L'environnement médiatique est souvent un bon indicateur de la société. Ou plutôt il devrait l'être par définition puisque le "medium" est étymologiquement un intermédiaire entre les différents acteurs d'une société.
C'est ainsi que nous pouvons analyser les 30 dernières années au gré de nos lectures ou de nos soirées-télé.
- Les années 80, point culminant du bonheur-consommation et avènement de la valeur quasi-unique de l'argent, ont par exemple placé sur nos tables de salon les magazines Rebondir et Entreprendre, et nous ont fait vibrer avec Dallas.
- Les années 90 et le début des années 2000, passage à l'âge adultes des enfants de 68 perdus dans leur sexualité et leurs rapports à la masculinité/féminité, ont laissé traîner sur nos tables de chevet Psychologies Magazine (relancé en 1997) et nous ont fait pouffer devant Ca se Discute et Hélène et les Garçons.
Les médias semblent donc nous informer sur nos errements, nos questionnements et nos joies et il parait intéressant, pour comprendre le monde qui nous entoure, de nous tourner vers eux.
Et que voyons-nous?
- NRJ, la Nouvelle Radio Jeune des années 80, militante de la liberté qui fit plier un gouvernement, partenaire musicale de la révolte adolescente, success story étonnante et fabuleuse ... est aujourd'hui en plein effondrement.
- TF1, exemple de privatisation réussie, chaine de télévision dont la part d'audience nationale fut un record européen envié, partenaire privilégiée de la frénésie consommatrice d'une ménagère rêveuse ... se noie actuellement dans une stratégie éditoriale qui cherche son fil conducteur.
- Lagardère, groupe éponyme d'un Jean-Luc capitaine d'industrie génial, leader mondial de la presse magazine, tentacule multimédia de la radio à la presse en passant par la télévision ... voit se multiplier les clignotants rouges sur son tableau de bord économique.
Vous me direz que cela ne nous avance pas à grand' chose et nous laisse coi dans notre analyse du français des années 2000. Sauf qu'il y a Internet.
- Malgré son ubuesque valse manégériale (licenciement de deux Présidents du Directoire, plusieurs DRH successifs, tous les directeurs d'antenne et plusieurs remplaçants, des directeurs financiers, des patrons de filiales, etc.), l'NRJ du désespoir n'arrête pas Internet (la Nouvelle Radio Jeune a un auditeur moyen âgé de 34 ans...).
- Malgré sa cynique compréhension des petits péchés de nos concitoyens, la chaîne numéro 1 n'arrête pas Internet.
- Malgré le changement de nom de sa radio, les vieilles recettes de ses magazines populaires et le rachat d'un site Internet qui cache son sexe derrière sa maladie (Doctissimo), Lagardère ira ou n'ira pas mais n'arrête pas Internet.
Les médias anciens n'arrêtent pas Internet non pas à cause d'un saut technologique ingérable mais parce qu'ils n'écoutent plus les gens. Ils ne sont plus un bon indicateur de la société. Ils ne jouent plus leur rôle de medium-intermédiaire.
La journée médiatique qu'ils nous proposent est dépassée. Je me lève avec les infos, j'enchaîne sur de la psycho, je déjeune en jouant, je digère en feuilletonnant psycho, je goûte en jouant, je dîne en vérifiant que le monde ne s'est pas écroulé, je me repose en me promenant dans les bas-fonds d'un polar et je m'endors en psycho. Quelqu'un s'est demandé pourquoi autant de psycho?
En dépit de toutes les tentations qui s'y sont insérées, Internet, à l'inverse, est un formidable espace d'échange. Internet est un espace de connaissance. Internet est un espace d'action. Les personnes qui surfent peuvent apprendre, communiquer et s'engager.
Les médias anciens ne réussiront à prendre le train de la croissance que s'ils comprennent que la révolution musicale est révolue, la révolution sexuelle est ringarde, la révolution financière est affreuse. Nous sommes dorénavant dans une révolution positive d'amour et d'implication.
On ne peut pas forger une stratégie sur des pulsions à court terme ou des émotions changeantes. Les médias, comme n'importe quelle entreprise, doivent bâtir sur un roc de valeurs. Ils doivent s'ancrer dans l'univers de leur cible. Ils doivent répondre aux attentes de leurs clients sans leur imposer les phantasmes fourre-tout de leurs cyniques managers.
Or le français d'aujourd'hui n'est pas si différent de celui d'hier ou de demain. Nous avons tous des fantaisies faciles, des démangeaisons ou des égoïsmes mais au fond de nous-mêmes, nous avons un besoin vital de foi, d'éspérance et de charité. La seule différence, c'est que nous commençons à le comprendre.
Le monde change; l'homme se cherche en bien. Les médias devraient y réfléchir.
FIDESCO-2009
envoyé par arcencielprod. - Regardez plus de courts métrages.