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Quand le parfum des mumi jeeri rejoint les odeurs des mousses des eaux de la crue du fleuve et que les rivages du M’bargu tremblent sous le poids des eaux arpentant son sillage serpenté, ah mon dieu qu’elle est belle cette dame bleue dont le mirage aquatique éclaire ces vagues huilées qui viennent mourir sous l’ombre des mythiques collines du Fuuta. Fuuta cette terre singulière aux empruntes peules, carrefour des abondances et des générosités, terre de courage et d’affirmations culturelles, elle symbolise la vaillance et le génie peul, elle restera toujours cette terre de labeur et des transhumances lointaines, elle est la mémoire de notre passé et gardienne de nos traditions ainsi que de nos vestiges.
Quand les échos de la nuit transportent les confidences des berges peuls et que le silence amplifie ma solitude dans cet occident qui s’apprête à fêter son traditionnel noël, la nostalgie de mon Fuuta natal m’envahie et me plonge dans des souvenirs d’une enfance peule riche de cérémonies traditionnelles.
A l’heure où juulde taaski s’approche pour finalement passer inaperçu dans la réalité occidentale, je me rappelle de cette agitation qui gagne les villages de Fuuta, que dire de ces femmes peules qui font des allées et venues entre la forge de kaw Samba et l’atelier de couture de Kaw Ciré.
Je ne peux oublier leurs belles tresses nominatives cachées jalousement par un misoor et qu’elles montreront le jour de la fête. Je me souviens aussi de ces enfants assis sur le rivage du fleuve discutant du menu de la fête et du choix du boubou à porter le grand jour.
La vie du village est structurée autour des pelles, chacun est rattaché au groupe de gens ayant sensiblement le même âge. Enfin arrive le jour de juulde, très tôt le matin les parents entament le rituel de juulmo Wuuri, cérémonie qui ressemble au pardon breton où chacun présente ses excuses ainsi que ses souhaits de bonheur à son semblable. Après un bon bain fluvial, les hommes et les enfants enfilent leurs boubous de fête pour rejoindre finalement le fuummirde, lieu de prière qui annonce le début de la fête. Après celle-ci, ils reprennent le chemin de retour dans la joie et la bonne humeur, les ventres vides seront bientôt récompensés par ces repas copieux que tout le monde partage avec bonheur.
Partout la fête bat son plein, entre les combats de lutte traditionnelle et le rythme des tam-tams amplifié par la cadence des belles danseuses le choix reste difficile. Que dire de l’après-midi, zénith des festivités et des loisirs, riche de cette variété de danse des hommes et femmes initiés. Quand les femmes peules retrouvent tout l’éclat de leur beauté naturelle et que leurs jolis boubous raffinent encore plus leur élégance, on mesure à quel point certains SY ou DIOP s’appauvrissent sous l’effet du ndewnel.
Sur les visages se lit cette immense joie qui restera intacte pendant une semaine, car le juulde est hebdomadaire dans le Fuuta, est-ce par souci de faire profiter aux passants ou à des éventuels retardataires le bonheur festif de cette tradition fuutankaise. Oumar Moussa N’DIAYE