Seulement trois années ont été suffisantes pour que Halloween, cette fête si américaine, occupe (presque) tout le champ commercial en France. D'après certaines estimations, confirmées par
les sociétés impliquées, le chiffre d'affaire lié à cette célébration aurait augmenté en trois ans de plus de 50 (cinquante) fois.
Aux Etats Unis il represente d'ailleurs plus de 30 milliards de dollars, ce qui n'est pas si mal pour une fête qui ne dure qu'un seul jour.
L'année dernière une entreprise comme France Telecom n'avait pas hésité à l'utiliser comme support du lancement de son portable OLA pour inonder la France de citrouilles au nom de OLA ween!
Bien sûr pour tous ceux qui seraient allergiques aux prétendus lobbys américains, il est rappelé que cette célébration d'origine toute celtique a eu ses sources et son développement d'abord en
Europe, avant d'être reprise et intégrée au floklore locale par les Yankees.
La prédiction de l'avénement de produits, d'activités et de métiers totalement nouveaux et dont moins de 25 % seulement, seraient déjà disponibles aujourd'hui, est de celle qui nous sont le plus
souvent prodiguées par les experts de l'OCDE et par tous les médias qui en reportent les conclusions.
Comme toutes les affirmations peremptoires et improuvables que le libéralisme économique essaye de nous faire accepter comme vraies, elle est passablement contredite par la réalité des faits
.
Déjà des nombreux sports ont été soumis aux matracage publicitaire et aux réformatage propice aux diffusions télévisuelles entrelardées de spots publicitaires.
Un des plus populaires du moment, le foot-ball, risque de passer à la même moulinette dés qu'il ce sera durablement implanté aux Etats Unis, où pour l'instant fait figure de parent pauvre en
comparaison avec d'autres, tels le foot-ball américain, le base-ball, etc..
Or Halloween correspond tout simplement à une manière de découper l'année en périodes d'achalandise qui permettent de multiplier les moments de dépenses et sortir de la simpiternelle dualité
Noêl-Fête des Mères.
Du coup, des citrouilles, des fantômes et des squelettes ont envahis pour une bonne semaine les vitrines des magazins et les pages des hebdomadaires, pour la plus grande joie des commerçants qui
n'ont pas envie d'attendre le 25 décembre pour écouler leurs stocks, bien que tous ne puissent evidemment pas participer à la fiesta.
Donc Halloween n'étant pas un produit nouveau, ni la manière d'utiliser un élément du floklore à des fins commerciaus une grande nouveauté marketing, j'ai bien peur que cette fringale que les
experts (sic) nous annoncent pour un demain toujours repoussé, ne soit encore un de ces soufflés qui servent généralement à nous faire abandonner nos vielles habitudes (genre salaires élevés,
protection sociale accrues, vacances abondantes) pour des nouvelles plus flexibles totalement profitables au groupes internationaux qui controlent desormais le commerce, la distribution, la
fabrication et la création.
Pourtant tout n'est pas à jeter dans cette manière de massifier les effets d'une célébration ancestrale, en la déclinant "ad nauseam".
Cette adhésion enthousiaste du commerce à une manifestation à la fois ancienne, aux contenus complexes et aux interpretations nombreuses et disparates, démontre que le fait culturel dans
son sens à la fois le plus profond et le plus large possible est certainement destiné à dévénir l'élement sur lequel se fondera à l'avenir le marketing en général et la distribution et la vente
en particulier.
Loin de la création individuelle de nouveaux comportement et de nouvelles attitudes, la recherche de sens trouve dans la culture locale, nationale ou internationale son terrau le plus
fertile.
Ce qui laisse présager la création, si non de produits nouveaux, à tout le moins de nouveaux postes de travail qui n'existent pas encore aujourd'hui et dont on ne pouvait même pas imaginer
l'existence hier.
On peut d'ailleurs constater que le frein le plus important au développement des productions multimédia, est tout simplement la question des droits et sa résolution dans des termes
acceptables par tous le monde.
Hors ce terrain propice aux juristes, il existe des très nombreux autres métiers qui pour l'instant ne sont pas encore complétement appréciés dans leurs nécessité, mais qu'ils vont bientôt
devenir aussi nombreux, variés et rémunérés que ceux des anciennes productions industrielles d'acier et de textile.
La collecte, la vérification, la remise à plat et la réinterprétation des aspects culturels susceptibles d'être intégrés dans les démarches marketing, lorsque ce n'est pas carrement dans la
conception des produits manufacturés ou des services mêmes, donnera lieux à la création d'un nombre d'emplois dont les caractéristique encore indéfinies devront nécessairement faire appel à un
type de formation et d'études englobant une culture générale de type classique avec l'intégration de l'analyse historique, la sociologie, mais aussi des capacités telles que la recherche
documentaire.
Le marketing, le commerce, et jusqu'a l'industrie, ne peuvent inventer des traditions, des recurrences, des habitudes sociales, que après un long travail d'impregnation et de façonnage des
groupes sociaux.
Or le traditions culturelles et populaires existent et se sont formées dans le temps indépendemment des pressions politiques et sociales en constituant souvent une zone de réfuge, dans laquelle
le gros de la population peut (re)trouver un ressourcement et une legitimisation de ses choix à la fois personnels et sociaux.
La marchandise passe, la traditions reste.
Elle est plus forte que tout les prétendus lobbys et je ne suis pas mécontant de constater que l'utilisation de moment particuliers tels que Halloween, dans lesquels la pluspart des citoyens est
capable de se reconnaître sur un plan à la fois ludique et profond, participe finalement d'un plus vaste mouvement inconscient de reconquête de ses propres origines et de ses propres finalités
culturelles, sociales et donc forcément politiques.
D'ailleurs le "motto" de Halloween, comme chacun sait est : "Trick or Treat !"
V.E.P.
(publié dans Tam Tam News en octobre 1998)