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Notre usine est un roman, suite !

Publié le 28 novembre 2009 par Ghyamphy

9782707154620.gif« A partir du moment où les actionnaires exigent des rendements de 15 % ou 16 %, cela devient incompatible, complètement incompatible, avec l’intérêt des salariés et des malades. Et c’est très simple à comprendre. Les médicaments par eux-mêmes ne peuvent pas d’un coup de baguette magique offrir 15 % quand ils n’en offraient que 5 % ou 8 % depuis 20 ans. Pour arriver au 15 % , les dirigeants qui sont tenus en laisse comme des esclaves par leur stock-options font le choix de sacrifier l’investissement, qui coûte aujourd’hui mais ne rapportera que dans trois, cinq ou dix ans, à une date où ils seront déjà partis. Ils condamnent l’avenir. Au lieu d’investir, on fusionne les entreprises et on supprime des sites en comptant sur les économies d’échelle : plutôt que d’avoir deux sites avec tous les services support qui vont avec – la maintenance, le courrier, les pompiers, l’infirmerie et tout çà-, on en ferme un, on transfère les chercheurs sur le site survivant et on met à la trappe presque tous les services support et quelques chercheurs par la même occasion. C’est ce qui s’est passé avec le site de Romainville, qui a disparu au profit de du survivant : Vitry. Economies d’échelles, c’est le nom élégant pour diminution de la masse salariale. A défaut de pouvoir augmenter les recettes avec des médicaments innovants, on réduit les dépenses pour qu’au final le profit des actionnaires soit maintenu. C’est scier la branche sur laquelle on est assis et même tuer l’arbre qui nous fait grandir. Parce que l’industrie pharmaceutique ne peut pas garantir des taux à 185 % ou 16 % comme elle les a produits ces dernières années tout en garantissant des médicaments pour un maximum de patients et de pathologies. C’est impossible. Il faut que les actionnaires ouvrent les yeux. Au passage, les marketeurs, dont je te parlais tout à l’heure, ce sont les petites mains des actionnaires, leurs fils de marionnettes sont tirés par eux.

L’autre conséquence est la focalisation sur les seuls médicaments destinés aux maladies longues et coûteuses, que peuvent se payer des patients riches et solvables : cancer des riches, obésité des riches, maladies cardio-vasculaires des riches. C’est pour çà que les habitants des pays pauvres comme les pays africains crèvent alors qu’on pourrait les sauver. C’est pour çà que les habitants des pays riches comme le nôtre vont connaître une catastrophe sanitaire quand ils seront attaqués par une bactérie virulente devenue résistante aux antibiotiques existants. Comme les labos ont fermé leurs centres de recherche en antibiothérapie, il faudra des années pour récupérer le savoir-faire, connaître et comprendre les bactéries. Romainville était un centre d’excellence en antibiothérapie, un des meilleurs en Europe, peut être le meilleur.

Ce n’est pas du catastrophisme, c’est un risque identifié, connu, sérieux . »

Extrait de Notre usine est un roman, Sylvain Rossignol aux Editions La Découverte / Poche, 2009


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LES COMMENTAIRES (1)

Par RU
posté le 16 mars à 10:04
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Samedi 27 Mars à Langres, la première de la pièce "USINE/ROMAN", inspirée du livre "Notre usine est un roman"

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