier que la graine plantée allait pousser dans ma vie.


En ce matin de printemps, la greffe se réveille et demande de l’espace pour pousser. Je dois trouver cet acte symbolique qui marquera ma vie avec un nouveau jalon. Je pressens que cela devra passer par une absence à ma vie actuelle, un départ. Et sans plus réfléchir je file chercher un sac à dos, pas trop gros afin de ne pas ressembler à une voyageuse mais plutôt à quelqu’un qui a juste un petit truc à faire ….rester légère…ne rien dramatiser….simplicité sans effet théatral. Je me donne un quart d’heure pour résumer mes besoins vitaux au strict minimum sans trop mentaliser…faire vite en acceptant les oublis inévitables et les absurdités des choix hâtifs.

Je fourre dans mon sac ma carte de crédit, mon téléphone portable et son chargeur, un petit bloc pour écrire et dessiner, une djellaba pour les nuits ou pour les laveries, un seul kit de vêtements de rechange, une veste en polaire, une cape de pluie et un sac à viande. J’ajoute mon passeport et un petit sac d’affaires de toilette très minimaliste et me voilà devant la porte avec un baluchon léger prête à partir….Mais mon mouvement se fige à l’instant de franchir la porte. Ma liberté n’implique pas que les autres s’inquiètent et j’arrache la première page du calepin pour y griffonner un message rassurant…
« je suis partie chercher des allumettes, je reviendrai quand la lumière sera en moi.
Que mon absence vous soit légère, méprisez la colère….Priez pour moi plutôt !»

Et en harmonie je claque la porte, laissant ma clef à l’intérieur


chapître 6

Mon dieu…..j’entends le bruit de mes pas sur les marches…à moins que ce soit les battements de mon cœur. Respirer à fond……
et entrer en méditation pour que je sois consciente de chaque moment,
ne pas partir en rêveries,
ne pas fuir l’instant mais l’absorber tel qu’il est.

« Je sais que j’inspire, je sais que j’expire, je sais que je croise un chien, je sais qu’un avion est au-dessus de ma tête, ne pas partir en voyage avec l’avion mais rester là où je me trouve, sensation des graviers sous les semelles, odeur de frites devant cette maison….je marche droit devant moi. Peu importe le but….il n’y en a pas…..l’important c’est le chemin……………………… »

Bon, je marche tout droit, il fait beau….je prends ça pour un clin d’œil du bon Dieu… les gens dehors sont normaux, comme d’habitude….ils ne savent pas en me croisant que je vis un moment rare et précieux. Et je marche…..Mes pas rythmés font une musique dans ma tête, je l’habille de mots et me reviennent des comptines oubliées qui se mélangent et racontent une histoire sans queue ni tête…..j’imagine un instant que j’ai à l’illustrer et je pense à Jérôme Bosch, à Dali, Grünewald, Gaudi et je me dis que je sais d’ou ils tirent leur richesse imaginative….et oups…..je reviens à moi.
Je marche un deux un deux là c’est l’histoire du petit soldat qui revient me parler…il avait beaucoup marché, beaucoup marché…..et je revois ce pauvre hère traversant un pays entier pour rentrer chez lui…..alors que je fais juste le contraire ! il rentrait pour se faire panser….moi je pars pour penser et me panser….un deux un deux………
Pendant des heures mon pas rythme mes songes en alternance avec des moments lucides liés à l’instant présent. Je marche encore sans plus y penser comme si ce rythme était devenu interne, un rythme vital de mon corps, de mon cœur et je me laisse bercer par ce mouvement régulier et rassurant. Je m’apaise et entre dans un bain de pur bonheur que je savoure jusqu’à la tombée de la nuit. Mon Dieu, la nuit…..on ne peux pas l’éviter….je l’avais occultée mais elle se présente à moi inexorablement et je vais avoir à y faire face. Une petite angoisse se faufile dans mes tripes et je feins de l’ignorer. J’essaie de raisonner sainement et le coucher de soleil m’apporte une réponse….le ciel est magnifique, drapé de rose et d’orangé, les cimes sont illuminées. Et je réalise que je souhaite en profiter toute la nuit, de vivre ma première nuit debout ! sous la voûte étoilée je veux marcher, je veux respirer toutes les effluves de la nature nocturne, je veux entendre tous les bruits. Je veux être invisible et alerte, une émissaire observatrice qui captera toutes les infos de la nuit……et je plonge dans l’obscurité en m’éloignant du dernier réverbère.

chapitre 7

La nuit s’écoule au rythme de mes pas et de mes pensées, et curieusement elle passe vite, enfin lentement vite, bizarre la façon dont elle passe……mais elle passe quand je vois le ciel rosir, s’éclairer, le soleil se lever, les bruits de campagne démarrer et je dois me dire : ça y est ma première nuit est derrière moi ! je marche jusqu’au village dont j’aperçois le clocher, un bon café et un croissant et je vais m’effondrer dans un pré à la sortie du village, un gros dodo au soleil, bien abritée, bien cachée….
Pendant plusieurs jours je vis en marchant droit devant moi sans but affiché, sans horaire, sans devoir, sans obligation, sans presque aucun contact avec les gens….je me lave la tête, je m’éloigne de mes sentiments habituels, de mes frustrations . Je sais ce que je fais, je sais pourquoi, je suis libre de la faire même si vu de l’extérieur ça semble un peu cinglé….je suis heureuse de respirer, de n’avoir rien à justifier, de n’avoir aucun compte à rendre, ni de compte rendu ! je commence à regarder les oiseaux du ciel avec plus de compréhension ! je me sens liée à tous les SDF qu’avant je ne considérais pas…..
Je sens qu’il se passe quelque chose en moi mais les mots manquent pour communiquer cette impression. Je me sens seulement différente, moins ficelée, je sens que cet acte symbolique de faire ce qui me chante libère une énorme pression , que je ne serai plus jamais la même.
Mais paradoxalement je me dis « il faut que » plusieurs fois par jour…il faut que je mange, il faut que je dorme, il faut que j’avance…mais ces « il faut » me concernent au niveau de mes besoins les plus vitaux. C’est tout simple. Pas tarabiscoté, pas tordu, pas malsain, pas méchant, pas pervers….C’est très normal. Je sens mes neurones se détendre, mes pensées se relâcher, mes tripes roucouler, le filet se détendre, les mailles s’élargir, je respire plus grand ! je suis la fille libre que je rêvais d’incarner. Je vais garder cette sensation comme baromètre pour l’avenir….toujours en garder un peu dans un coin de la tête, ne pas trahir cet engagement privé là……….ne pas laisser les autres prendre le pas sur moi, faire mes propres choix…..
Les autres ? qui compte pour moi ? flou……ma famille ? qui est ma famille ? je crois avoir bien éclairci du coté des antécédents et collatéraux, mais il reste mes enfants, maris et amis, ceux qui font mon quotidien….il va falloir passer tout ça en revue pour ne garder que le bon, le chaleureux, l’amour vrai, ne pas rester piégée par des « must » unilatéraux ou des relations de revanche.
Et toujours marchant, des visages défilent et je tente de capter avec honneteté mes vrais sentiments, traquer les colères et les peurs, m’autoriser les élans du cœur, essayer l’empathie sans risquer l’ego, étiqueter mes besoins, reconnaître mes dépendances, voir celles des autres, voir qui sont mes piliers les plus solides…à qui ai je envie de penser ? qui ai je envie d’évoquer ? dans quelle cogitation est ce que je me prélasse ? je profite à fond de ce labo sécurisé qu’est ma solitude randonneuse !
Plusieurs jours passent à ce type d’analyse……toujours marchant sans direction. Et ç’est très bizarre de marcher dans l’instant présent, de tourner sur une route juste parce que j’ai le soleil dans l’œil…..d’éviter un bois parce qu’il est à l’ombre, de faire demi tour pour ne pas avoir le vent dans le visage…..et les phrases me reviennent de mes stages divers « l’important c’est le chemin , pas l’arrivée » (Durkheim) et j’en saisi parfaitement le sens.
Ma tête est un grand puzzle et je sens qu’il est trop tôt pour conclure…..juste ressentir et laisser reposer !


Tout revient en vrac dans ma méditation, toutes les situations qui m’ont fait mal, tous les moments de bonheur et je cherche le fil conducteur que je pressens sans toutefois pouvoir le définir. Le fil me parle de l’importance relative des choses, me parle de l’être humain, celui que j’idéalise face à celui qui me déçoit, me parle des liens entre les gens, les liens qui nourrissent et ceux qui vident l’énergie de vie….Comment trier ? les personnes les plus proches sont les plus potentiellement dangereuses car elles détiennent plus d’intimité et de clefs…et elles sont aussi toxiques que les autres….aussi névrosées et souffrantes.
La richesse que je pressens n’est pas liée au nombre de relations, mais à une qualité rare. Et je pressens aussi le grand danger de « plaire » c’est à dire de se mettre à la merci des éxigeances de gens par peur qu’ils nous abandonnent. Ce chantage est tellement toxique que j’ai vu mon ex mari dire et faire du mal à ses propres enfants pour n’être pas jugé négativement par sa nouvelle femme. Parler différemment à ses enfants selon sa présence à elle, ou son absence. Or il n’est pas méchant homme, juste tellement dépendant de sa bénédiction ou de sa désapprobation qu’il se perd.Son cas me fait beaucoup gamberger en changeant de femme il a changé de look, de pensées politiques, de religion, de musique, de style de cadre de vie mais surtout d’implication face à ses enfants. Le pire est que face à ses tergiversations mimétiques il devient méprisant et condescendant pour ce qui n’entre pas dans son nouveau genre, il devient un snob…..(sine nobilitas) . un bobo gauche caviar féru de culture qui s’étale, de gris post modern, des films qui n’ont pas de succès qui se trouvent ainsi promus au rang d’art et d’essai, un fana du non conformisme classique qui par sa rigueur devient un esclavage social,un conformisme absolu à un genre.
Il a modifié le père de mes enfants et son sens de l’engagement. De prioritaires ils sont devenus secondaires, voire une tâche de sa vie d’avant dont il a dû se racheter en en faisant encore un……parfait lui !
Avant il était féru de mes choix…..

Ma réflexion me parle d’ouverture face à sa propre détermination, du compromis entre rester soi-même ou signer avec le diable, rester soi-même ou évoluer. et je dois dire que les pensées tournent à toute vitesse et me donnent le tournis.
Au loin un carillon me rappelle à l’ordre, au sens propre et au sens figuré….je reviens à l’instant présent, à l’ordre du jour et j’entends une église symbole des ordres….


chapitre 8


Saint bol priez pour nous ! j’en déduis que j’ai du bol……et que ces cloches ne sont pas si cloches !
Ça fait 10 jours que je suis en route loin de mon quotidien et ça va bien. Mon portable est au fond de mon sac, il ne sonne pas ou bien je ne l’entends pas. Je l’ai rechargé une fois et ai pu écouter un message et lire un sms, et j’ai pu y répondre. Personne ne s’inquiète et tout va bien à la maison. j’ai même le vague soupçon que mon absence est vécue très positivement, en tous cas par mes derniers fils.
Les cloches sonnent et je ne vois pas de village, je n’arrive pas à m’orienter par rapport à ce son et à son écho….c’est une sensation étrange. Je ferme les yeux et tente de marcher vers la source de ce carillon. Je suis en rase campagne, boccage et taillis, chemin creux, je ne vois qu’une bâtisse massive à quelque distance vers laquelle je me dirige tranquillement, sans savoir pourquoi je me fixe ce but.

Le son des cloches s’amplifie….je m’approche de la source. Le lieu semble pétrifié par le silence à la fin du carillon. Le silence perdure pendant que je m’approche. Pourtant des silhouettes apparaissent sans les murmures habituels. De toute évidence, j’arrive dans un monastère……….et ça me plait ! une espèce de joie monte et m ‘envahie. Je cherche un accueil et je me présente à la porte. Ma requête est simple : puis-je rester un moment en échange d’une sorte d’emploie, d’une participation aux taches ? réponse positive. Je suis une moniale la clef à la main vers « ma » cellule. Une pièce de 8 m2, blanche, un lit une table, une chaise, une fenêtre, un placard……basique ! je reçois les horaires du couvent et me retrouve seule dans ma cellule.
Les 3 premiers jours je découvre, j’ai un regard un peu en distance sur ce que je vis, comme si j’étais une observatrice extérieure. Puis peu à peu je rentre dans mon mouvement personnel de méditation, d’introspection, de prière, de silence, de gratitude, de paix….de pardon surtout.
Peu à peu je retrouve la joie ! et je découvre la joie du travail, méditation active dans des gestes le Samu des sesshins zen ….je comprends par l’expérience ce que ma tête tentait d’entendre par le réseau des neurones, comblant le manque d’expérience par des idées imaginaires et donc fictives……Rien ne remplace le vécu où le corps, la pensée,les émotions,la fatigue, les sens sont au cœur d’une activité en même temps, concomitamment. L’expérience alors s’incarne et devient mienne.

Le temps s’est arrêté………la vie continue sans repère temporel autre que le rythme des jours et des nuits. Peut importe combien de temps je suis restée. Mais j’ai appris ce qu’il me faut pour le reste de ma vie, quelle qu’elle sera ! Vivre l’instant consciemment, être à l’écoute à chaque moment avec les sens et avec le cœur. Accepter que les évènements arrivent qui peuvent heurter mon monde et sans colère continuer à vivre pleinement.

ÉPILOGUE

Faut-il une « happy end » comme dans les récits cinématographiques ? faut-il obéir à un code pour clore un récit ?
Je crois que je vais m’octroyer la liberté de vous laisser conclure. Que voudriez vous entendre ? quelle fin souhaitez vous ? quelle vie suit une telle échappée vers soi même ? Comment faire un récit alors qu’il s’agit d’états d’être ?
Ce que je sais c’est que je n’ai plus peur, que je n’attends plus de mon entourage qu’il me fasse la vie belle car cela m’appartient pleinement. Qu’il y aura des joies, qu’il y aura des peines mais que je suis ok avec ça. Le bonheur ce n’est pas d’éviter les ennuis…..mais de savoir les traverser sans en être trop victime. Puis rebondir grâce à l’énergie d’amour qui se niche en chacun de nous et qu’il faut apprendre à débusquer.
Voilà …..déçus ?
Dites moi votre sentiment………….