Magazine Culture

Qu’est ce que l’authenticité ?

Publié le 28 novembre 2009 par Www.streetblogger.fr

Issue de secours

On a souvent entendu l’un ou l’autre rappeur s’exclamer qu’il était resté authentique, en suivant les américains qui truffaient leurs chansons de Keepin’ it real, I’m real etc., jusqu’à ce qu’une antinomie du hip hop comme la starlette qui s’est récemment vautrée en public fasse une chanson éponyme avec Ja Rule en featuring. Même si l’exemple date un peu, il n’est qu’un des nombreux exemples qui permettent de revenir à un débat qui reste, de mon point de vue, largement ouvert.

Qu’un Dee Jay de Dance Music connu sur le plan hexagonal devienne le nouveau phénomène avec lequel, outre-Atlantique, les « artistes » (certains sont plus des faiseurs de sonneries de portables) veulent absolument produire un son, ça sent bon l’arrangement entre maisons de disques. D’ailleurs est-il toujours opportun de parler de maisons de disques et non de consortiums économico-culturels ?

Je crois que des « artistes » de la nouvelle scène française, comme par exemple Olivia Ruiz, voient parfaitement de quoi je veux parler. Bientôt, après avoir sorti un album (qu’on vendra sur cinq ans en sortant aussi tous les morceaux en single) sur un label ou une maison appartenant à l’un de ces groupes économico-culturels, on fera sa promo sur une radio et une chaîne télévisée appartenant à ce même groupe, dans la foulée on écrira (ou on fera écrire c’est à mon avis plus souvent le cas) une autobiographie ou un roman édité par une maison d’édition appartenant au même groupe, bien sur on en fera la promotion par le même canal utilisé pour vendre (le plus important !) l’album, on finira par faire des concerts à guichets fermés exclusivement pour les salariés du groupe en question.

Difficile de s’y retrouver dans cette espèce de confusion des talents (c’est un autre débat que de définir en quoi exactement consiste le talent, savoir vendre son image ou exprimer une opinion avec brio par un moyen relevant des arts) et des genres.

Certains clips de rappeurs, principalement outre-Atlantique, illustrent parfaitement la tendance du tout commercial ou du tout économique en ne devenant plus que des publicités à peine déguisées pour diverses marques de montres, bijoux, téléphones et voitures. La couleur des billets qu’on palpe pour un contrat d’artiste ou un contrat de publicité (voire un contrat d’artiste de publicité) est finalement la seule chose qui demeure authentique.

Cela m’amène à m’interroger sur la fonction de l’artiste, même si le cadre paraît ambitieux pour un billet d’humeur de quelques lignes, je me concentrerais toutefois sur un seul d’entre tous les gens qui peuvent se sentir plus ou moins concernés par cette fonction, à savoir le MC.

Il me semblait qu’avant d’être un VRP, après s’être fait parfois pornographe et assassin à la petite semaine doublé d’un ignorant, le MC était un être (femme ou homme, je précise puisque même les marionnettes peuvent être des MC et je ne parle pas de Vanilla Ice) doté d’une pensée (et oui c’est un terme qui est toujours dans le dictionnaire, à défaut d’être porté par les individus), c'est-à-dire d’un point de vue réfléchi et d’une capacité à l’exprimer.

La rage de dire habitait le MC et c’est elle, en plus d’un bon beat, qui faisait que les oreilles attrapées par le groove forçaient le reste du corps à s’immobiliser dans un premier temps, puis laissaient seule la tête remuer de bas en haut, en rythme, comme si le cerveau se penchait pour ramasser une rime et se relevait pour être sûr de bien la fourrer au fond de ses synapses, avant de recommencer l’opération jusqu’à la fin du morceau et garder les neurones excitées jusqu’au prochain.

Il y a longtemps que le MC n’est plus habité que par la rage du ventre (marre du poulet ED faut pas déconner, je veux acheter celui de chez Fauchon), il s’est transformé en crevard prêt à manger à tous les râteliers, prêt à endosser tous les discours même les plus insignifiants (on en sort plus de la fesse, de la fumette et des gens prêts à faire un génocide avec une fourchette pour se payer une merco).

Il ne s’agit pas de dire que seuls les MC engagés politiquement ou socialement devraient avoir voix au chapitre (le premier titre de rap à être sorti est le Rapper’s Delight de Sugar Hill Gang avant que Grand Master Flash avec The Message ne fasse ressortir l’aspect social qui dominera le genre), je dis simplement à tous les illettrés au ventre vide dont on nous rebat les oreilles, d’au moins faire l’effort d’apprendre à écrire (c’est pas aussi dur que réfléchir et ce n’est pas parce que la musique est pauvre que le verbe doit être indigent), avant de polluer les ondes en clamant une authenticité qui n’est, au mieux, qu’un argument commercial comme un autre.

Chris Rock montre assez bien dans le film CB4 que la question de l’authenticité en est en fait une truquée dès le départ. Si ce mot avait une réalité immédiatement saisissable, c'est-à-dire objective, autre que sémantique, le « vrai » afro-américain serait alors un maquereau qui à l’occasion deale un peu de crack pour survivre, et passerait son temps à se défoncer en admirant son flingue au volant de sa grosse caisse ?

A mon avis une question bien plus pertinente que celle d’être soi-disant « vrai » ou « authentique » serait de savoir l’orientation que l’on va donner à son talent quand le diable dollar va se mêler de la partie, parce qu’il n’est d’ailleurs pas un diable mais le dieu omniprésent et omnipotent de ce monde.

PS : mon opinion ne concerne évidemment pas les MC qui ont encore une éthique et conséquemment ne sont pas ou peu représentés dans les voies commerciales impénétrables du dieu sus-cité.

Merci à Guillaume Laborde pour l’illustration, vous pouvez voir son travail sur ses deux sites :

http://gallery.me.com/g.lab#100056
http://web.me.com/g.lab/iWeb/lovespace/Bienvenue.html


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Www.streetblogger.fr 2071 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines