“L’union des représentants de la Résistance pour l’action dans le présent et dans l’avenir, dans l’intérêt supérieur de la patrie, doit être pour tous les Français un gage de confiance et un stimulant. Elle doit les inciter à éliminer tout esprit de particularisme, tout ferment de division qui pourrait freiner leur action et ne servir que l’ennemi.” – LE CONSEIL NATIONAL DE LA RÉSISTANCE
Faire table rase du passé. D. Kessler*, figure influente du patronat français se réjouissait lorsque N. Sarkozy accédait à la présidence de la République. La promesse de mise en coupe réglée du consensus établi au Conseil National de la Résistance (CNR). Fondement du modèle social français, il constitue, pour les chantres de la mondialisation, une plateforme dont il faut nécessairement se soustraire pour rentrer de plain-pied dans l’économie globalisée. Les petits apprentis du libéralisme oublient que l’assentiment national de l’époque avait une portée philosophique et sociale. Des domaines de plus en plus étrangers aux frénétiques de la marchandisation du monde.
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le patronat essentiellement collaborationniste a, bon gré, mal gré accepté le large consensus du CNR. Les gaullistes évitèrent l’hypothèse de la République soviétique, les communistes instillèrent des avancées conséquentes, crédibilisant leur mouvement. En creux, la mise à l’écart de l’extrême droite dans la gestion des affaires du pays. L’instauration tacite d’un accord national démocratique de salubrité pour éviter de remettre dans le circuit de l’administration française les tenants d’une idéologie méphitique.
En 2007, N. Sarkozy accède à la plus haute fonction de l’État en singeant le programme du Front National, parti d’extrême droite xénophobe. Ce n’est pas (seulement) une rupture économique, mais historique que la droite française opère. Finies les oeillades discrètes aux classes populaires frontistes, finis les dérapages contrôlés, la droite classique donne aujourd’hui dans la xénophobie ordinaire, l’abjection d’État. Décomplexée dans son bourrage de charters et dans son exhibitionnisme nationaliste et identitaire, l’administration trahit sa glorieuse mémoire. Elle plonge la France dans la fange.
Quand le volet économique de la rupture rencontre un écueil, la rupture politique continue. En ce domaine rien ne peut l’arrêter. Pas de crise économique pour démontrer que le système est inepte. Le gouvernement joue à fond la haine reptilienne de l’autre. Et ce ne sont pas les micro-manifestations de la CIMADE, de RESF et d’autres qui démontreront l’inhumanité du régime qui sévit.
Kessler et les dominants qu’il représente mesurent la portée des régressions. Il est peu probable que leurs godillots médiatiques soient à la même enseigne. Que dire alors des citoyens noyés sous la nécessité de modernité, d’efficience productiviste pour les besoins de la compétitivité commerciale globalisée . Si en trois ans de règne sarkozyste, le programme économique du CNR a continué régulièrement de perdre des plumes, on ne peut en dire autant de l’universalisme de son message. De ce qui faisait le rapport à l’autre et du bannissement de la bête immonde fascisante. Et là se situent la rétrogression massive, l’abaissement national. La tache indélébile qu’une génération de citoyens, de commentateurs, d’élus contemplent sidérés et atones.
*D. Kessler, ancien vice-président du MEDEF, a déclaré dans le magazine Challenges (4 octobre 2007) qu’il fallait “défaire méthodiquement le programme du CNR” en précisant : “le gouvernement s’y emploie”.
Vogelsong – 28 novembre 2009 – Paris