Quels sens utilise-t-on pour comprendre quelqu’un qui parle ? L’ouïe évidemment. La vue aussi si l’on s’aide du mouvement des lèvres. Mais pas seulement. Selon des chercheurs américains, la perception du langage passerait également par le toucher. Tous les sons ne sont pas égaux en la matière. Selon Bryan Gick et Donald Derrick, en prononçant certains sons comme “pa” ou “ta”, les lèvres expulsent une bouffée d’air. Bien que faible, cette turbulence est perçue par le destinataire du discours.
Dans le compte-rendu de leurs travaux publié dans la revue Nature, MM. Gick et Derrick estiment que le “récepteur d’un discours oral intègre les informations tactiles sans entraînement particulier (…) de la même façon qu’il intègre les informations visuelles”. La perception de ce courant d’air par les mécanorecepteurs de la peau permet au destinataire de faire la différence entre des sons proches mais pourtant distincts, comme “pa” et “ba” ou “ta” et “da”.
Pour le prouver, les auteurs ont mené l’expérience suivante. Ils ont fait écouter à des cobayes ces sons ; “pa” et “ba” pour un premier groupe et “ta” et “da” pour un second. Ils ont utilisé un petit tuyau envoyant de l’air sur la main ou le cou du cobaye. Le courant d’air était si faible que la plupart des participants – les yeux bandés – ne s’en sont même pas aperçu.
Les scientifiques ont activé ce courant d’air tantôt de manière appropriée (”pa” et “da”) et tantôt de manière inappropriée. Ils ont ensuite demandé à leurs cobayes d’identifier le son qu’ils avaient perçu, au moyen d’un bouton.
Sans air, 30 à 40 % des participants ont confondu le “pa” et le “ba”. A l’inverse, quand l’air était activé au mauvais moment – au moment d’un “da” ou un “ba” – seuls 10 % des particpants ont correctement identifié le son, contre 80 % sans air.
Pour les auteurs, cette étude tend à montrer que la perception du langage se fait d’une manière plus complexe qu’il n’y paraissait. Ils espèrent que ces premières recherches seront suivies d’autres plus appronfondies pour améliorer “les télécommunications” et aider les durs d’oreille à communiquer.
Photo : Grant MacDonald