Lors de la réunion du conseil municipal, lundi, le maire de Louviers s'est exclamé : «
« Que le chat soit blanc ou gris, l'important c'est qu'il attrape les souris », une citation de Den Xiaoping (notre photo) ancien dirigeant chinois et célèbre dictateur (1). Autrement dit, la fin justifie les moyens.
Ah, si les électeurs étaient aussi intelligents que lui, ils auraient déjà compris tout ce qu’il y a de ringard dans ce clivage gauche droite ! Mais, c’est bien connu, les Français sont des veaux. Où plutôt des ânes, enfin… des mules. Oui, c’est cela, ils sont têtus comme des mules et ne veulent rien changer à leur manière de penser la politique. Comme ils ne veulent rien savoir des réformes que leur propose le président de la République, pourtant leur dit-il, pour leur plus grand bien. Le bonheur, il faudra un jour le leur faire entrer à coups de pieds dans le cul ! Quel dommage !
Car, paradoxalement, Franck Martin — qui ne conçoit la vie politique qu’en terme de rapport de forces, d’affrontement, de conflits qu’il attise — rêve, laisse-t-il croire, d’une société fluide, consensuelle, apaisée, sans clivages. Une société où tout le monde serait d’accord sur tout en quelque sorte. Mais pour y parvenir, faut-il commencer par dépolitiser la vie locale. Il s’y emploie. La politique, n’est-ce pas le ferment de la division ? Alors, imaginez ! Plus aucune opposition, rien que des acquiescements quoi qu’il dirait ou proposerait. Les dinosaures de la Gauche rangés une fois pour toutes au magasin des antiquités. Ne serait-ce pas là le vrai bonheur ? Le seul ennui, c’est que cela ne s’appellerait plus la démocratie. Et le seul problème, mais il est de taille, c’est que les électeurs ne sont pas des débiles mentaux et qu’un grand nombre d’entre eux parviennent encore, en dépit de ce que certains médias leur font ingurgiter, à penser par eux-mêmes.
Franck Martin est depuis longtemps un professionnel de la politique, et pour durer, il est depuis un certain temps déjà prêt aux compromis, voire aux compromissions. En particulier avec la Droite. Il suffit de voir comment il ménage MM. Olivier Aubert et Benoît Vayrat au conseil municipal, dans le même temps où il cogne très durement sur la Gauche. À Louviers, pour se faire réélire après le refus des socialistes de participer à sa liste, il a dû compenser la défection des électeurs de gauche par ceux du centre-droit. Alors, évidemment, il lui conviendrait parfaitement que disparaisse le clivage gauche droite, et pas seulement au plan local.
À cette tâche, le président de la République, escamoteur en chef, s’y entend à merveille, brouillant les cartes et les repères, ayant annexé Jean Jaurès et Guy Môquet, bientôt Albert Camus si nous n’y prenons garde (2). Sa politique d’ouverture semant la confusion a fait des ravages dans l’opinion et avilit ce que la Politique a de plus noble dans sa fonction. Tous les mêmes, pensent beaucoup d’électeurs, puisque pour un portefeuille de ministre, le personnel politique de gauche le plus opportuniste : les Kouchner, Besson, Jouyet, pour ne citer qu’eux, sont passés à droite avec armes et bagages. Mais aussi parmi les chevaux de retour, guignant un dernier honneur avant qu’il ne soit trop tard : les Lang, Rocard, etc. Sans même parler de tous ceux qui, après s’être débarrassés de leur bagage idéologique, sont prêts, pour conserver ou gagner un mandat, à faire alliance avec le MoDem, c’est-à-dire la Droite qui n’ose pas dire son nom.
Ne soyons pas naïfs. En politicien madré qu’il est, Franck Martin n’a pas qu’un fer au feu. Et si son alliance surréaliste avec le Parti socialiste faisait long feu (3), nous le retrouverions demain, soyons-en convaincus, rallié aux Verts d’Europe Écologie, lesquels, derrière Dany Cohn-Bendit, n’ont qu’une idée en tête : faire alliance avec le MoDem pour mieux plumer la volaille socialiste. Cela, c’est vraiment son rêve, et c’est la réponse qui lui conviendrait le mieux pour surmonter le clivage gauche droite dont il voudrait la fin.
Reynald Harlaut (avec JCH)
(1) Den Xiaoping a décidé de réprimer les manifestations de la place Tian'anmen en 1989 : il ordonne aux forces de sécurité de tirer sur la foule. Appuyée par les chars, l'Armée populaire de libération investit la place Tian'anmen où étaient rassemblés les étudiants à Pékin et la fait violemment évacuer. Le nombre de victimes est évalué à 1 400 au cours du seul week-end, auxquels s'ajoutent plus de 10 000 blessés. Des dizaines de milliers de personnes sont également arrêtées dans les semaines suivantes.
(2) Heureusement son fils, Jean Camus, refuse à Nicolas Sarkozy le luxe de récupérer l'œuvre de son père, un libertaire qui rejeta tous les totalitarismes.
(3) Pour le moment, il se laisse courtiser par les instances dirigeantes du Parti socialiste qui surestiment largement son influence sur l’électorat eurois. Qui peut seulement imaginer Marc-Antoine Jamet et Franck Martin faisant campagne main dans la main aux régionales, compte tenu de la querelle permanente qu’ils entretiennent depuis des années ?