Seul dans sa chambre, une misérable pièce louée quelques sous dans une maison sordide de la périphérie de Stridon en Dalmatie, Jérôme était penché sur ses vieux livres. Jour et nuit il se consacrait à son grand œuvre, sacrifiant tout son temps et son peu d'argent à sa rédaction. Toute la journée il furetait chez les bouquinistes et dans les bibliothèques à la recherche de textes qui lui auraient échappé. Parfois il récoltait des informations verbales de vieux sages ou fous, selon le degré de crédibilité que l'on accordait à leurs propos, qu'il s'empressait de consigner d'un geste sûr de son calame sur des parchemins usagés.
Une fois, un riche négociant en vins, l'avait invité chez lui pour discuter de son projet. Lui-même en connaissait un rayon sur le sujet et n'avait pas hésité à ponctuer ses dires d'exercices pratiques tout en partageant quelques coupes de breuvages exotiques avec Jérôme qui avait bien du mal à recueillir par écrit toutes les précisions techniques déballées dans un ordre incertain et de plus en plus désordonné au fur et à mesure que les amphores se vidaient.
Ce soir dans sa mansarde, à la pauvre lumière de la lune, en compagnie de Tobby, un crâne trouvé dans un chemin creux aux abords de la ville et qu'il conservait sur sa table de travail comme presse-papier, il relisait son manuscrit y apportant les dernières corrections. Sa barbe avait blanchie, s'allongeant proportionnellement à la perte de ses cheveux, son temps était compté mais l'aboutissement de son étude à portée de main. Demain il révèlerait au monde ses travaux, tous se délecteront de son Anthologie du Pet, ce Jérôme était un sacré rigolo.
Saint Jérôme écrivant Huile sur toile 112x157cm de Caravage. Rome Galerie Borghèse.