En rebond au désormais fameux c'est quoi être français aujourd'hui, et après voir lu ça et là quelques écrits évoquant ou n'évoquant d'ailleurs pas directement cette question, je me faisais ce matin la réflexion qu'être français, aujourd'hui, c'est assurément développer une culture du verre vide qui, à force, devient insupportable. Qu'on ne peut supporter, donc.
J'ai l'impression que dans ce pays, où désormais le jeu de main a pris stature internationale, les pognes sont recroquevillées et ce n'est pas un majeur qui se détache mais un index. Et cet index n'en finit pas de faire des tours et des retours, des bonds et des rebonds, pour montrer non le chemin mais, en vrac : ce qui n'est pas, ce qui n'est plus, ce qui ne va pas, ceux qui sont pas comme ceci, ceux qui sont pas comme cela, ceux qui ont dit ceci, ceux qui ont dit cela, etc. Le beurre et l'argent du beurre et la crémière et le troupeau. Que de l'intérêt. Pas de don. Les efforts sont bons quand ils tendent vers quelque chose. Ils ne sont pas sains quand ils entretiennent la crispation.
Elle me gonfle de plus en plus, cette culture de l'insatisfaction. Cette culture du on dénonce et point barre. Même ceux qui ne dénoncent pas dénoncent, finalement. Ils entretiennent.
Etre français aujourd'hui, c'est n'avoir plus confiance. C'est ne rien construire. A s'ennuyer. A du coup déconstruire. Table rase. Je connaissais les politiques de la chaise vide, de l'autruche, de la terre brûlée, de l'après moi le déluge. Je découvre la politique du rien. Le tourbillon présidentiel est en réalité un trou sans fond ni loi.
Cette culture de la dénonciation et du rien génèrent une culture du mal être qui en devient terriblement logique. Le je est mort. Le jeu maquille. Les quelques uns persuadés d'être aux manettes, quelques soient d'ailleurs les échelles, n'ont qu'à appuyer sur les boutons que leurs prédécesseurs ont installé. Et ça marche. Tout y passe. La santé, la fessée, les maisons closes, les mariages gris, le ceci, le cela.
Démocratie ? Non, inertie.
Etre fançais, aujourd'hui, c'est refuser un monde qui a évolué, c'est se planquer derrière des frontons et des valeurs désuettes, c'est vouloir faire comme les grands, brandir ces valeurs comme si elles allaient sauver ce monde. Traquer le moderne dans l'ancien. A perdre son latin.
Etre français aujourd'hui, c'est à 20 ans vouloir en avoir 30 ou 40, à 40 en vouloir 20, à 60 en vouloir 30 ou 40, à 80 n'en pouvoir plus. Largement de quoi en perdre la boule.
Dans ce vase creux, évidemment, pas d'idées, puisqu'elles sont tuées dans l'oeuf.
Pas de créativité, puisque c'est le siècle machine.
Pas de cheveu qui dépasse, puisque le ciseau est l'arme nationale.
Pas de milieu, non plus. Soit la mémoire n'est que nostalgie. Soit elle veut de l'oublie et sous couver de "modernisme" ose l'arrogance que déconstruire c'est construire. En quelques années, nous saurions mieux qu'en 2 000 ou 4 000 ans ? Quel mépris ! Et quelle(s) méprise(s) !
Elles ne m'effraient pas, cette irresponsabilité et cette arrogance-là. Elle me gavent. Invitent au potager. Inspirent le cheveu au vent et l'oeil sur l'horizon.
Je me demande de plus en plus si la plus belle des qualités n'est pas l'humilité. Pas sous l'angle disposition à s'abaisser volontairement, mais au sens de simplicité. De conscience. Elle n'est pas le contraire de la complexité. Elle peut en être l'antidote. De ce vaccin-là je veux bien.