... suite et fin
Ce rapide survol sur l'exposition "Fauves et expressionnistes" au Musée Marmottan ne serait pas complet si je n'évoquais pas avec vous quelques uns des tableaux où la nature est présente, nature tour à tour souriante, mystique ou inquiétante. Au début du vingtième siècle, ce retour à la nature s'explique par l'aliénation ressentie devant le développement urbain qui semble galopant - les ouvriers anciennement paysans ont perdu leurs repères -, par l'accélération du temps, et par les horreurs vécues par les hommes lors du premier conflit mondial ... indéniablement on sent cette "nostalgie d'un Eden disparu" (1).
Le thème des baigneuses, abondamment illustré par Cézanne, Renoir, Picasso, Matisse ... est repris ici par Ernst Ludwig Kirchner en 1910. Ces "Quatre baigneuses", à peine esquissées, sont représentées comme si elles étaient des plantes, comme si elles faisaient partie d'une nature souriante ... à noter l'extrême fraîcheur des verts et bleu et liberté des couleurs initiée par les Fauves ainsi qu'au loin une sorte d'Eden disparu avec comme une île que l'on apercevrait dominée par un palmier ...
"La première chose pour les artistes était de dessiner en toute liberté un corps humain libéré dans une nature libre" (2).
Dans ce tableau "Paysage avec trois jeunes filles" peint en 1911 par August Macke la nature apparaît mystérieuse et mystique. Certainement influencé par Kandinsky qu'il rencontre à Munich en 1910, cette œuvre pour Christine Poullain "correspond essentiellement à une réflexion plastique et non métaphorique d'une quête spirituelle."
Pourtant le peintre nous emmène vers l'arrière plan du tableau où la silhouette d'un clocher et de quelques arbres se détachent du ciel jaune et rose, les cyprès au premier plan au tronc rouge, marron et jaune et l'allée d'arbres au deuxième plan, balisant le chemin vers un au-delà ... à remarquer encore ici l'omniprésence des verts qui occupent presque les deux-tiers de cette toile.
Saturation de vert et de bleu, impression circulaire, déformation de la végétation et du moulin à vent, nature oppressante, ce tableau de Kirchner "Moulin à vent à Fehmarn", peint en 1913, semble très loin de la nature idyllique représentée précédemment dans le tableau les "Quatre baigneuses". Et ce tableau étrangement me ramène quelques siècles en arrière comme si j'étais devant "La vue de Tolède" de Le Greco, peinte en 1600.
Pour l'heure, l'exposition se termine par la toile d'Otto Dix "A la Beauté" peinte en 1922. Désormais, c'est un certain "réalisme expressif" qui s'exprime, le nouvel éden étant le rêve américain ?....
(1) Propos de Julien Gracq(2) Citation de Kirchner
(3) Sur l'ensemble des reproductions, © Von der Heydt-Museum Wuppertal