CJCE, 26 novembre 2009, Slanina, C-363/08.
Un cas très intéressant traité par la Cour ce jour. Mme Slanina est la mère d'une petite Nina pour laquelle elle perçoit, en Autriche, des allocations familiales. Après son divorce, elle déménage avec son enfant en Grèce où elle continue à percevoir des allocations familiales autrichiennes, son ex-mari continuant a vivre et travailler dans ce pays. Notons que ce dernier ne lui paye pas la pension alimentaire due.
Quelques années plus tard, les autorités autrichiennes réclament le remboursement des allocations (et des crédits d'impôt) dont a bénéficié Mme Slanina au motif qu'elle ne réside plus en Autriche. Mme Slanina conteste cette décision sur base du règlement 1408/71 relatif à la sécurité sociale des travailleurs migrants et, plus particulièrement, en se fondant sur son article 73 qui énonce:
"Le travailleur salarié ou non salarié soumis à la législation d'un État membre a droit, pour les membres de sa famille qui résident sur le territoire d'un autre État membre, aux prestations familiales prévues par la législation du premier État, comme s'ils résidaient sur le territoire de celui-ci".
Dans un second temps, la Cour était interrogée sur l'impact sur sa réponse du fait que Mme Slanina avait, quelques années après son arrivée en Grèce, commencer à y travailler.
S'agissant de la première question, afin que l'article 73 joue, il faut que l'enfant, Nina, soit considéré comme un membre de la famille de l'ex-époux, ce qui ferait naître dans son chef un droit aux allocations familiales. C'est tout d'abord sur base du droit national que la juridiction de renvoi devra effectuer cette vérification. Le droit communautaire, le règlement, apporte quelques précisions à cet égard. Ainsi, si, selon la législation autrichienne, Nina n'est pas un membre de la famille de son père (!?), "cette condition est réputée remplie lorsque la personne en cause est principalement à la charge de ce dernier", ce qu'il appartient également à la juridiction de renvoi de vérifier.
Quant à l'impact du divorce sur le fait que l'enfant a droit aux allocations, il est nul selon la Cour (comme l'est le fait que le père ne paie pas la pension alimentaire): "En effet, la Cour a déjà admis que, s’il est vrai que le règlement n° 1408/71 ne vise pas expressément les situations familiales consécutives à un divorce, rien ne justifie qu’elles soient exclues du champ d’application dudit règlement. En effet, l’une des conséquences habituelles d’un divorce est que la garde des enfants est accordée à l’un des deux parents, auprès duquel l’enfant aura sa résidence. Or, il se peut que, pour diverses raisons, en l’occurrence à la suite d’un divorce, le parent qui a la garde de l’enfant quitte son État membre d’origine et s’établisse dans un autre État membre en vue, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Humer, précité, d’y travailler, ou bien, comme dans la présente affaire au principal, pour y exercer une activité salariée quelques années seulement après y avoir établi sa résidence. En pareil cas, la résidence de l’enfant mineur se déplacera également dans cet autre État membre" (point 30).
S'agissant du fait que Mme Slanina exerce une activité en Grèce, selon la Cour, "s’il devait être établi que l’exercice de ladite activité professionnelle a effectivement donné lieu à la naissance, en Grèce, d’un droit à des allocations familiales équivalentes à celles perçues en Autriche", la réponse à la seconde question serait affirmative. Le droit à l'allocation autrichienne serait ainsi suspendu à hauteur du montant perçu en Grèce (en vertu de la règle anticumul de l'article 76 du Règlement 1408/71). Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si l'activité professionnelle de Mme Slanina lui ouvrait bien un droit à des allocations familiales.
En conséquences:
L’article 73 du règlement n° 1408/71 doit être interprété en ce sens qu’une personne divorcée, à qui étaient versées les allocations familiales par l’institution compétente de l’État membre dans lequel elle résidait et où son ex-époux continue à vivre et à travailler, conserve, pour son enfant, à la condition que ce dernier soit reconnu «membre de la famille» de cet ex-époux (...) le bénéfice de ces allocations alors même qu’elle quitte cet État pour s’établir avec son enfant dans un autre État membre, où elle ne travaille pas, et alors même que ledit ex-époux pourrait percevoir lesdites allocations dans son État membre de résidence.
De plus, l’exercice, par une personne, d’une activité professionnelle dans l’État membre de sa résidence ouvrant effectivement droit à des allocations familiales a pour effet de suspendre, en application de l’article 76 du règlement , le droit aux allocations familiales dues en vertu de la réglementation de l’État membre sur le territoire duquel l’ex-époux de cette personne exerce une activité professionnelle, jusqu’à concurrence du montant prévu par la législation de l’État membre de résidence de celle-ci.