Un homme de nationalité nigériane, entré au Royaume-Uni à l’âge de vingt-deux ans en qualité d’étudiant, a fait l’objet d’une procédure d’expulsion initiée en 2006 et exécutée en 2008. Cette décision fut prise à la suite de sa condamnation à cinq mois d’emprisonnement pour agression sexuelle. Durant les vingt-six ans passés sur le sol britannique, il se maria avec sa compagne - également nigériane et qui l’a rejoint au Royaume-Uni un an après son arrivée - et eu avec elle trois enfants qui obtinrent la nationalité britannique. Par ailleurs, le séjour du couple devint régulier suite à l’obtention en 2005 du statut de « Indefinite Leave to Remain ».
La Cour européenne des droits de l’homme admet sans difficulté que l‘expulsion constitue une ingérence au sein du droit à la vie privée et familiale (Art. 8) du requérant (§ 38), le Gouvernement défendeur l’ayant lui-même reconnu, au moins pour la vie familiale (§ 36).
Plus délicat est l’examen de la conventionalité de cette ingérence, en particulier quant à sa nécessité dans une société démocratique. A ce stade, la Cour reprend la liste de critères établie dans sa jurisprudence passée (V. Cour EDH, G.C. 18 janvier 2006, Üner c. Pays-Bas, req. n° 46410/99 , § 57 et 58 - extraits cités au § 41) qui lui permettent de déterminer si la mesure d’expulsion d’un étranger ne porte pas une atteinte excessive aux droits de l’article 8.
Premièrement, sur la nature et la gravité des infractions commises par l’intéressé, la Cour ne néglige pas les diverses infractions dont le requérant s’est rendu coupable avant 2006 (§ 7 et 9). Mais elle “attache un poids considérable au fait que [les autorités britanniques], qui étaient pleinement au courant de son passé pénal, ont accordé au requérant le statut d’Indefinite Leave to Remain en 2005″ (§ 42). Seule l’agression sexuelle doit donc être prise en compte (§ 43). Or les juges européens, sans nier la gravité de ces derniers faits (§ 44), relèvent la relative faiblesse des sanctions et estiment que cet acte n’était pas “le résultat d’un ‘problème de fond‘” [”underlying problem”] révélant un comportement habituel (« There is no evidence of any pattern of sexual offending » - § 42). La Cour cherche ici à distinguer la présente situation d’une autre affaire proche où la violation de l’article 8 avait été écartée au sujet d’un étranger condamné pour usage de drogue, ce dernier comportement étant qualifié, lui, d’ « underlying problem » (Cour EDH, 4e Sect. 8 janvier 2009, Joseph Grant c. Royaume-Uni, req. n° 10606/07, § 39).
Deuxièmement, la juridiction strasbourgeoise relève que les liens du requérant et de sa femme avec le Nigeria se sont “significativement affaiblis” et que ceux avec le Royaume-Uni se sont corrélativement renforcés (§ 45). Par ailleurs, cette vie familiale a été consolidée par l’octroi du statut d’« Indefinite Leave to Remain » (§ 45). La Cour affirme également “attacher un poids considérable à la solidité des liens de cette famille avec le Royaume-Uni et des difficultés qu’elle rencontrerait en cas de retour au Nigéria” (§ 46), ceci pour exclure la possibilité d’une reformation de cette vie familiale dans ce dernier pays. La femme du requérant a passé vingt six ans au Royaume-Uni, ses enfants en ont la nationalité et le plus âgé y a un enfant en bas-âge avec sa propre femme. De plus, malgré la possibilité de contacts postaux ou téléphoniques avec leur mari et père au Nigéria, les juges relèvent l’importance des “perturbations dans leur vie familiale” (§ 46).
Au terme de cette analyse circonstanciée, la Cour conclut donc à la violation par le Royaume-Uni du droit à la vie privée et familiale du requérant consécutive à son expulsion (§ 49).
Omojudi c. Royaume-Uni (Cour EDH, 4e Sect. 24 novembre 2009, n° 1820/08 ) - En anglais
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Actualités droits-libertés du 24 novembre 2009 par Nicolas HERVIEU
publié novembre 27, 2009 @ 09:49