Psychanalyse anthropologique de l'inconscient politique d'un grand agent d'influence

Publié le 29 novembre 2009 par Robocup555

A propos de l'article de Jean-Claude Casanova in Le Monde du 17 novembre 2009 intitulé : ' Le temps est venu pour l'Europe de s'émanciper des Etats-Unis '

1 - De l'innocence en politique

Manuel De Diéguéz

Dans quelle mesure les grands agents d'influence des Etats-Unis en France le seraient-il en raison de leur ignorance, supposée abyssale, des relations que les Etats entretiennent entre eux au gré de leur puissance et dans quelle mesure faut-il, bien au contraire, considérer, que leurs compétences exceptionnelles réfutent nécessairement l'hypothèse que le cancer foudroyant de la candeur politique en aurait fait sa cible? La question semble tranchée: il n'y a pas de naïveté concevable sur le fond chez des juristes chevronnés, des serviteurs ardents des intérêts d'une puissance étrangère, des acteurs à l'aise sur les planches et qui auront fait leurs preuves de longues années durant aux yeux des observateurs spécialisés dans l'analyse psychologique et la détection des "infiltrés" volontaires, conscients et sûrs de leur mission.

Mais si l'on y regarde de plus près, le paysage psychique peut changer entièrement la donne, parce que ce type d'agents obéit presque toujours à la race des croyants invétérés. Or, la foi ne répond en rien aux critères courants de la pensée logique. Si je démontre à un philosophe chrétien qu'il ne saurait revendiquer le titre de philosophe que par un abus de langage éhonté - la rigueur de l'argumentation dialectique lui interdit de se faire octroyer par un tiers omniscient le privilège tout partiel et limité de penser tout seul - mon pauvre discours glissera sur lui comme l'eau sur les plumes d'un canard, parce que la piété obéit à un pilotage cérébral propre à l'imagination religieuse.

Mais il faut également se garder de tomber dans le piège de confondre l'agent d'influence volant de ses propres ailes avec les intellectuels moyens, qui croiraient déserter leur cénacle à traiter d'une question avec franchise et dont l'esprit componctieux ressortit aux bienséances politiques du moment. L'agent d'influence responsable n'est pas un boiteux jouant à la balle. Le latin usait de tournures sans fard pour dépeindre les acteurs des savoirs convenus, telles que "vagabonder loin de ses chaussures", "errer de tout son ciel", "n'y voir goutte en plein soleil", "ignorer combien votre main a de doigts", "se fabriquer une corde de sable". Le Gaulois demeuré franc du collier les rend à merveille, avec des expressions aussi crues que "se trouver à côté de ses pompes", "aligner des noix sur un bâton" ou "tenir un discours sans queue ni tête". Si vous confondez l'agent d'influence de haut vol avec l'intellectuel formaté auquel un pitoyable apprentissage de la dissertation scolaire aura enseigné l'art de passer comme chat sur braise à côté de son sujet, vous ne comprendrez rien aux docteurs du clergé d'Etat et au sacerdoce qu'exerce désormais la pensée institutionnalisée au sein de la République et de la démocratie des faux messies de la Liberté.

Il se trouve, de surcroît, que la chute du mur de Berlin a démontré aux descendants de La Boétie qu'un souverain de type démocratique n'est nullement accepté de ses vassaux en raison des intérêts stratégiques de ses subordonnés - depuis Jules César, il est toujours censé être accouru en toute hâte afin de les défendre de quelque Arioviste - mais exclusivement parce que la pente naturelle de tous les peuples et de toutes les nations de la terre n'est autre que celle de l'humanité tout entière de se soumettre à un maître. Le premier défenseur réputé s'être précipité la main sur le cœur afin de sauver sa créature menacée de tomber dans le gouffre - mais, en réalité, afin de l'asservir à jamais à l'éternité de son sceptre - n'est-il pas le Créateur?

Or, dès l'origine, cet acteur du cosmos fait croire que la noblesse et la justice seraient nécessairement du côté de son omnipotence, de sorte que l'agent d'influence sûr de lui croit faire d'une pierre deux coups: d'un côté, se donner un protecteur hors de pair, c'est se rallier aux forces du "Bien", de l'autre, c'est se convaincre que les forces du "Bien" sont immanquablement prédominantes, puisque les puissants tiennent toujours le haut du pavé en ce bas monde. Le malheur, c'est que la défaite du souverain et de son ciel sur les champs de bataille lui révèle, mais un peu tard, que son auréole n'était que l'éclat de son glaive. On voit que la psychanalyse politique de l'inconscient dont l'agent d'influence se révèle l'otage nous conduit au plus secret des relations que le genre humain entretient avec sa tête. C'est pourquoi il n'y a pas d'anthropologie critique sans psychanalyse de l'obéissance sacrée.

2 - Les démocraties jésuitiques

Il vous faudra donc démontrer preuves à l'appui, que les agents d'influence de fort calibre se sont mis consciemment au service d'une puissance étrangère et en apporter une démonstration tellement irréfutable qu'il serait ridicule de seulement tenter d'en refuser l'évidence. Or, M. Jean-Claude Casanova, né en 1934, agrégé des facultés de droit et de sciences économiques, docteur ès sciences économiques et diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, a bénéficié cette année de l'honneur de présider l'académie des sciences morales et politiques. C'est donc à des titres éminentissimes qu'il publie, dans le Monde du 17 novembre, un article fracassant en apparence et couvrant une page entière de ce quotidien: "Le temps est venu pour l'Europe de s'émanciper des Etats-Unis".

Mais qui croira qu'un spécialiste de cette envergure ignorerait que la souveraineté réelle des Etats est incompatible avec l'occupation armée de leur territoire par une puissance étrangère, qui croira qu'un historien et un juriste de renom ignorerait que deux cents bases militaires américaines occupent l'Allemagne depuis soixante-cinq ans, alors qu'aucun intérêt stratégique ne légitime une telle violation du droit international en temps de paix, qui croira qu'une personnalité aussi connue en France et à l'étranger ignorerait que cent trente sept garnisons d'outre-Atlantique stationnent en Italie depuis la chute de Mussolini, qui croira qu'un homme politique ayant appartenu au cabinet de M. Marcel Jeanneney, Ministre de l'industrie de 1959 à 1961, puis de Joseph Fontanet, Ministre de l'éducation nationale de 1962 à 1974, tous deux gaullistes, puis de M. Raymond Barre de 1976 à 1981, qui croira, dis-je, qu'un intellectuel de cette trempe ignorerait que le port de Naples est devenu une parcelle inaliénable du territoire de la nation américaine et que l'extension continue de l'exterritorialité de la base de Vicenza en Italie permet aux armes du Nouveau Monde d'assurer la progression patiente de leur main-mise sur l'Afrique, qui croira que les politologues du monde entier ignoreraient que les démocraties européennes ont inscrit dans leur constitution, donc légitimé sur le modèle euclidien l'occupation perpétuelle de leur sol par les troupes de l'OTAN, qui sont commandés par un Général du Nouveau Monde et dont le quartier général se trouve à Mons en Belgique?

La question décisive que pose le statut politique réel de M. Jean-Claude Casanova est donc de savoir comment le Département d'Etat entend exploiter les clauses récentes et libératrices en apparence du traité de Lisbonne afin de poursuivre, aussi ardemment que précédemment, la vassalisation du Vieux Continent et surtout son auto-domestication consensuelle, puisque la singularité de l'empire américain est de se fonder sur le déclin volontaire de l'Europe des chancelleries et des peuples.

On comprendra qu'une psychanalyse politique d'un type relativement inédit ne pourra se concevoir qu'à partir des paramètres d'une radiographie des servitudes secrètement désirées auxquelles les civilisations en voie d'auto-anéantissement entendent se soumettre; car elles sont conduites à la ruine par les grands Jésuites des démocraties dédoublées, dont la tête est à Rome et le corps dispersé sur la terre entière. L'agent d'influence convaincu est scindé entre Washington et son terroir comme M. Prasquier entre Jérusalem et la France et il pourrait écrire, comme le Président du CRIF citant Elie Wiesel: "Nous pouvons vivre en dehors d'Israël, mais nous ne pourrions vivre sans Israël."

3 - De la servitude volontaire

La pesée de l'influence d'un grand agent de la fatalité exige avant tout une interprétation anthropologique de ses silences concertés : car il serait irrationnel de présupposer qu'il n'aurait pas réfléchi longuement à la face cachée d'une émancipation seulement apparente de l'Europe de la tutelle de l'étranger, tellement il paraîtra s'attacher à la promouvoir sous les dehors d'un appel sincère et même ardent à l'indépendance et à la souveraineté des peuples en livrée.

C'est pourquoi il ne saurait ignorer les réflexes religieux de l'humanité: il sait que la chute du communisme n'a nullement provoqué un soupir de soulagement des peuples démissionnaires de l'Europe, il sait qu'elle a permis, bien au contraire aux démocraties du Vieux Monde de proclamer d'un cœur unanime que leur souverain bien-aimé n'avait désormais plus d'adversaire à sa taille et que, par conséquent, l'Europe allait se soumettre sans ambages à une autorité que sa victoire était censée avoir rendue incontestable. Certes, quelques esprits candides s'étaient imaginé que, sitôt sa mission de justicier accomplie, leur sauveur allait se retirer sous les applaudissements d'un Continent libéré par la puissance salvatrice du verbe et des armes de la Liberté. C'est ainsi que Vaclav Havel était allé prononcer devant le Congrès américain un discours plein d'une gratitude éperdue. Mais il avait découvert, avec la stupéfaction des patriotes égarés parmi les grands fauves, que l'Amérique couronnée des lauriers réservés aux grands rédempteurs ne l'entendait nullement de cette oreille et que l'heure des victoires du glaive n'est jamais celle des émotions dévotes, mais celle des récoltes des guerriers méritants.

La réaction émue de François Mitterrand avait été plus étonnante encore: lui aussi avait cru le plus sincèrement, donc le plus naïvement du monde que les troupes américaines quitteraient nécessairement l'Europe et que leur retour dans leur patrie n'était qu'une question de semaines. Aussi avait-il accueilli avec tact la question un peu larmoyante de M. Bush père, qui lui avait demandé, avec la gentillesse des saint Baptiste de la diplomatie: "Voulez-vous vraiment que nous partions?"

4 - De la servitude institutionnalisée

Mais pourquoi les hommes politiques européens feignaient-ils avec une belle unanimité d'ignorer qu'à la suite de la demande d'évacuation du territoire de la France que le Général de Gaulle avait adressée aux troupes américaines vingt-sept ans avant la chute du mur de Berlin, Washington avait pris le plus grand soin de s'assurer de la présence perpétuelle des troupes américaines dans le monde entier, et cela non seulement par la conclusion de traités bilatéraux avec les divers Etats rassemblés sous son sceptre, mais par l'inscription de la servitude perpétuelle de ses vassaux dans leurs constitutions respectives, donc dans leur loi fondamentale?

La vraie difficulté, pour la diplomatie américaine, n'était donc en rien celle de légitimer la pérennisation de sa domination sur les peuples qu'elle s'était assujettis, mais celle d'atténuer le traumatisme, aux yeux de l'Europe des enfants de chœur, d'assister au dénudement des Etats et des empires et de découvrir que l'heure du triomphe des démocraties bénédictionnelles n'est pas celle des cadeaux, comme il est dit plus haut, mais de l'engrangement des moissons. Il fallait donc affecter un instant une finesse inusitée, afin que le temps fît oublier ubi jacet lepus.

Or, un agent d'influence plus décoré des médailles de la démocratie française que les généraux soviétiques d'autrefois sur les champs de bataille du prolétariat mondial ne saurait oublier l'histoire réelle de l'Europe, donc passer outre à l'examen, même succinct, des conditions dans lesquelles les troupes américaines se sont incrustées à jamais en Europe. Comment feindre l'amnésie au chapitre de l'absence de toute menace guerrière de la part de la Russie? Il n'y a pas de lucidité politique sans pesée du destin du monde. D'un côté, l'agent d'influence dormira sur les deux oreilles, parce qu'il saura fort bien que jamais l'Europe ne verra jaillir des masses ballotées de ci, de là, par un suffrage universel tombé aux mains des démagogues, une élite politique avertie et résolue à poser les vraies questions aux peuples réputés avoir recouvré leur liberté.

C'est pourquoi l'agent d'influence affectera de croire que, depuis 1945 l'opinion des foules serait devenue la clé du destin du monde et que le pouvoir réel reposerait désormais et à jamais sur un vote populaire préalablement aliéné par le droit et la loi de l'étranger. Il écrira donc en toute tranquillité: "La vague Obama a effacé l'antiaméricanisme." Et il ajoutera dans la foulée: "Les Européens ont été de tout coeur favorables à l'élection de Barack Obama, les Américains ont élu un président qui inspire en Europe une admiration sans réserve."

Mais si le sommeil politique d'un Continent est un garant de tout repos aux yeux de l'agent d'influence conséquent, de quel danger son gabarit est-il menacé ? Pourquoi l'assoupissement de la classe dirigeante d'une civilisation tout entière ne suffira-t-il en rien à faire glisser le Vieux Continent dans l'insignifiance ? Voyez comme notre Jésuite de la Liberté se trouvera contraint de demeurer sur ses gardes, voyez comme il devra faire preuve d'une vigilance accrue et de tous les instants s'il entend éviter les pièges d'une sécurité apparente, alors même que, pour ne prendre qu'un seul exemple, Mme Merkel et toute la classe dirigeante allemande ont paru interpréter comme un drame national, non point le stockage humiliant de centaines de bombes atomiques américaines sur le sol des Germains, mais le renoncement de Général Motors à vendre Opel au Canadien Magna?

5 - Les craquements de l'empire

C'est que le vrai danger n'est plus celui d'un réveil hypothétique des peuples européens occupés, tellement la résignation aveugle et muette du Vieux Monde à la présence éternelle de troupes étrangères sur son territoire est devenue le témoin d'une léthargie politique inguérissable, mais le danger des craquements de plus en plus assourdissants dont l'empire américain fait retentir la planète. Aussi la stratégie qui s'impose désormais le plus impérieusement à l'agent d'influence chevronné est-elle de faire silence sur la fragilité soudaine du Saint Siège de la démocratie. Mais si, dès la quatrième génération, il n'y a plus rien à craindre de la docilité d'une civilisation vaticanisée par les ignatiens de la Liberté, que va-t-il se passer si la planète retentit tout subitement de l'effondrement imminent d'un autre building que celui du World Trade Center de New-York - celui de l'auréole en voie de vaporisation du vainqueur de 1945?

Car enfin, que raconte le véritable catéchète de la pièce, celui qui se prénomme l'histoire? Que David est entré en campagne la fronde à la main. Nous n'en sommes qu'au premier acte de la tragédie. Pourquoi Israël a-t-il refusé tout net de marquer un temps d'arrêt dans la conquête de la Cisjordanie? Parce qu'après six mois de pause, non seulement il aurait été relativement difficile de reprendre la représentation à partir de la première scène du premier acte et d'invoquer, aussi traditionnellement qu'auparavant "l'échec des négociations" ou "l'absence d'interlocuteur", mais parce qu'une trêve illusoire de plus aurait démontré au monde entier que le verrou est fermé à triple tour depuis un demi siècle et qu'il est trop tard pour prétendre en forcer la serrure.

Jamais Israël ne se retirera sur ses frontières de 1967. Mais si un miracle plus biblique que tous les précédents venait à se produire, il en faudrait aussitôt un second, de plus forte corpulence encore que le premier, afin de légitimer aux yeux de Jahvé un retour colossal d'Allah sur ses terres, puis un troisième plus herculéen que les deux sus nommés afin de partager la ville sainte avec les autochtones, puis un quatrième, le plus titanesque de tous, celui de fonder un Etat viable sur la légitimation du rapt du territoire d'une vieille nation par un brigand, et enfin - entassons Pélion sur Ossa - un cinquième, le dernier de la pyramide, dont la taille s'élèverait jusqu'aux nues, celui de légitimer en droit international un pseudo Etat composé de quelques tribus de Peaux-rouges qui auraient accepté, les malheureux, de porter sur les fonts baptismaux d'une démocratie gesticulatoire la spoliation triomphale des trois-quarts ou davantage du territoire de leurs ancêtres.

Aussi Israël précipite-t-il le Nouveau Monde dans les ténèbres; car voici les Messies de la Liberté et de la justice pris en otage dans l'Eden où le Démon leur tend la pomme fatale, voici la démocratie mondiale contrainte au reniement de tous ses principes, voici que le démon tentateur précipite dans le grotesque les apôtres de l'évangélisation planétaire de la politique.

6 - L'apprenti sorcier de Walt Disney

Israël a jugé qu'il était moins dangereux de tenter l'affrontement massif et direct de David avec le reste de la planète des droits de l'homme et, en premier lieu, avec un empire américain lézardé que de planter une fois de plus des décors usés jusqu'à la trame. Premièrement, Jahvé demeurera préservé du péché, même momentané, de faiblesse. A ce compte - relativement peu coûteux - son peuple bénéficiera du prestige des héros que leur courage solitaire fait avancer la tête découverte dans l'arène. Secondement, depuis la guerre de Suez, l'expansion territoriale continue de l'Etat juif s'opère nécessairement au détriment du prestige de l'Amérique dans le monde musulman tout entier. C'est pourquoi le groupe de pression qu'Israël a puissamment renforcé sur le territoire des Etats-Unis depuis 1957 avait obtenu, en juin 2009, que le Congrès votât d'extrême urgence une motion qui demandait à M. Barack Obama qu'une fois de plus, il imposât à la Palestine des négociations illusoires, dites "en tête à tête" et dont le leurre, vieux de trois générations, est devenu traditionnel entre Israël et les indigènes.

Mais, en ces temps reculés, le Président des Etats-Unis se trouvait encore en mesure de ne tenir aucun compte des vœux impérieux des élus d'une nation tombée depuis si longtemps entre les mains de l'étranger. Pourquoi, six mois plus tard, Israël a-t-il si bien gagné la première manche qu'il ne reste rien de la tentative, pourtant déjà désespérée de la Maison Blanche au Caire le 4 juin 2009 de retrouver dans le monde arabe un lustre perdu depuis un demi siècle? C'est que Washington s'est résigné à demander à M. Mahmoud Abbas d'accepter de reprendre des "négociations" de façade sans qu'Israël suspendît une seconde sa conquête mètre carré par mètre carré de la Cisjordanie. Mais autoriser un Etat colonial à poursuivre la conquête du territoire de son voisin dans un monde décolonisé par l'Amérique à la suite de la victoire de 1945, c'est quitter la politique pour un festival de la bande dessinée. Si je dois m'entendre avec un cambrioleur qui se sera introduit par effraction dans ma demeure et qui se verra autorisé par les principes de la démocratie à piller mes biens sous mes yeux, alors Israël est le premier Etat du monde qui ait fait, de l'Histoire évangélique du monde, une copie du film de Walt Disney, L'apprenti sorcier.

7 - La fin d'un Messie

La seconde manche s'annonce également sous les plus heureux auspices: cette fois-ci, Israël a obtenu en moins de vingt-quatre heures que le Congrès rejetât à une majorité massive de quatre-vingt dix pour cent des voix le fameux rapport Goldstone sur les crimes de guerre commis par des rescapés de la shoah armés jusqu'aux dents à Gaza. Mais qui a lutté aux côtés d'Israël pour obtenir par la corruption, donc à prix d'or un résultat aussi consternant? L'Amérique de M. Barack Obama. Le renvoi de l'Etat juif devant le Tribunal pénal international sera-t-il donc enterré , alors qu'il était approuvé par la grande majorité des Etats représentés à l'ONU? On prétend que M. Netanyahou aurait regardé le Président des Etats-Unis droit dans les yeux et lui aurait lancé: "La démocratie a parlé. Vous voyez que tout le monde ne pense pas comme vous dans la patrie d'Abraham Lincoln".

Le vrai danger que court un agent d'influence de nationalité française s'il opère au service des Etats-Unis dans la presse et sur le sol même de son pays est le suivant: comment plaiderait-il en logicien cartésien pour l'émancipation de l'Europe asservie s'il s'abstient de raconter aux Français l'histoire du monde telle qu'elle se déroule non seulement sous ses yeux, mais à l'échelle de la planète tout entière, comment ignorerait-il qu'Israël est devenu le nœud stratégique de la géopolitique, comment ferait-il silence sur l'effondrement de l'autorité de M. Barack Obama dans son pays et sur les cinq Continents, alors que les ossements de ce messie dorment d'ores et déjà à trois mètres sous terre?

8 - Une diversion diplomatique

Certes, M. Barack Obama s'est tout soudainement précipité à Pékin et à Tokyo. Ignorerait-il que le Japon entend obtenir le retrait des troupes américaines d'occupation stationnées à Okinawa depuis 1945 ? Ignorerait-il que les petits-fils des victimes d'Hiroshima et de Nagasaki refusent maintenant de ravitailler les navires de guerre de l'empire dans l'Océan pacifique? Ignorerait-il que la Chine achète massivement dans le monde entier et dans sa monnaie les grandes entreprises qui permettront à l'empire du Milieu de se débarrasser à toute allure de ses titanesques avoirs en dollars? Pourquoi le voyage de M. Barack Obama a-t-il été si mal préparé qu'il courait au désastre, sinon parce qu'il est aux abois dans son pays et qu'il lui fallait tenter une diversion qui a tourné à la catastrophe diplomatique?

Car l'Asie n'offre aucun contre-jeu planétaire à la Maison-Blanche. M. Barack Obama et M. Medvedev ont bien pu lancer un semblant d'appel commun à l'Iran au cours d'un séjour de M. Ahmedinejad en Amérique du Sud : personne n'a tenu compte d'un appel qui a permis, bien au contraire, au peuple des "Lettres persanes" de s' amuser des tours de passe passe auxquels la planète se voit livrée plus de deux siècles et demi après la mort de l'auteur de L'Esprit des lois. Téhéran n'a-t-il pas feint, lui aussi, et sur un ton gravissime, de mettre en garde le monde entier contre un fantasme dont l'usage était d'ordinaire inversé: voici que l'épouvantail nucléaire local aurait déménagé au cours de la nuit et serait allé dès potron minet installer ses marmites et ses maîtres queux à Tel-Aviv.

Observez bien cet endroit de la rivière : il présente à tous les regards un passage à gué de l'anthropologie à la simianthropologie. Quel retournement des leurres que les descendants du chimpanzé s'appliquaient à brandir depuis 1945! Alors qu'Israël faisait semblant de croire que son arme nucléaire à elle ne serait qu'arquebuse et chassepot face à la foudre des Perses, voici que Téhéran renverse tout subitement le tir et se tient les côtes de rire à son tour, voici que Téhéran lève les bras au ciel des matamores et dit à Israël : "Vois, nous n'avons de l'eau que jusqu'aux genoux. A quoi bon nous tenir en joue pour rien? L'apocalypse des singes nous renvoie aux arcs et aux flèches des armées de Cyrus ou d'Artaxerxès". Quelle titanesque comédie que celle d'un animalcule tout tremblant de ne savoir sur quelle planète installer des armes disproportionnées à sa taille ! Les mollahs sont devenus malicieux. Leurs Usbeck et leurs Rica prêtent une oreille attentive aux ténors de leur trépas et clignent de l'œil en direction des acteurs. " Décidément, disent-ils, les foudres de Jahvé sont aussi mouillées que les nôtres. Quand rangerons-nous notre foudre dans les arsenaux de nos délires. Mais comment nos belliqueuses simagrées nous feront-elles prêter l'oreille au bel canto de la mort?"

Car un empire guetté par sa poussière, c'est une autre chanson. Les grands Etats, eux, voient clair comme le jour que le capitalisme financier est une bulle de kérosène proche de l'explosion, les grands Etats, eux, se réjouissent de ce que le fonds monétaire international ait vendu récemment quelque quatre cents tonnes d'or afin de tenter de freiner la hausse inexorable du métal jaune; les grands Etats, eux, ont mis dare dare la main sur ce pactole. Car ils savent bien que rien n'arrêtera l'ascension du trésor du roi Midas. Certes, on entend encore, ici ou là, quelques rêveurs prétendre que la production industrielle retrouverait son élan. Mais aucun économiste digne de ce nom ne croit à une "sortie de la crise" mondiale. Chut, les grandes banques de la planète alertent secrètement leurs plus gros clients de l'imminence d'un effondrement financier global de notre astéroïde; chut, les banques asiatiques achètent de l'or à tour de bras; chut, Michael Moore sort sur les écrans du monde entier le premier film jamais produit sur l'effondrement mondial du capitalisme.

9 - Le crime médical est-il un crime contre l'humanité?

Gardez-vous, bonnes gens, d'écouter les clairons de la prospérité retrouvée. Comment une Amérique qui a perdu la maîtrise de son industrie des armes de guerre, comment une Amérique qui ne contrôle plus ses bourreaux et ses chambres de torture, comment une Amérique en perdition à Kaboul, comment une Amérique proche de s'enfuir d'Irak, comment une Amérique coupable du lancement sur le marché de la peur d'un virus de la grippe qu'elle a fabriqué de ses mains à seule fin de produire et de vendre des centaines de millions de doses d'un vaccin insuffisamment testé à la population des cinq continents, comment une Amérique qui a acheté à prix d'or la complicité des gouvernements démocratiques du monde entier afin d'interdire à leurs citoyens de se pourvoir en justice à la suite de leur empoisonnement éventuel par un faux remède, comment une Amérique qui a suscité l'indignation patriotique de quatre-vingt dix pour cent du corps médical français face aux escrocs planétaires de la santé publique, comment une Amérique qui n'a pas réussi à faire taire la Pologne qui, seule de tous les Etats du monde a osé dénoncer à la télévision un type nouveau de crime contre l'humanité, comment une telle Amérique, dis-je, obtiendra-t-elle longtemps encore le silence des agents d'influence au petit pied, qu'on appelle encore les "intellectuels français" et dont on prétend que leurs chromosomes contiendraient quelques traces du capital génétique de Descartes et de Voltaire?

Voyez comme la rébellion des peuples naît toujours de leur combat contre l'immoralité de leurs maîtres, voyez comme leur guerre contre l'indignité de leurs chefs arme le bras de leur justice: c'est parce que le peuple français de 1789 a jugé immoraux les privilèges de la noblesse, qui ne reposaient plus sur la vaillance de cette classe sociale sur les champs de bataille, mais seulement sur les droits héréditaires dont son arbre généalogique se targuait, que la nation s'est sentie serve de ses rois et qu'elle s'est faite vengeresse. Que va-t-il se passer si la démocratie mondiale périt du péché originel d'iniquité dont elle se nourrit?

10 - Les nouveaux embarras de l'agent d'influence

Un Continent que son immoralité contraint à se déplacer en chaise roulante n'opposera pas indéfiniment une fin de non-recevoir offusquée à la volonté de la Palestine de se proclamer un Etat souverain. Cette fois-ci, Israël échouera à brandir l'épouvante contrefaite de l'arme onirique dont disposera l'Iran longtemps après l'Inde et le Pakistan. Mais la fantasmagorie suicidaire - arrêtez-moi, ou je me volatilise avec vous dans l'atmosphère - n'est que jeux d'enfants dans un préau d'école: comment l'agent d'influence traiterait-il doctoralement de "l'émancipation du Vieux Monde" de la férule des Etats-Unis si toute la scolastique de la pseudo démocratie mondiale s'attache à interdire une prise de conscience publique de l'autre tragédie, celle qui s'annonce par "mille signes et présages"?

Car l'agent d'influence américain en France flotte entre deux eaux. Le président du CRIF, Richard Prasquier, peut écrire: "Que l'Etat du peuple juif

ait retrouvé sa souveraineté à Jérusalem, c'est le sursaut des espérances reconquises, une nouvelle dimension de notre existence, pour nous, les juifs." Rien de tel pour les fidèles de l'alliance des Etats-Unis et d'Israël . Mais si ces deux puissances s'effondrent de conserve, la petite entraînant la grande dans sa chute , comment évoquer l'émancipation de l'Europe ? Einstein prétendait que la stupidité humaine serait infinie. Sans doute l'auteur de la relativité générale éprouvait-il le besoin de loger l'absolu quelque part; mais il est absurde de supposer que la sottise de l'agent d'influence serait un Everest du haut duquel il verrait Israël rendre gentiment les territoires occupés, autoriser le retour des réfugiés et partager Jérusalem avec les aborigènes si seulement l'islam renonçait à une arme illusoire et diabolisée sur le modèle des foudres de l'Eglise du Moyen Age.

L'agent d'influence voit donc l'empire américain et Israël se précipiter ensemble dans le gouffre à la manière dont Ignace de Loyola décrivait la descente du genre humain vers les empires infernaux. Comment faire face à un si grand embarras doctrinal ? La première consigne de l'Eglise de la Liberté sera de paraître donner une parure sacerdotale rassurante à la théologie fatiguée de la "relation américano-européenne", qu'on qualifiera maintenant de "partenariat" gentillet et joliet, alors qu'on aura pris un soin tout ecclésial, comme il est dit plus haut, à soustraire d'avance les ouailles de la Liberté à tout examen sérieux de leur asservissement, celui dans lequel la vraie question est celle de l'occupation militaire perpétuelle du Vieux Monde et de la chute précipitée de l'empire dans un chaos politique irrémédiable.

Car le peuple le plus nationaliste de la terre, celui qui avait seul regimbé - il se refusait à acquitter le tribut à l'occupant romain et à rendre un culte idolâtre à une effigie de l'empereur dont l'exposition dans le temple de Jérusalem aurait souillé la pureté du culte de Jahvé - ce peuple né insoumis aux dieux de bois, de pierre ou de fer a été replacé dans son enclos d'autrefois après deux mille ans d'errance dans les sottes vapeurs de la supranationalité politique dont l'Europe est en train de croquer la pomme. Mais à peine a-t-il retrouvé ses arpents et sa propre effigie décorporée dans les plus hautes régions de l'air qu'il se démène comme un beau diable, à peine a-t-il flairé l'odeur les lieux qu'il casse les barreaux de son berceau. Décidément, ce diablotin n'en fait jamais qu'à sa tête, ce fauve brandit ses poings intacts contre tous ses voisins. Comment ses sauveurs canaliseront-ils l'énergie et la fureur avec lesquels ce lionceau prend, avec quelque retard, sa revanche sur les légions de Titus ? Pis que cela, c'est à pleines dents qu'il mord, lui aussi, dans la pomme de l'arbre dit "de la connaissance du Bien et du Mal" que la Démocratie a planté dans son jardin de la Liberté. Et voici que Jahvé apostrophe toutes les nations du monde : "Il y aura désormais deux Eden sur la terre, dit-il, le mien, qui produira en abondance les fruits de ma justice, l'autre dont les fruits seront l'œuvre du Démon."

Comment l'agent d'Israël s'appliquera-t-il à feindre d'ignorer les relations théologiques que les grands Etats entretiennent entre eux depuis les origines du monde?

11 - Une exégèse, textes en mains

Quel joli livre d'images coloriées à l'usage des démocraties séraphiques on mettra maintenant entre les mains des enfants ! "Pourquoi le lien transatlantique s'est-il affaibli depuis vingt ans? L'ennemi soviétique a disparu. La crainte hantait les Européens et les liait aux Américains. La guerre froide unissait, la paix sépare. Les désaccords peuvent s'exprimer sans dommage, puisque la cause commune fait défaut." Ah ! qu'en termes choisis ces choses-là sont dites!

Puis les poussins accourus en toute hâte au secours de leur bon maître en Afghanistan, puis en Iran présenteront, dans les écoles de la République, le tableau touchant de l'évangélisme inné qui inspirerait le genre humain au paradis des catéchistes de la démocratie planétaire: "Les Européens, émus par l'agression islamiste qui avait frappé New York, invoquèrent l'article 5 du traité de l'OTAN pour se ranger aux côtés de l'Amérique. Les Etats-Unis, obnubilés par l'outrage, ont d'abord négligé le ralliement européen."

Mais si l'Europe du "ralliement" des saints de la démocratie est censée avoir quitté motu proprio l'histoire apostolique du monde afin de "chasser les talibans d'Afghanistan" les armes à la main, comment laisserons-nous ignorer au Continent de la Liberté que les Etats-Unis ne se sont nullement rués sur l'Afghanistan afin d'y chercher une aiguille dans une botte de foin - un certain Bel Laden - mais en raison du revirement de cet Etat, qui, après avoir accordé à des sociétés américaines la construction d'un pipe-line qui aurait transporté l'or noir en provenance des champs pétrolifères de la mer Caspienne jusqu'à l'océan Indien, est revenu sur l'autorisation d'un enrichissemet gigantesque qu'il avait accordé à une puissance étrangère. Ce sont les sociétés pétrolières Unocal, Enron et Halliburton, dirigée par le vice-président des Etats-Unis Dick Cheney, qui avaient obtenu les droits exclusifs d'acheminement du gaz naturel du Turkménistan à travers l'Afghanistan et le Pakistan vers l'énorme centrale électrique à gaz naturel d'Enron à Dabhol près de Bombay.

12- " Vivre est une guerre " (Sénèque)

Non seulement les Jésuites des démocratie dichotomisées des modernes se verront contraints de s'opposer désormais à la puissance bicéphale de l'Amérique qu'ils auront soutenue depuis 1945, mais on les verra paraître se résigner à légitimer un réalisme politique imposé par le gigantesque bouleversement du rapport des forces issu de la chute du mur de Berlin. Certes, on commencera par minimiser l'évènement: "Les Etats-Unis détiennent à eux seuls 40 % de la puissance armée du globe et ils conservent la possibilité d'intervenir partout dans le monde. Les forces européennes ne sont pas comparables, bien que les Européens soient plus nombreux que les Américains. L'Europe seule ne peut donc se concevoir comme une puissance mondiale, et cela d'autant moins que, depuis la fin de la guerre froide, elle a réduit bien davantage que l'Amérique la part de ses dépenses militaires."

Que de réticences cachées! Comment un empire entretiendrait-il durablement plus de mille bases militaires sur la planète s'il ne disposait d'une monnaie fiduciaire planétarisée par les accords de Bretton Woods? Le budget du Pentagone a été porté à six cent quatre-vingt milliards de dollars cette année. La dette de l'Etat s'élève maintenant à plus de cinquante mille milliards de dollars. Qui ne voit que les agents d'influence du monde entier frémissent à la perspective d'un effondrement de la monnaie de l'empire qui entraînerait son effacement militaire de la surface du globe et le retour de mon maître biblique aux sables du désert?

C'est pourquoi l'agent déconfit associera timidement la légitimation de l'occupation militaire perpétuelle de l'Europe avec les cantilènes d'une dépendance désormais catéchisée du bout des lèvres, mais tenacement maintenue sous les dehors de la déploration: "Cette situation explique que, du côté européen comme du côté américain, la relation transatlantique paraisse affaiblie. Les Etats-Unis n'assurent plus la sécurité d'une Europe qui (…) n'a plus à redouter la Russie post-soviétique. L'alliance subsiste, mais l'OTAN, autrefois au coeur de la solidarité atlantique, est devenue un objet incertain qui lie les Etats-Unis, le Canada, différents pays européens et la Turquie."

Qu'est-ce qu'un "objet incertain"? Un "objet" affectif et qui prétendra que les relations entre les Etats seraient régies par la "solidarité", le souci de la "sécurité" et les liens sentimentaux entre les gouvernements. Monsieur Nicolas Sarkozy ne proclamait-il pas que M. Barack Obama était "son copain"?

Mais, voyez comme l'agent de la prétendue "solidarité atlantique" feindra maintenant de croire, la main sur le cœur, que le traité de Lisbonne pourrait non seulement "unir l'Europe", mais l'armer d'une volonté politique réelle, alors qu'il n'y aura évidemment jamais de "vues communes", c'est-à-dire de vision de l'avenir de la planète entre les Napolitains agenouillés devant leur fiole de saint Janvier et la Hollande, cette "colonie de l'Angleterre", comme disait le Général de Gaulle ou entre le Royaume-Uni et le Continent. Une île est une île, disait M. de la Palice. Les Britanniques ont appris cette évidence sous Jules César, Claude, Domitien, Guillaume le Conquérant, Charles Quint, Napoléon et Hitler. Quand bien même Londres serait-il tenté de recommencer une expérience négativement gravée dans le capital psychogénétique du peuple anglais, les liens que la City entretient avec banque fédérale américaine sont tels qu'ils interdisent toute tentative de participation politique à l'aventure européenne d'une Angleterre fière de son " splendide isolement " financier. En effet, ce furent, dès l'origine, les financiers de la City de Londres, menés par les Rotschild, qui conçurent et mirent sur pied la FED (Federal Reserve System), banque privée jouant le rôle de banque centrale des Etats-Unis et qui créèrent leur monnaie: le dollar. Celui-ci est la monnaie des banquiers privés de la FED et elle est gérée par eux.

Mais l'agent d'influence sait tout cela mieux que personne. Pourquoi feint-il d'ignorer que l'Histoire est une tragédie dont Sénèque disait: "Vivere militare est" - "La vie est une guerre?"

13 - L'intelligence politique perdue des ancêtres

Pour tenter de comprendre la dose de bonne foi qui soutient la démission intellectuelle de nombreux agents d'influence français, il faut peser la portée de la ratification du traité de Lisbonne et de sa prétendue "entrée en vigueur", tellement le principal bénéfice de ses pieuses dispositions est du moins d'exorciser le spectre d'une supra-nationalité fatalement acéphale et qui serait censée faire descendre du ciel d'une démocratie mondiale surveillée par Israël une assemblée de députés miraculés par l'onction et la droiture conjuguées de leur élection au suffrage universel. Comment le vote populaire serait-il contrôlé par un ciel des saints de la Liberté? Comment s'inspirerait-il spontanément d'une vision prophétique de l'avenir de l'Europe, alors que les hautes lucidités n'inspirent jamais que les grands chefs d'Etat - ceux qui, de Bolivar au Général de Gaulle, ont toujours pris un siècle d'avance sur leur temps?

Par bonheur, la France et l'Allemagne disposent désormais, du moins sur le papier, de la faculté minimale de mettre le moteur en marche à eux deux - tant pis pour les traînards. Mais il n'est pas sûr que ces deux nations parviendront dans un avenir raisonnable à initier une portion dite "significative" de l'élite politique de leur population aux secrets bien cachés des Machiavel de la géopolitique. Il est certain, en revanche, que si les Slovènes, les Lettons, les Lithuaniens, les Chypriotes, les Luxembourgeois ou les Maltais se révélaient soudainement métamorphosables en phalanges macédoniennes de l'Europe de demain, ce prodige ne servirait de rien, parce que les hommes de valeur n'ont jamais, hélas, que la taille des pays auxquels ils appartiennent et qui leur donnent leur "surmoi politique", comme dirait le Dr Freud: on ne fera jamais d'un Hongrois, d'un Slovaque, d'un Danois ou d'un Finlandais des interlocuteurs titanesque de la Chine ou des Etats-Unis. Aussi à peine entré en fonctions, M. Van Rompuy a-t-il dit: "J'attends avec impatience un coup de téléphone de M. Barack Obama."

Tout est dit : la hiérarchie actuelle entre l'Amérique et l'Europe entraîne une subordination spontanée de cette dernière. On accepte d'emblée une réalité censée aller de soi, mais qui n'est jamais que l'expression de la soumission des élites politique du Vieux Monde à l'air du temps. C'est au maître qu'il appartient de téléphoner à ses valets, non l'inverse.

14 - L'Europe des enfants

Si vous psychanalysez l'incapacité actuelle des Etats les plus peuplés du Vieux Monde eux-mêmes à doter leurs citoyens d'une vision à la fois réaliste et d'envergure du devenir de la planète, vous découvrirez que la cause principale du réflexe instinctif de subordination du petit Belge promu à une Présidence illusoire de l'Europe n'est autre que l'occupation perpétuelle du Continent par des troupes étrangères, parce que des vassaux même de forte taille, s'ils demeurent hérissés à demeure de garnisons venues d'au-delà des mers et qui s'expriment en une langue dont le gazouillis demeure inintelligible aux oreilles des autochtones, ces vassaux, dis-je, ne vont pas se coaliser contre leur maître vénéré, mais, au contraire, rivaliser avec ardeur entre eux, à la manière des petits enfants, dont l'espoir est seulement d'entretenir, chacun de son côté, des relations flatteuses à leurs yeux avec leur maître d'école à tous.

En revanche, si l'Europe des premiers de classe se défaisait de son protecteur et pédagogue, son retour à l'âge adulte serait quasiment instantané, tellement les vieux peuples savent que l'on quitte ses couches pour marcher tout seul sur ses deux jambes. Mais, comment les élites démocratiques actuelles de la France et de l'Allemagne forgeront-elles jamais les troupes de choc d'une raison informée et d'une lucidité politique d'avant-garde si, depuis trois quarts de siècle, les marmots du mythe de la Liberté dorment à poings fermés dans le berceau de leurs républiques grisées par le mythe de la Liberté?

Par bonheur, l'histoire est faite de violents électrochocs, par bonheur, les électrochocs de cent mille volts marient de force le réel et le symbolique.

- Pour une anthropologie transcendantale - Gaza et l'avenir de la pensée politique mondiale, 23 novembre 2009

Si l'Europe exprimait l'audace de demander tout de go aux Etats-Unis de ramener leurs troupes chez elles après une escapade de soixante-dix ans hors de leur territoire, un traumatisme aussi brutal des nourrissons briserait tout net leur propension culturelle non encore inscrite dans leur capital génétique à courtiser le substitut du Père éternel qu'ils se sont donné dès le berceau. Alors seulement le retour collectif à la réalité des orphelins de la lucidité politique dont jouissaient leurs arrière-grands parents les rassemblerait tout soudainement; et leur ralliement rapide aux affaires de ce bas-monde changerait la face de la terre. Mais si les électrochocs politiques sont les éveilleurs de la raison des peuples et des nations, encore faudra-t-il détecter l'enclume de leurs retrouvailles précipitées avec l'intelligence politique de leurs ancêtres.

15 - Les dieux nationaux et les dieux universels

C'est ici que l'anthropologie transcendantale rappelle une fois encore qu'il n'y aura jamais de psychanalyse de la servitude politique sans une connaissance rationnelle de l'inconscient religieux de l'histoire. Prenez la récente déclaration de M. Barack Obama à Pékin: "Les Etats-Unis veulent une Chine puissante et prospère". Qu'enseigne la spectrographie théologique de ce discours? Que le Président des Etats-Unis emprunte sans seulement s'en douter un langage inscrit depuis ses origines calvinistes dans la culture bénisseuse de cette nation: il appartient aux élus du ciel du Nouveau Monde, pense-t-il, d'octroyer une grâce souveraine à l'empire du Milieu, celle de lui souhaiter un heureux avènement de son règne et de sa gloire sur cette terre.

On sait que les présidents des Etats-Unis achèvent leurs discours annuels sur l'état de l'Union par l'invocation rituelle: "Que Dieu bénisse l'Amérique". Mais cette apostrophe au ciel de l'endroit mime le verbe du Créateur forgé à Genève au XVIe siècle. Elle se place à mi-chemin entre le vœu du dévot privilégié et l'objurgation comminatoire. Si Pékin répondait à la Maison Blanche avec une onction toute théologique à son tour: "Nous voulons une Amérique puissante et prospère", la presse d'outre-Atlantique lui répondrait sans doute: "Les acteurs européens attendent passivement que la salle veuille bien les applaudir à la chute du rideau. Chez nous, c'est d'un port fier de nos têtes que nous attendons du public qu'il accomplisse bruyamment son devoir à la fin de la représentation."

Et d'ajouter: "Notre puissance et notre gloire de prédestinés sont l'affaire de notre piété à nous, non celle de vos mandarins. Pourquoi empruntez-vous un ton de bénisseurs-nés à notre égard ? Qui vous autorise à afficher une allure de protecteurs appelés à bénir notre destin ? Seriez-vous de toute éternité les dépositaires et les dispensateurs de notre salut sur la terre?"

Mais l'espèce humaine est faite de fractions qui se diversifient au gré des territoires et à l'école des climats. C'est pourquoi Rome, après avoir importé des dieux grecs, n'a pas tardé à légiférer contre l'invasion de divinités étrangères venues d'Asie. Or tout empire devient un dieu universel à ses propres yeux. C'est donc à point nommé que la métamorphose de Jahvé en un souverain universel et, de surcroît, incarné, comme l'exigeait le réalisme romain, a permis à Rome de conserver longtemps son ubiquité, avec tout l'appareil théologique qui prolongeait son universalité territoriale. L'empire américain a témoigné du même processus: si son langage n'était pas devenu théologique, l'Amérique n'aurait pas accédé à un rang politique mondial.

Mais, de nos jours, il n'y a plus d'omniprésence et d'omnipotence politico-religieuse. C'est en vain que l'Amérique présente un partenariat tronqué et contrefait à la Russie, à la Chine et demain à l'Inde et à l'Amérique du Sud, parce qu'elle a oublié que tous les dieux sont inconsciemment nationaux sous leur apparat théologique universel. C'est la théologie de la grâce qui a changé l'Amérique en sosie de l' Olympe de saint Augustin.

Aussi longtemps que l'Europe n'aura pas de science de l'inconscient mythologique de l'histoire et de la politique, jamais elle ne descendra dans les coulisses des trois monothéismes et jamais elle n'osera demander tout à trac aux Etats-Unis de quitter les planches, parce qu'elle recevra toujours d'un autre la parole de bénédiction qui fait l'histoire. Telles sont les coulisses de la demande impatiente de M. Van Rompuy que M. Barack Obama veuille bien décrocher son téléphone.

Mais Confucius répond du tac au tac aux apôtres de leur propre gloire: "Occupez-vous de votre grandeur, à nous de nous occuper de la nôtre", parce que la Chine, elle, n'est pas marquée du sceau de l'universalité et de l'ubiquité des théologies du salut, de sorte que son réalisme garde les yeux grands ouverts sur la logique biaisée de la Maison Blanche.

16 - Le spectre de Talleyrand

Mais, encore une fois, comment forgerons-nous en Allemagne, en Italie, en Espagne le fer de lance d'une classe dirigeante adulte si nos élites politiques ignorent tout des ressorts anthropologique du sacré ? La France est retournée dans l'OTAN avec un bandeau sur les yeux. Par chance, elle se contente de humer les parfums qui montent des autels de la Liberté américaine. Ce luxe lui est permis du fait que, depuis quarante-sept ans, elle n'est plus occupée par les forces armées de l'étranger. Mais quand on ne partage plus le picotin de la servitude que mâchent ses voisins, comment tirer parti du réalisme chinois de la France ? Que faire de Mme Merkel, qui marie une grande énergie ménagère avec un cerveau attentif à ne pas quitter ses fourneaux des yeux? Que faire de M. Berlusconi, qui gère la dernière basse-cour de l'empire romain?

Je suggère que le spectre de Talleyrand vienne tenir au Nouveau Monde le discours des grands piégeurs du sacré. En 1814, c'est au nom de la légitimité théologique des monarchies que le Prince de Bénévent a défendu le droit à la souveraineté de droit divin de la nation de 1789 face à une Sainte Alliance coalisée contre le trône des Bourbons sur son sol. Pourquoi la France de la raison politique retrouvée du Vieux Monde ne dirait-elle pas à l'Amérique: "L'Europe vous rend grâces de lui avoir apporté le salut, l'Europe vous sait gré d'avoir, en outre, poursuivi votre sainte mission plus de vingt ans après la chute du mur de Berlin afin de consolider et de rendre indestructible votre Sainte Alliance avec la Liberté du monde. A l'heure de votre réembarquement, nos fleurs et nos couronnes vous disent notre impérissable gratitude pour les lauriers que vous avez récoltés chez nous. Nous vous souhaitons la puissance et la prospérité sur vos terres enfin si heureusement retrouvées ; et que votre Dieu vous bénisse."

30 novembre 2009