Certes, le football professionnel est au premier rang des dérives. Ce substitut de la guerre est désormais la guerre même. Pour entrer dans le processus de la « sublimation », cette sorte de leurre consenti offrant un dérivatif à la pulsion brute (comme dirait le psy), il faut un minimum sinon de culture au moins d’éducation. Ces deux denrées se faisant rares, on ne s’étonne pas de voir dans les gradins et les rues, les soirs de rencontres, déferler ces hordes de pandours « pleins de bière et de drame » pour qui les tatillonneries d’un jeu raffiné ne sont que vains retardements de l’empoigne, la hargne, la castagne.
Un ex-Premier ministre comploteur avéré se pose en victime de l’acharnement présidentiel ; des médias de linotte ou de malice appellent pour 2012 à la vengeance monte-cristienne du Galouzeau : main d’Henry, dans le rayon Bibliothèque verte. Que Sarkozy se défausse sur Fillon de la colère des maires : main d’Henry, variété dégonflage du petit dur ; mais quid des maires eux-mêmes, et autres barons régionaux criant « Au meurtre ! A l’assassin ! » parce qu’on va rogner leurs cassettes, et qu’ils devront choisir entre une crèche et un rond-point ? Main d’Henry, dans le registre têtes à claques.
D’ailleurs, ne montrons pas toujours du doigt les importants. La main d’Henry, c’est la fauche sympa de Kevin dans l’hyper ; la gruge numérisée d’Abdel au contrôle de maths ; le piratage djeune de Cynthia sur le web ; le surendettement victimaire des Dupont ou des Fialek, qui ne paieront pas leur loyer mais continueront de s’appeler sur leurs portables pour dire « T’es où ? ». La main d’Henry, c’est tous les tacleurs d’allocations, les faussaires de congés de maladie, les gloutons d’Assedic et autres carambouilleurs « à profiter ».
La main d’Henry, c’est nous. De tout temps, direz-vous. Peut-être, mais surtout aux périodes de basses eaux morales, quand le mot « valeur » n’évoque plus guère que les cotations en bourse ou les bulletins météo.
Arion