Facturation électronique : quel cadre légal ?

Publié le 28 novembre 2009 par Eskifar
On parle de plus en plus de la dématérialisation des factures mais quelle est la législation en vigueur concernant ces factures électroniques ?
A terme, on estime que les factures papiers devraient disparaître au profit de la facturation électronique. Actuellement, on estime le coût du traitement d'une facture sortante d'environ 8 à 10 euros et celui d'une facture sortante d'environ 10 à 15 euros. Avec l'utilisation de factures dématérialisées, ce coût pourrait être divisé par deux. Un traitement électronique permet également de réduire les coûts liés au contestations et d'alléger le processus. De plus, le cycle envoi - réception - paiement peut être fiabilisé et le recouvrement accéléré, ce qui induit un gain significatif dans la trésorerie. Tout ceci, sans compter l'impact environnemental en terme de CO2.

En Belgique, on compte chaque année près d'un milliard de factures papiers émises, dont plus de la moitié sont destinées à des entreprises ou aux autorités publiques. Le gain estimé par l'utilisation de factures dématérialisées s'élève à 3,5 milliards d'euros pour la Belgique et pas moins de 240 milliards d'euros pour l'ensemble de l'Union Européenne.

Si les avantages sont nombreux, les entreprises restent encore frileuses par rapport aux factures électronique, notamment en raison du cadre juridique encore assez flou.
Revenons donc, pour la Belgique, sur la législation en vigueur.

Le cadre juridique de la facturation électronique est défini par la loi du 28 janvier 2004 modifiant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée, qui transpose à la loi belge la directive 2001/115/CE du Conseil du 20 décembre 2001, aux articles suivant :

Art. 11 2°

Il est inséré à la place du § 3 qui devient le § 4, un § 3, nouveau, rédigé comme suit :
"§ 3. Toutes les factures délivrées par les assujettis, soit par eux-mêmes, soit en leur nom et pour leur compte par leur cocontractant ou par un tiers, ainsi que toutes les factures qu'ils ont reçues, doivent être conservées sur le territoire belge. Les factures qui sont conservées par voie électronique garantissant en Belgique un accès complet et en ligne aux données concernées peuvent toutefois être conservées dans un autre Etat membre de la Communauté à condition que l'administration qui a la taxe sur la valeur ajoutée dans ses attributions en soit informée au préalable. L'authenticité de l'origine et l'intégrité du contenu des factures, ainsi que leur lisibilité, doivent être garanties durant toute la période de conservation. Les factures doivent être conservées sous la forme originale, papier ou électronique, sous laquelle elles ont été reçues. Pour les factures qui sont conservées par voie électronique, les données garantissant l'authenticité de l'origine et l'intégrité du contenu de chaque facture doivent également être conservées. On entend par conservation d'une facture par voie électronique, une conservation effectuée au moyen d'équipements électroniques de conservation de données y compris la compression numérique."
Art. 12 2°
Dans le § 1er, les alinéas suivants sont insérés entre les alinéas 2 et 3 : "Tout assujetti qui conserve les factures qu'il délivre ou qu'il reçoit par une voie électronique garantissant en Belgique un accès en ligne aux données et dont le lieu de conservation est situé dans un autre Etat membre, est tenu d'assurer aux agents de l'administration qui a la taxe sur la valeur ajoutée dans ses attributions, à des fins de contrôle, un droit d'accès par voie électronique, de téléchargement et d'utilisation en ce qui concerne ces factures.[...]"
Un arrêté royal du 16 février 2004 vient également apporter quelques modifications à l'arrêté royal n° 1 du 29 décembre 1992 relatif aux mesures tendant à assurer le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée.
Art. 1
b) le § 2 est remplacé par la disposition suivante :
"§ 2. Les factures visées à l'article 53, § 2, du Code ou qui sont délivrées en application du § 1er peuvent être transmises sur un support papier ou, sous réserve de l'acceptation du cocontractant, par voie électronique.";
c) il est inséré un § 3, rédigé comme suit : "§ 3. Les factures transmises par voie électronique sont acceptées par l'administration à condition que l'authenticité de leur origine et l'intégrité de leur contenu soient garanties : - soit au moyen d'une signature électronique avancée qui satisfait aux exigences suivantes : a) être liée uniquement au signataire, b) permettre d'identifier le signataire, c) être créée par des moyens que le signataire puisse garder sous contrôle exclusif, d) être liée aux données auxquelles elle se rapporte de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable; - soit au moyen d'un échange de données informatisées conforme au standard EDI lorsque l'accord entre les parties relatif à cet échange prévoit l'utilisation de procédures garantissant l'authenticité de l'origine et l'intégrité des données. Le Ministre des Finances ou son délégué peuvent en outre prévoir des conditions spécifiques autres que celles prévues à l'alinéa 1er lorsque la transmission par voie électronique de factures relatives à des livraisons de biens ou des prestations de services effectuées en Belgique, s'opère à partir d'un pays non membre de la Communauté. "; d) il est complété par un § 4, rédigé comme suit : "§ 4. Le Ministre des Finances ou son délégué peuvent accepter que la transmission des factures par voie électronique s'opère selon d'autres méthodes que celles prévues au § 3 pour autant que l'authenticité de leur origine et l'intégrité de leur contenu soient garanties."
 
Art. 14 16°
il est inséré un § 3, rédigé comme suit :
"§ 3. Dans le cas de lots comprenant plusieurs factures transmises par voie électronique au même cocontractant, les mentions communes aux différentes factures peuvent être reprises une seule fois dans la mesure où, pour chaque facture, la totalité de l'information est accessible."
 
Une circulaire de l'Administration TVA vient compléter cette loi et ces arrêtés royaux, afin de lever certaines inquiétudes concernant la facturation électronique. Il s'agit de la Circulaire n° AFER 16/2008 - E.T.112.081 - dd. 13.05.2008. Cette circulaire étant assez longue, je vous renvoie à la page de la Circulaire sur le site du SPF Finance. Voici toutefois l'introduction :
CHAPITRE I : INTRODUCTION

En vue de simplifier, moderniser et harmoniser les conditions applicables en matière de facturation dans le cadre de la taxe sur la valeur ajoutée, le Conseil de l'Union européenne a adopté la Directive 2001/115/CE du 20 décembre 2001 modifiant la Directive 77/388/CEE (sixième Directive) (1).
[1. Cette Directive a été remplacée par la Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée à partir du 1er janvier 2007. La nouvelle Directive 2006/112/CE est d'application à partir de cette date. Les références à la directive remplacée valent comme références à la nouvelle directive et sont lues suivant le tableau de concordance annexé à la nouvelle directive. ]
Cette Directive prévoit notamment que chaque assujetti doit veiller à ce que soient stockées des copies des factures émises par lui-même, par son client ou, en son nom et pour son compte, par un tiers, ainsi que toutes les factures qu'il a reçues.
L'authenticité de l'origine et l'intégrité du contenu de ces factures, ainsi que leur lisibilité, doivent être assurées durant toute la période de stockage. Afin de garantir le respect de ces conditions, les Etats membres peuvent imposer que les factures soient stockées sous la forme originale - papier ou électronique - sous laquelle elles ont été transmises, et que lorsque les factures sont transmises par voie électronique, les données garantissant l'authenticité de l'origine et l'intégrité du contenu de chaque facture soient également stockées.
En outre, les Etats membres peuvent, aux conditions qu'ils fixent, prévoir une obligation de stockage des factures reçues par des personnes non assujetties. 
Aux fins de ce qui précède, on entend par transmission et stockage d'une facture par "voie électronique" une transmission ou une mise à disposition du destinataire et un stockage effectués au moyen d'équipements électroniques de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage des données, et en utilisant le fil, la radio, les moyens optiques ou d'autres moyens électromagnétiques. 
 
Comme nous l'avons vu avant, ces lois sont l'application en droit belge de Directives européennes. La Directive d'application aujourd'hui est la Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée à partir du 1er janvier 2007. Titre XI, Chapitre 3 Facturation, section 5 Transmission des factures par voie électronique
 
Article 232 Les factures émises en application des dispositions de la section 2 peuvent être transmises sur un support papier ou, sous réserve de l'acceptation du destinataire, transmises ou mises à disposition par voie électronique.
 
Article 233 1. Les factures transmises ou mises à disposition par voie électronique sont acceptées par les États membres à condition que l'authenticité de leur origine et l'intégrité de leur contenu soient garanties au moyen de l'une des méthodes suivantes : a) au moyen d'une signature électronique avancée au sens de l'article 2, point 2), de la directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques; b) au moyen d'un échange de données informatisées (EDI) tel que défini à l'article 2 de la recommandation 1994/820/CE de la Commission du 19 octobre 1994 concernant les aspects juridiques de l'échange de données informatisées (2) lorsque l'accord relatif à cet échange prévoit l'utilisation de procédures garantissant l'authenticité de l'origine et l'intégrité des données. Les factures peuvent, toutefois, être transmises ou mises à disposition par voie électronique selon d'autres méthodes, sous réserve de leur acceptation par le ou les États membres concernés. 2. Aux fins du paragraphe 1, premier alinéa, point a), les États membres peuvent en outre demander que la signature électronique avancée soit fondée sur un certificat qualifié et créée par un dispositif sécurisé de création de signature au sens de l'article 2, points 6) et 10), de la directive 1999/93/CE. 3. Aux fins du paragraphe 1, premier alinéa, point b), les États membres peuvent en outre, sous réserve de conditions qu'ils fixent, exiger qu'un document récapitulatif supplémentaire soit transmis sur papier.
 
Article 234 Les États membres ne peuvent imposer aux assujettis effectuant des livraisons de biens ou des prestations de services sur leur territoire aucune autre obligation ou formalité relative à l'utilisation d'un système de transmission ou de mise à disposition de factures par voie électronique.
 
Article 235 Les États membres peuvent fixer des conditions spécifiques pour l'émission par voie électronique de factures relatives à des livraisons de biens ou des prestations de services effectuées sur leur territoire, à partir d'un pays avec lequel il n'existe aucun instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 76/308/CEE et par le règlement (CE) n° 1798/2003.
Article 236
Dans le cas de lots comprenant plusieurs factures transmises au même destinataire ou mises à sa disposition par voie électronique, les mentions communes aux différentes factures peuvent figurer une seule fois dans la mesure où, pour chaque facture, la totalité de l'information est accessible.
Article 237
La Commission présente, au plus tard le 31 décembre 2008, un rapport accompagné, le cas échéant, d'une proposition modifiant les conditions applicables à la facturation électronique afin de tenir compte de l'évolution technologique future dans ce domaine.
Titre XI, Chapitre 4 Comptabilité, section 4 Droit d'accès aux factures stockées par voie électronique dans un autre État membre
Article 249 Lorsqu'un assujetti stocke les factures qu'il émet ou qu'il reçoit par une voie électronique garantissant un accès en ligne aux données et que le lieu de stockage est situé dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi, les autorités compétentes de l'État membre dans lequel il est établi ont, aux fins de la présente directive, le droit d'accéder à ces factures par voie électronique, de les télécharger et de les utiliser, dans les limites fixées par la réglementation de l'État membre d'établissement de l'assujetti et dans la mesure où cela leur est nécessaire aux fins de contrôle. En résumé, voici les réponses aux questions principales concernant la facturation électronique :
Qui peut émettre une facture électronique ?

Tout assujetti qui effectue des livraisons de biens ou des prestations de services est tenu de délivrer une facture à son cocontractant. Celle-ci peut être sous format électronique à la condition que le cocontractant ait accepté qu'elle soit dématérialisée. (voir Art. 1 b) de l'A.R. du 16 février 2004) Peut-on envoyer une facture sous format .pdf ?
Pour répondre à cette question, il faut tout d'abord distinguer le type de relation : B-to-B : comme l'indique l'article 1 c) et d) de l'A.R. du 16 février 2004, la facture électronique ne sera reconnue par l'administration fiscale que si elle est conforme à la réglementation, que son origine et son authenticité et l'intégrité de son contenu sont reconnus. Afin d'établir ces derniers, il faudra donc faire appel à un intermédiaire agréé par les autorités. La transmission d'un fichier .pdf, qui ne possède pas de certificat, est donc fortement déconseillée puisqu'elle pourra être refusée par l'administration TVA qui pourra dès lors refuser la déduction de la TVA.  B-to-C : cette relation s'adressant à un consommateur final, aucune déduction de TVA ne sera applicable. Dès lors que le client accepte de recevoir des factures électroniques et qu'il est convenu d'un envoi au format non-certifié .pdf, cela ne pose aucun problème. Le client peut toutefois, à tout moment, exiger l'exemplaire papier de sa facture. Quels sont les éléments permettant d'émettre une facture valable ?
  1. Une signature électronique avancée. La Belgique n'a pas retenu la faculté offerte par le texte européen d'exiger que la signature électronique repose sur un certificat électronique qualifié. Il s'agit donc d'une signature électronique qui :
    1. est liée uniquement au signataire,
    2. permet l'identification du signataire,
    3. est créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif,
    4. est liée aux données auxquelles elle se rapporte de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectée;
  2. Un échange de données informatisées (EDI), à condition que l'échange de données soit conforme au standard EDI et que l'accord entre les parties relatif à cet échange prévoie l'utilisation de procédures garantissant l'authenticité de l'origine et l'intégrité des données. Lorsque la transmission de factures électroniques relatives à des livraisons de biens ou des prestations de services effectuées en Belgique s'opère à partir d'un pays non membre de la Communauté, le ministre des Finances ou son délégué peuvent prévoir d'autres conditions spécifiques applicables à la signature ou à l'EDI;
  3. D'autres méthodes acceptées par le ministre des Finances ou son délégué. La Belgique qui a opté pour la voie de la souplesse en permettant au ministre d'agréer des prestataires spécialisés qui proposeront d'autres méthodes de sécurisation, va donc plus loin que certains états en prévoyant dès à présent la troisième voie proposée par le texte européen.
(voir Art. 1 c) de l'A.R. du 16 février 2004) Combien de temps faut-il conserver les factures électronique ?
 
Pour ce point, l'archivage des factures dématérialisées ne diffère pas des factures papier : l'archivage doit être assuré pendant une durée d'au moins 7 ans à partir du 1er janvier qui suit la date de la facture. A noter que cette responsabilité incombe directement à l'émetteur qui doit répondre de toute irrégularité, même s'il a autorisé le cocontractant à pratiquer l'autofacturation (en Belgique, chaque facture doit faire l'objet d'une procédure d'acceptation par l'assujetti) ou a fait appel à un sous-traitant. Comme l'indique les articles 11 2° et 12 2° de la loi du 28 janvier 2004, les factures électronique peuvent être conservées dans un autre pays de l'Union pour autant que l'Administration fiscale en soit informée et qu'elle puisse à tout moment y avoir accès directement depuis la Belgique. Sous quelle forme conserver les factures électroniques ?
 
Une facture électronique ne peut absolument pas être archivée à des fins administratives sous forme papier, aucune valeur fiscale n'étant accordée à cette dernière. Elle doit en effet être conservée sous sa forme originale, y compris les données garantissant l'authenticité de l'origine et l'intégrité de son contenu. Par conséquent, toute entreprise qui accepte de recevoir des factures électroniques doit être absolument en mesure d'archiver numériquement les factures de façon conforme sur le plan fiscal. Par contre, depuis 2005, une facture papier peut être archivée sous forme exclusivement électronique, moyennant la mise en œuvre d'une procédure d'archivage électronique agréée. Une entreprise peut dès lors être amenée à disposer de deux types d'archives de factures sortantes: des factures électroniques et des factures papier adressées à des clients ayant refusé de recevoir des factures électroniques. Il en est de même pour les factures entrantes. Bien entendu, une même facture ne sera archivée que sous une seule forme, même si 2 formes d'archivage coexistent. Le scannage ne peut être effectué qu'après la procédure de traitement administrative (avec conservation des cachets et/ou annotations de contrôle interne). A noter que l'administration de la TVA exige, à des fins de contrôle (comparaison entre l'original et l'image obtenue selon le procédé de scanning), que les factures papier originales, si elles existent, soient encore conservées durant un mois à partir de la date de scanning, avant destruction.