Printemps des poètes 2010 – « Couleur femme » (17)
HÔPITAL
Il flotte une odeur de désinfectant de tristesse et d’espoir meurtri
des voix s’élèvent dans les couloirs sans briser le silence
un tunnel de lumière blafarde aspire celui qui est couché sur le lit aux montants métalliques
Une parenthèse s’est ouverte dans la vie ordinaire dont on ne sait quand elle se refermera
si elle se refermera
L’esprit flotte au-dessus du corps
la goutte qui tombe dans les veines scande un temps de passivité et d’attente
un temps inhumain
Et puis il y a la nuit
la pensée s’affole tourne et retourne sur une même note d’angoisse
des lumières tremblent au loin derrière la vitre sale
des phares traversent un espace auquel on n’a pas droit auquel on s’interdit superstitieusement de penser qu’on aura droit à nouveau
parce qu’on est nu
qu’on a déposé les armes du maquillage et du vêtement de ville
parce qu’on se confond avec un numéro de chambre ou le nom d’une maladie
Et puis il y a la nuit fangeuse à traverser et l’on atteint épuisé la rive
bruits de chariots
odeur de café insipide
ersatz de vie
Ni les êtres qui lui sont le plus chers
ni les projets auxquels il croyait tenir ne rattachent le malade au monde
Il dérive au rythme lent du liquide qui s’écoule dans les tuyaux
Demain ne sera plus jamais un autre jour mais le même encore moins lumineux et plus vacillant
Et soudain elle pense au bain matinal l’été quand les tourterelles roucoulent dans les pins et que les mouettes tournent en piaillant au-dessus du bateau de pêche qui rentre au port
elle pense à la chaleur des galets aux cris des enfants qui s’éclaboussent
au goût de sel sur la peau
et demain lui paraît lointain mais autre et elle sent le fil qui la rattache au monde.
Joëlle Gardes
D.R. Texte inédit
Joëlle Gardes/Terres de femmes
JOËLLE GARDES
Source
Voir aussi :
- (sur le site des éditions de l'Amandier) une bio-bibliographie de Joëlle Gardes ;
- (sur Terres de femmes) Joëlle Gardes, Dans le silence des mots, poésie (note de lecture) ;
- (sur Terres de femmes) Joëlle Gardes/Et si la profondeur n’était que… (extrait de Dans le silence des mots) ;
- (sur Terres de femmes) Joëlle Gardes, Jardin sous le givre (note de lecture) ;
- (sur Terres de femmes) Joëlle Gardes/"Les arcanes subtils d'une relation triangulaire" (La Mort dans nos poumons) + bibliographie ;
- (sur Terres de femmes) Joëlle Gardes/Ostinato e chiaroscuro (Ruines) ;
- (sur Terres de femmes) Trentième anniversaire de la mort de Saint-John Perse/20 septembre 1975 (chronique de Joëlle Gardes) ;
- (dans la galerie Visages de femmes de Terres de femmes) Portrait de Joëlle Gardes
(+ extrait de Oiseaux de Saint-John Perse) ;
- (sur Terres de femmes) 7 mai 1748/Naissance d’Olympe de Gouges (note de lecture sur Olympe de Gouges de Joëlle Gardes) ;
- (sur Terres de femmes) 31 mai 1887/Naissance de Saint-John Perse (note de lecture sur Saint-John Perse, Les rivages de l'exil, biographie de Joëlle Gardes).