Ce résultat a surpris tout le monde, même les initiants, qui n'en espéraient pas tant, mais qui assument cette victoire éclatante, et inattendue. Les derniers sondages, parus dix jours plus tôt, donnaient en effet une victoire large au camp du non à l'initiative, 53% contre 37% (ici). Les sondages se sont-ils trompés ? Je ne crois pas, mais il est des opinions qui sont tabous et que le terrorisme intellectuel généralisé vous interdit d'exprimer, même avec l'assurance de l'anonymat. C'est l'effet pervers de toute diabolisation totalitaire.
Ce résultat est une victoire de la démocratie directe suisse. En effet, malgré l'unanimité à condamner l'initiative contre la construction de nouveaux minarets, le peuple suisse ne s'est pas laissé intimider. Pourtant ce ne sont pas les manoeuvres d'intimidation qui ont manqué, et qui continuent : un oui fâcherait, et va fâcher, la Suisse avec les pays musulmans, un oui irait, et va, à l'encontre des intérêts économiques et touristiques du pays, un oui entacherait, et va entacher, une fois de plus l'image de la Suisse.
Un seul canton romand a vraiment rejeté l'initiative, par plus de 59% des voix, c'est Genève. Ce qui n'a rien d'étonnant. Ces derniers temps ce canton ne s'est pas distingué par son indépendance d'esprit à l'égard de ses élites. La poussée de fièvre MCG au Grand Conseil (voir mon article La forte progression du MCG s'explique par sa proximité des gens ) n'est pour le moment qu'une parenthèse dans un discours conformiste permanent. Le vote du 27 septembre 2009, quasi soviétique, 80% des voix, pour interdire la fumée passive à Genève, montre que les citoyens de ce canton sont de dociles instruments de la propagande médiatico-politique.
Chez les commentateurs habituels de la presse romande - je ne parle même pas de la presse étrangère qui, dans sa grande majorité, ne comprend rien à la Suisse - un mot est sous toutes les plumes, c'est le mot "peur". Dans Le Temps, François Modoux parle (ici) de vote "inspiré par la peur, les fantasmes et l'ignorance". Pierre Ruetschi, dans La Tribune de Genève, parle (ici) de "la peur et [de] l'intolérance d'une Suisse du repli".
Ce sont en réalité des arroseurs arrosés. Les médias, comme les politiques d'ailleurs. Le peuple suisse en votant contre la construction de nouveaux minarets a décidé de résister, alors que ses élites baissent pavillon. Le peuple suisse a choisi d'être courageux et de sanctionner cette peur du reste du monde que ses élites, qui en sont saisies, voulaient et voudraient lui inoculer. Il l'a fait dans le secret de l'isoloir, faute de pouvoir le faire au grand jour, le pistolet de la diabolisation totalitaire appuyé sur la tempe.
Il ne faut pas faire de peine aux autres, même si la morale est de son côté. Telle est l'attitude molle des autorités helvétiques tout au long de cette année 2009. Ce sont ces reculades qui ont terni l'image de la Suisse. De se redresser, sans souci des conséquences, ne peut que la redorer, contrairement à ce que des élites aveulies peuvent penser.
Le secret bancaire, qui protège les libertés individuelles et relève des droits de l'homme, a été en grande partie abandonné, sans combattre, par la Suisse sous la pression du G20 et de l'OCDE. Les noms de 4'550 clients de l'UBS, qui lui avaient fait confiance, vont être livrés par la Suisse (voir mon article L'annexe à l'accord du 19 août sur l'UBS entre la Suisse et les Etats-Unis ) au fisc américain sous la pression du gouvernement des Etats-Unis. Muammar Kadhafi, le tyranneau libyen, a reçu sans broncher les plates excuses du président de la Confédération et n'a pas réduit, mais au contraire augmenté, ses exigences, comme tout maître-chanteur (voir mon article Le gang Kadhafi, père et fils, et l'initiative anti-minarets ).
Les musulmans de Suisse sont bien sages. Ils semblent bien intégrés. Encore qu'ils revendiquent de plus en plus de passe-droit pour appliquer les préceptes de leur religion, passe-droit qui ne sont pas toujours compatibles avec nos valeurs, et nos moeurs, judéo-chrétiennes, sur lesquelles reposent nos libertés. D'où une méfiance à leur encontre que reflète le vote suisse d'hier, qu'ils prennent mal dans leur ensemble. Ce qui est tout à fait compréhensible.
On nous le répète assez sur tous les tons, la Suisse n'est pas toute seule au monde. Elle est entourée de pays ... où l'Islam pose de plus en plus de problèmes. Les élites suisses ont pris le parti de boucher leurs oreilles, de fermer leurs yeux sur ces problèmes, et préfèrent s'entretenir avec leurs alter-ego de ces autres pays, en sirotant champagne et dégustant petits fours. Il ressort pourtant de l'observation du monde que les musulmans ne sont modérés que lorsqu'ils sont largement minoritaires dans un pays et qu'ils évoluent dangereusement quand les proportions s'inversent.
Même s'ils pratiquent de moins en moins leurs religions historiques, et bien souvent ne croient même plus, les Suisses sont attachés aux libertés qui sont issues des principes mêmes de ces religions, dans leur version laïcisée. Ils ont eu hier l'opportunité de faire un avertissement sans frais à la population musulmane suisse, qui est passée de 16 000 il y a 40 ans à plus de 400 000 aujourd'hui, et qui pourrait être tentée de ne plus aussi bien se comporter à l'avenir, s'ils sont toujours plus nombreux.
Rappelons que l'initiative contre la construction de minarets a été déposée après que trois demandes de construction ont été faites dans la foulée de celle réalisée à Winterthur en mai 2005. Après quatre ans de procédure, et notamment après une pétition de la population locale qui s'y opposait, un minaret a été inauguré en juin dernier à Wangen. Le Tribunal fédéral avait autorisé cette construction qu'il déclarait conforme à la Constitution. Seule une inscription contraire dans la Constitution aurait pu donner raison aux opposants. C'est ainsi que les minarets projetés à Langenthal et à Wil, et qui soulèvent des oppositions, ne pourront plus maintenant être construits, après le vote d'hier.
Pour des musulmans notoires (voir mon article L'interdiction de l'affiche anti-minarets escamote le vrai débat )- et pour les initiants - symbole politique conquérant, pour les opposants simple symbole religieux, le minaret, de forme phallique, n'est pas, selon tout le monde, y compris les musulmans, un accessoire architectural indispensable aux mosquées, dont nombre dans le monde sont d'ailleurs dépourvues. Son absence n'empêche donc pas la libre pratique religieuse musulmane dans une mosquée et n'enfreint pas la liberté religieuse tout court. C'est en ce sens, et pourquoi, j'ai dit plus haut que le vote suisse d'hier était un avertissement sans frais.
L'inscription dans la Constitution apparaît donc comme une mesure conservatoire, une limite pour préserver les autres valeurs du modèle suisse. Pour peu que l'ensemble des musulmans de Suisse poursuivent leur intégration dans la société helvétique comme ils l'ont fait jusqu'à présent, et qu'ils condamnent clairement, ce qu'ils ne font malheureusement pas, leurs coreligionnaires extrémistes et liberticides, cette exception tombera d'elle-même en désuétude, disparaîtra, et son symbole agressif avec.
Francis Richard
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499e jour de privation de liberté pour Max Göldi et Rachid Hamdani, les deux otages suisses en Libye