Une maison fut bâtie en 1978 conformément au permis de construire accordé à cet effet puis il fut exigé du propriétaire de l’époque qu’il obtienne un “permis d’usage de biens“ (« property utilisation permit »). Il devait faire réaliser un rapport d’expertise attestant que la construction n’était la source d’aucune menace pour la santé publique ou l’environnement (§ 7). Si ce rapport fut envoyé aux autorités compétentes, aucune réponse ne parvint au propriétaire concernant l’octroi dudit permis. Or, peu de temps après avoir acquis cette maison, le nouveau propriétaire a reçu en 1998 un avis de démolition, la construction se trouvant dans une zone protégée et à proximité immédiate d’une source d’eau potable. Après l’échec des recours internes, la maison fut démolie.
La Cour européenne des droits de l’homme a fait droit à la requête de ce second propriétaire qui alléguait d’une violation du droit à la protection de la propriété (Art. 1er du protocole n° 1).
La détention d’un titre officiel de propriété par le requérant est tout d’abord souligné pour énoncer que ce dernier disposait d’un “bien” au sens de la Convention (§ 41).
A cette occasion, les juges européens relèvent que “le requérant ne savait pas et ne pouvait pas savoir que la maison était une construction illégale“, faute pour le service officiel qui délivre les titres de propriété de l’avoir mentionné (§ 40 et 41).
S’agissant ensuite du but légitime poursuivi par la décision de démolition, la Cour admet sans peine qu’il s’agissait bien d’un “intérêt public, en l’occurrence la protection de la santé publique et de l’environnement“. Elle rappelle d’ailleurs que si le texte conventionnel “n’accorde aucune protection générale de l’environnement, une importance croissante est reconnue à cette protection dans la société actuelle [… et qu’elle a elle-même] insisté sur l’importance de la protection de l’environnement” (« Although there is no provision in the Convention affording general protection for the environment, it has recognised that in today’s society such protection is an increasingly important consideration […]. Furthermore, in a number of cases the Court has dealt with similar questions and stressed the importance of the protection of the environment » - § 43).
Pour autant, et enfin, cet intérêt environnemental doit être mis en balance avec l’intérêt particulier du requérant qui ne doit pas pour autant supporter un fardeau disproportionné (« a disproportionate burden »). Or, l’absence de toute compensation financière de la privation de propriété est considérée sans difficulté par la Cour comme une telle interférence disproportionnée dans le droit garanti par l’article 1er du protocole 1, aucune “circonstance exceptionnelle” ne venant justifier cette situation (§ 44 et 45).
En d’autres termes, et sans surprise, si l’intérêt environnemental prend une place croissante dans la jurisprudence de la Cour (v. par ex : Cour EDH, 3e Sect. 27 janvier 2009, Tătar c. Roumanie, req. n° 67021/01, voir sur le site droits-libertés et CPDH du 28 janvier 2009), il ne peut à lui seul justifier la violation flagrante d’un droit individuel tel que le droit de propriété.
Yildirir c. Turquie (Cour EDH, 2e Sect. 24 novembre 2009, n° 21482/03 ) - En anglais
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Actualités droits-libertés du 24 novembre 2009 par Nicolas HERVIEU