Moi qui pensais passer une partie de ma soirée à la laverie automatique, me retrouver à 1 heure du matin sur le point de débattre avec moi-même de la possibilité que Roland Emmerich cache derrière son cinéma gros sabot une âme d’auteur est étrange. Oui car en fait d’expédition linge sale, c’est au cinéma que je me suis laissé entraîné ce vendredi soir pour aller découvrir (il était temps) la nouvelle fantaisie gigantesque du cinéaste allemand.
Cela devait bien faire dix ans que je n’étais pas entré dans une salle du Gaumont Parnasse (mon dernier souvenir mémorable, Las Vegas Parano de Gilliam à l’été 98 avec mon père et ma tante réunionnaise, partis avant la fin, écœurés). Le maniaque du confort offert par une salle que je suis ne peut s’empêcher de noter que dans cette salle 3 du complexe de Montparnasse, on se serait cru dans une fournaise tant il faisait chaud. Quant aux sièges, il leur manquait un peu de rembourrage dans la partie supérieure, si je n’avais pas calé mon écharpe sous ma nuque, j’aurais eu la tête inclinée à 45° pendant 2h40. Rien à redire à la qualité de l’écran courbe en revanche, impeccable (non, sans déconner, pourquoi tant de détails !?).
Mais revenons à nos moutons. Notre mouton. Un mouton de plus de 2h30 donc, placé sous le signe de l’Apocalypse. Emmerich y plonge notre bonne vieille Terre dans un chaos monstre. La fameuse prophétie Maya annonçant la fin du monde pour l’an 2012 s’y vérifie, mettant l’espèce humaine (et par là comprenons une poignée d’américains) en proie à divers séismes, éruptions volcaniques, tsunamis et autres cataclysmes dévastateurs.
2012, vous l’aurez compris, ne fait à priori pas dans la dentelle. La situation est très vite posée,
Est-ce un gros blockbuster hollywoodien ayant coûté 200 millions de dollars et offrant ses leçons de bravoure et d’humanité, ses moments de suspense et d’émotion ? Oui. On pourrait même y voir une certaine forme ultime du film catastrophe, tant tout est déchaîné dans 2012. Un peu de Deep Impact par-ci, un peu de l’Aventure du Poséidon par-là…
Pourtant on aurait sûrement trop vite fait de ranger Roland Emmerich dans la catégorie des faiseurs au service du système ne cherchant que l’adrénaline à offrir sur un plateau aux spectateurs.
Petit rappel pour ceux ne s’étant jamais penché sur la carrière du bonhomme, Emmerich, allemand attiré par les sirènes hollywoodiennes voilà de nombreuses années maintenant, s’est fait connaître du public du cinéma d’action avec Universal Soldiers en 1992. Mais c’est Stargate, puis surtout Independence Day en 1996 qui en ont fait un véritable « über director ».
C’est vraiment con à dire, et à la vue du résultat global de ses œuvres, on ne peut pas dire que cette obsession tire forcément Emmerich vers le haut qualitativement parlant. Néanmoins Emmerich insiste, revisite son obsession comme un grand (façon de parler) et mine de rien affine sa vision et densifie son propos de film en film (si on enlève ses daubes intitulées Godzilla ou 10.000, et oui même Patriot allez). Independence Day était une ode au dépassement de soi certes, mais c’était tout de même un bon gros film patriotique dans lequel la bannière étoile flottait à tout bout de champ et le Président des États-Unis concourait à sauver l’humanité.
Dans Le Jour d’après, l’air de rien, le changement de ton était presque radical : le président était tué par la catastrophe, les américains étaient réduits à tenter de franchir illégalement la frontière mexicaine dans l’espoir de survivre… Dans 2012, Emmerich creuse le sillon. La bureaucratie gouvernementale américaine, symbolisée par le personnage incarné par Oliver Platt, symbolise l’hypocrisie et l’arrivisme dans toute sa splendeur, glissant à travers lui un message s’adressant à la population : ne vous fiez pas aux politiques, jusqu’au bout ils essaieront de vous entuber. Mieux vaut encore écouter les marginaux !
Toujours adepte de symboles forts, Emmerich, qui avait fait de l’Amérique latine le lieu salvateur dans Le jour d’après, s’amuse à faire de l’Afrique, le continent malaimé par excellence, en proie aux plus grands maux de la planète, l’espoir de l’humanité.
Bien sûr, il est tout de même difficile de voir en 2012 un brûlot tout à fait couillu, car les ficelles
Le cinéma de Roland Emmerich est-il du cinéma d’auteur ? Faut pas pousser, mais enfin, après tout…