C’est l’histoire d’une incurie généralisée. D’une inconséquence partagée et, à bien des égards assumée, revendiquée voire réaffirmée. C’est l’histoire de jeux de pouvoir, de béances législatives, d’éthique bafouée. C’est l’histoire de prébendes, de satrapes et de sénateurs. C’est l’histoire d’erreurs sidérantes de communication et donc, d’action – car il faut être bien léger pour prétendre vouloir dissocier les deux aujourd’hui. C’est enfin une histoire ô combien politique et révélatrice de la face sombre de notre société et de notre ère. Point de référence ici à une administration, à un ministère ou à une entreprise ni, a fortiori, à tel ou tel de leurs membres et représentants. Non. Nous parlons de football. D’une fédération – la FFF, d’une sélection nationale – l’équipe de France. Mais plutôt que de verser dans des considérations sportives et ad hominem, il convient d’observer le débat en cours sur la qualification effective autant qu’indue des Bleus pour la Coupe du monde 2010 à travers le prisme inédit des marques médias.
Lorsqu’une entreprise s’engage dans un sponsoring de maillot ou dans du naming (ex : le futur stade du MUC 72, le club de football du Mans, baptisé MMA Stadium), elle a clairement pour visée première d’augmenter son taux de notoriété spontanée dans la population. Lorsqu’elle fait le choix d’être partenaire d’une sélection nationale en revanche, les enjeux ont surtout trait à l’image (ex : renforcer le leadership réel et perçu de sa marque), à une vision partagée, à des valeurs véhiculées auxquelles l’entreprise en question souhaite s’associer. De fait, lorsque les Bleus triomphent, au-delà de nos compatriotes c’est l’ensemble de ses partenaires entreprises qui positive, à l’image de Carrefour. L’inverse est également vrai : quand les joueurs français défaillent, c’est le retour sur investissement mais surtout l’image de ses soutiens qui se ternit. Difficile pour Danone de capitaliser sur l’excellence, l’esprit d’équipe, l’efficacité du collectif, le dépassement de soi, l’atteinte des objectifs ou le fair play si les Bleus déjouent en solo et enchaînent les contre-performances. Et ce même si, par ailleurs, le courage, l’obstination et la fidélité dans l’engagement constituent des vertus fort louables. Mais lorsque, comme lors de ce funeste 18 novembre 2009, le onze de France ne respecte ni le public, ni l’adversaire, ni le maillot et, comble du parjure, ne respecte pas l’éthique du sport en arrachant le succès sur une mystification non avouée, le bénéfice final pour les partenaires de l’équipe de France relève du cadeau empoisonné.
Car Toyota, SFR ou encore GDF Suez – toutes associées contractuellement à l’équipe de France - sont des marques. Mieux, elles sont désormais des marques médias, proposant un contrat de valeurs. A ce titre, leurs engagements en termes de communication – et singulièrement dans le domaine sportif - prennent un poids significatif. Qu’importe les retours sur investissement, par ailleurs généralement faibles dans ce domaine. Il faut désormais, pour les marques précitées, assumer jusqu’au bout leur partenariat et continuer de soutenir une équipe qui n’a plus rien de sportif. Ou bien se démettre. En football et sans mauvais jeu de mot, c’est ce qu’on appelle une défaite sur tapis vert.