« Avenue Victoria, la ménagère fait toujours sa provende. Son filet à provision au bras, elle tapine aussi depuis quarante ans. Aux Halles, il n’y a pas d’heure pour les courses.
- C’est une combine à moi, elle dit. Avec ce truc-là les flics souvent font pas gaffe, y s’imaginent pas que je suis au turbin, y m’emballent pas. L’client lui, y m’prend jamais pour une pute, il a l’impression d’baiser une femme qui fait ses commissions et veut s’farcir un petit supplément. Y a des années que j’fais le truc, ça prend toujours, après on croit que j’suis pas mariolle…
- T’as trouvé ton pot-au-feu, lance une môme sur son passage. La rue entière se tord. La ménagère passe, très digne, un petit sourire pincé aux lèvres, serrant contre elle bien fort son filet d’où dépasse une botte de poireaux. »
Robert Giraud, Le vin des rues, Stock, 1955.
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